L'article 154 de la loi de finances pour l'année 2020, tant contesté, a finalement été validé. S'il a été partiellement censuré par les Sages, l'expérimentation aura bien lieu.
Le 20 décembre 2019, le Greffe du Conseil constitutionnel avait accusé réception de trois saisines de députés (de droite, comme de gauche) et de sénateurs visant à faire censurer et annuler différentes dispositions de la loi de finances pour 2020. Parmi celles-ci se trouvait celle permettant l'expérimentation de la collecte et l'exploitation, par le fisc, des données rendues publiques sur les réseaux sociaux et les plateformes numériques, figurant à l'article 154 de cette loi. Les membres du Conseil constitutionnel n'ont prononcé qu'une censure partielle de l'article dans leur décision, rendue le 27 décembre 2019.
Les Sages acquiescent mais préviennent les autorités de ne pas abuser
L'article 154 de la loi de finances pour 2020 autorise l'administration fiscale et les douanes à collecter et à traiter, de manière automatisée, les données personnelles (photos, vidéos...) accessibles sur des services en ligne, comme les réseaux sociaux ou les autres grandes plateformes numériques. Et ce à titre expérimental pour trois ans.La loi est, rappelons-le, destinée à lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, qui est un objectif de valeur constitutionnelle. Mais vu la méthode, les Sages ont souhaité vérifier que l'objet de l'article 154 n'entrave pas l'exercice du droit de libre communication ni la liberté de parler, écrire et imprimer, qui sont des conditions de la démocratie. Ces derniers estiment que ces dispositions portent effectivement atteinte au droit au respect de la vie privée et à la liberté d'expression et de communication, en l'état. Cependant, « il en résulte également que l'atteinte portée à l'exercice de la liberté d'expression et de communication est nécessaire, adaptée et proportionnée aux objectifs poursuivis », selon l'institution.
Le Conseil indique que les contenus épiés par le fisc doivent être librement accessibles au public, ce qui exclut, de fait, ceux visibles qu'en cas d'inscription sur le réseau social ou la plateforme. Celui-ci précise également que les autorités compétentes devront veiller, sous le contrôle du juge, à ce que les algorithmes utilisés dans le cadre du traitement des données « ne permettent de collecter et de conserver que les données strictement nécessaires à ces finalités ».
La majoration de 40 % écartée par le Conseil constitutionnel
Nous parlions plus haut d'une censure partielle de l'article 154. Le Conseil constitutionnel a fait supprimer la disposition qui aurait pu permettre à l'administration fiscale de collecter et exploiter de façon automatique des données « pour la recherche du manquement sanctionnant d'une majoration de 40 % le défaut ou le retard de production d'une déclaration fiscale dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure ».Les Sages précisent que dans une telle situation, les finances publiques sont déjà au courant de l'infraction de l'administré, et qu'aller plus loin porterait atteinte de façon disproportionnée au droit au respect de la vie privée et à la liberté d'expression et de communication.
Source : Conseil constitutionnel