L'ONU vient de publier un rapport sur les conditions de travail des ouvriers du « digital labor », un secteur encore peu régulé mais indispensable au fonctionnement des grands réseaux sociaux et autres plateformes de commerce électronique. Les conclusions de ce rapport sont alarmantes pour les quelques millions d'ouvriers qui travaillent dans ce domaine.
Elles sont issues d'une vaste étude menée par l'Organisation Internationale du Travail (OIT) auprès de 3 500 travailleurs originaires de 75 pays, entre 2015 et 2017. L'ONU les brandit aujourd'hui pour appeler les différents acteurs à plancher sur une meilleure régulation du secteur.
Qui sont ces travailleurs de l'ombre ?
Etudiants, chômeurs, Américains, Européens, Asiatiques... Ces personnes seraient aujourd'hui entre 45 et 90 millions à travers le monde et pourraient générer de 15 à 25 milliards de dollars à l'horizon 2020.Leurs missions : effectuer une série de tâches souvent répétitives et non automatisées pour le compte de plateformes telles qu'Amazon Mechanical Turk, Crowdflower ou Clicworker. Ces tâches vont de la modération de contenus sur les réseaux sociaux à la notation d'applications, en passant par le nettoyage de bases de données ou la transcription de photos et d'extraits sonores.
Maigres rémunérations et souffrance psychologique
Tout d'abord, ces travaux partageraient la caractéristique d'être mal rémunérés. Le salaire horaire moyen proposé oscillerait entre 3,31$ et 4,43$ selon les pays, et serait donc bien souvent inférieur au revenu minimum légal. A cela s'ajoutent la réalisation de tâches non payées et l'absence de couverture sociale ou de cotisations retraite.Il s'agit souvent d'un deuxième job destiné à compléter un revenu, une majorité déclarant disposer d'une autre activité professionnelle. Les rythmes de travail seraient souvent difficiles à suivre : 43% des personnes concernées affirment travailler la nuit, et plus de 60% au moins entre 20h et 22h.
Pour certaines tâches comme la modération de contenus, ces travailleurs de l'ombre seraient parfois exposés à des contenus violents et traumatisants. Conséquence : ils développeraient un état de détresse psychologique et souffriraient pour certains de stress post-traumatique.
Une prise de conscience nécessaire
L'un des principaux problèmes soulignés par le rapport est l'inexistence d'un cadre légal clairement défini. En effet, les plateformes citées appartiennent souvent à de grands groupes comme Amazon ou Figure Eight, mais ne disposent pas d'une structure d'entreprise à proprement parler, soumise à des devoirs et des obligations. Il est par exemple possible qu'une plateforme supprime le compte d'un travailleur sans l'en avertir et sans qu'il puisse demander un quelconque recours.A la lecture de ces résultats, l'ONU a donc lancé un appel pour une meilleure régulation de ces activités. Objectif : offrir des conditions de travail acceptables pour ces « forçats du clic ».