Cette semaine l'ICANN, chargée de superviser les suffixes Internet, a publié la liste des candidats souhaitant acheter leur gTLD. Sur les 1930 candidatures, 84 dossiers sont à vocation communautaires (.arts) tandis que 66 sont des identités géographiques (paris, .corsica). En Europe, 675 demandes ont été formulées contre 911 aux Etats-Unis, 303 en Asie-Pacific, 24 en Amérique latine et 17 en Afrique. En France 55 dossiers ont été ouverts avec une société qui se démarque : L'Oréal.
Stéphane Van Gelder, siégeant au conseil GNSO de l'ICANN, explique la manière dont ces dossiers seront traités.
Pourriez-vous revenir sur la constitution d'un dossier pour obtenir une extension de domaine ?
Stéphane Van Gelder : Les candidats ont tout d'abord dû prendre connaissance du réglement mis en place par l'ICANN. Ce dernier fait environ 300 pages. On y retrouve notamment une cinquantaine de questions auxquelles les candidats doivent répondre. Dans certains cas, ces réponses peuvent d'ailleurs faire plusieurs pages. Pour obtenir cet accès le candidat a déposé la somme de 5000 dollars. Si tout est valide alors il devra envoyer un second paiement de 180 000 dollars.
Quel est l'intérêt pour une marque de posséder son extension ?
SVG : Si l'on prend la société L'Oréal, celle-ci a formulé 14 demandes. Ils ont tout d'abord souhaité .loreal. Il s'agit d'avoir davantage de visibilité et d'obtenir l'image d'une marque innovante. Cela permet également d'être un peu plus autonome. Les domaines loreal.fr et loreal.com sont respectivement rattachés à l'AFNIC et à Verisign. Il y a donc une dépendance, par exemple en cas d'incident technique. Et puis le .loreal permet aussi d'être plus accessible car plus identifiable.
Ils ont également demandé le .salon et le .beauty. Là l'entreprise se focalise sur des secteurs d'activité lui permettant de remonter d'un cran dans la hiérarchie d'Internet. Enfin la société a aussi demandé des extensions en caractères non latins pour étendre son marché et être également plus visible. J'ai été très surpris de voir qu'il y eu 116 dossiers relatifs à des extensions en caractères non latins.
Comment peut-on autoriser une marque à posséder un gTLD qui ne soit finalement qu'un nom commun ? Et si dans cinquante ans, une autre société se montre plus légitime pour gérer le .beauty ?
SVG : A la base il n'y a pas d'opposition à un projet. Le réglement impose plusieurs conditions, et notamment en ce qui concerne les compétences techniques du candidat. Ils devront quand même gérer une extension de la même manière que le .com ou le .net. Mais à l'instar des domaines dotés de l'extension .com, c'est la règle du "premier arrivé premier servi". En 1997 on disait déjà la même chose pour l'extension .com.
Quelle est la prochaine étape ?
SVG : A la fin du mois, l'ICANN examinera ces demandes, puis chacune d'elles sera placée dans un lot selon son importance. A l'heure actuelle il est question de former quatre lots de 500 lesquels seront annoncés le 11 juillet. Entre décembre et janvier, les dossiers les plus rapides seront finalisés. Pour les plus complexes, ceux dont une extension est demandée par plusieurs candidats, cela pourra prendre jusqu'à 19 mois.
Parallèlement, si une société s'aperçoit qu'une autre a déposé sa marque en tant que gTDL, alors elle pourra formuler une opposition.
Puis chaque année, le détenteur d'une extension devra reverser une somme à l'ICANN, n'est-ce pas ?
SVG : Tout à fait, ils devront reverser 25 000 dollars. Cette somme est valable pour une extension plafonnée à 50 000 noms de domaine qui viendront s'y greffer. Au-delà de ce seuil, la société reversera une somme pour chaque nom de domaine supplémentaire.
Parmi les candidats nous retrouvons des sociétés, des villes mais également des bureaux d'enregistrement. Il est difficile de penser que l'ICANN ne favorisera pas ces derniers dans le but d'obtenir des revenus supplémentaires...
SVG : Non, l'ICANN reste neutre. Pour plusieurs candidats souhaitant la même extension, le choix sera établi en fonction du dossier mais également des motivations de chacun. Par exemple les projets de type communautaires, visant à rassembler plusieurs personnes autour d'une thématique, seront privilégiés.
Je pense qu'il y aura aussi des arrangements internes. On peut imaginer qu'un candidat se retirera d'un dossier moyennant un chèque de son adversaire par exemple.
55 candidatures françaises, selon vous, est-ce satisfaisant ?
SVG : Non ce n'est clairement pas assez sur les 1930 candidatures au total. Je suis très content de l'Oréal. Cependant, je constate à quel point l'engouement est faible en France. Soit la société estime que la démarche est trop compliquée, soit il n'y a pas assez de capitaux pour parier sur des projets d'avenir. Parallèlement on voit qu'aux Etats-Unis des sociétés se sont créées spécifiquement pour monter un projet autour d'une extension.
Je vous remercie