Japon : câbles sous-marins endommagés et un bilan alourdi

Antoine Duvauchelle
Publié le 15 mars 2011 à 14h41
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Crédits : Zenrin pour le New York Times
Alors que la catastrophe de la centrale nucléaire de Fukushima continue de mettre la pression sur le Japon après le séisme et le tsunami de vendredi 11 mars, les industriels commencent à faire état des premiers dégâts humains et matériels, tandis que les autorités nippones annoncent des problèmes sur les câbles sous-marins.

La situation ne semble pas s'améliorer au niveau de la centrale japonaise de Fukushima. Alors que les Etats-Unis annoncent que le Japon leur a demandé de l'aide technique pour faire baisser la température des réacteurs, l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique, la principale organisation internationale sur le nucléaire) a décidé de dépêcher des experts sur place.

Premières conséquences économiques visibles
Hier, les industriels japonais semblaient dans l'attente de premiers résultats d'inventaires et les fabricants étrangers dépendants du Japon ne souhaitaient visiblement pas précipiter leurs premières estimations. Aujourd'hui, Texas Instruments est le premier à faire état de dommages « substantiels » et de conséquences graves sur ses ventes. Le fabricant de puces électroniques, le deuxième des Etats-Unis, indique qu'une de ses usines a été sévèrement touchée.

Basée à Miho, dans la préfecture d'Ibaraki, au nord-est de Tokyo, l'usine compte pour environ 10% du chiffre d'affaires de Texas Instruments. Selon le fabricant, elle ne pourra pas retourner à son niveau de production avant le mois de septembre, et devrait donc sérieusement écorner ses ventes. Texas Instruments évoque de « multiples facteurs » pondérant les conséquences économiques de la catastrophe : sa capacité à migrer sa production sur d'autres sites, le niveau de demande de ses clients japonais, etc. L'entreprise aurait déjà trouvé des solutions alternatives pour près de 60% de sa production de Miho.

Freescale Semiconductor, de son côté, a annoncé la fin des opérations dans son usine de Sendai, dans la préfecture de Miyagi, la plus touchée par les sinistres. Il a procédé à l'évacuation des employés, mais ne parvient pas encore à faire un état des lieux complet sur les dommages infligés à la production.

Point sur la situation
Pour rappel, les suites du séisme et du tsunami de vendredi se situent principalement au niveau de la centrale nucléaire de Fukushima. L'absence de refroidissement pendant plusieurs heures a conduit à divers incendies et explosions. Pour l'heure, un risque de catastrophe du niveau de Tchernobyl, il y a 25 ans, est encore écarté par les autorités locales, mais le président de l'ASN (Autorité de sûreté du nucléaire), André Lacoste, estime la situation de Fukushima au niveau 6 sur l'échelle de gradation des accidents nucléaires (le niveau maximal, 7, étant celui de Tchernobyl).

Le Premier ministre japonais, Naoto Kan, a annoncé ce matin l'évacuation d'une zone de 20 kilomètres autour de la centrale. Celle-ci a évidemment commencé dès les premiers incidents, mais le gouvernement souhaite s'assurer que plus personne ne reste dans le périmètre. Tepco (Tokyo Electric Power), qui assure la gestion de la centrale nucléaire, a également fait évacuer ses employés après une explosion, à l'exception de ceux qui luttent contre la fusion des réacteurs.

Du côté des réacteurs, justement, la situation a évolué par rapport à hier : les barres de combustible radioactifs, qui baignent normalement dans une cuve, sont hors de l'eau sur 2,7 mètres, soit environ la moitié de leur hauteur. Radio Japon, un service du groupe audiovisuel public nippon NHK en français, annonce par ailleurs une possible brèche dans la piscine de condensation. Deux explosions liées au relâchement d'hydrogène dans l'air et de nouvelles vapeurs ont été relâchées, ajoutant aux craintes de fuites radioactives.
Vers une hausse des prix ?
Reuters a annoncé en fin de matinée qu'une hausse des prix des composants avait commencé. Selon l'agence de presse, elle devrait se poursuivre à cause des perturbations sur les chaînes de production. Les dégâts au niveau des infrastructures de transport et d'électricité, les dommages subis par les usines et les craintes liées à la catastrophe nucléaire sont autant de facteurs qui freinent la production, entraînant les prix à la hausse.

« Alors qu'on a encore peu de rapports sur les dommages réels dans les usines de production d'électronique, l'impact sur les infrastructures de transport et d'énergie vont amener des troubles dans l'approvisionnement, et donc une pénurie et des prix à la hausse, » selon iSuppli.

Sur les mémoires flash de type NAND, par exemple, Reuters annonce une hausse de prix de 3% mardi, et rappelle que lundi, elles avaient déjà pris 20%. L'agence rappelle que le Japon est le cinquième producteur mondial de semi-conducteurs, et produit 40% des mémoires NAND. Même en cas de rétablissement rapide, le prix des composants pourrait être affecté jusqu'au troisième trimestre de l'année 2011.

Câbles sous-marins endommagés
Selon les données des opérateurs télécom du Japon, de nombreux dégâts sont à déplorer sur les infrastructures. Parmi les plus touchées, on dénombre plusieurs câbles sous-marins. Alors qu'Internet semblait hier avoir relativement bien tenu le coup, un cabinet d'analyse, Telegeography, recense les câbles qui posent problème :
  • L'APCN-2, un câble qui relie en boucle la Chine, Hong-Kong, la Corée, le Japon, la Malaise, les Philippines, Singapour et Taïwan.

  • Le câble entre le Japon et la Corée du Sud.

  • Le PC-1, dont plusieurs segments seraient endommagés selon NTT.

  • Le réseau East Asia Crossing de PacNet.

  • Les câbles Ouest et Nord qui traversent le Pacifique pour relier l'Asie aux Etats-Unis seraient hors service.

Selon Telegeography, les principaux dysfonctionnements sont liés aux stations de routage d'Ajigaura et Kitabaraki, entre Tokyo et Sendai, la principale ville touchée par le tsunami de vendredi. Selon Stephan Beckart, de l'agence de recherche, il n'y aurait pas de problème sur les stations et câbles du sud de Tokyo : « Tous les opérateurs de câblage qui ont rapporté des pannes ont également des installations dans cette région, donc il ne semble pas y avoir de problème à ce niveau. »

Les bourses plongent
La banque centrale japonaise tente de limiter les conséquences financières, notamment en injectant de l'argent. Avec ses taux directeurs déjà à zéro, elle dispose de peu de marges de manœuvre pour rassurer les investisseurs étrangers, qui rapatrient leurs capitaux dans leurs pays. Elle a promis hier 131 milliards d'euros, et vient de rallonger son plan de soutien de 70 milliards d'euros.

Cela ne semble malgré tout pas suffisant, et la bourse continue sa plongée. Alors que le Nikkei, le principal indice japonais, a perdu 18% hier après le discours du Premier ministre Naoto Kan, il ne s'est redressé ensuite que pour limiter la casse : à la clôture de séance, le Nikkei avait perdu 10,55% sur la journée. Panasonic en chute de 11,27%, Sony de 8,86%... La panique semble générale, et touche désormais les principales places de marché européennes.

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