Via une entreprise de chiffrement, USA et Allemagne ont espionné des dizaines de pays pendant des dizaines d'années

Benoît Théry
Publié le 12 février 2020 à 11h16
espionnage data
Shutterstock.com

Suite au rachat de la société de chiffrement Crypto AG, en 1970, les services secrets allemands et américains ont espionné plus d'une centaine de pays pendant des années, rapporte Le Monde, qui cite le Washington Post, la télévision allemande ZDF et la radio-télévision suisse SRF.

En vendant du matériel à ces pays, les trois médias expliquent que les deux agences de renseignements ont pu « truquer les équipements de la société afin de casser facilement les codes que les pays utilisaient pour envoyer des messages cryptés ».


120 pays concernés

La société suisse CryptoAG a été acquise par les agences de contre-espionnage des Etats-Unis et de l'Allemagne au début des années 70, pour 5,75 millions de dollars. La France s'est aussi intéressée au rachat de CryptoAG et à ses services en matière de contre-espionnage. C'est le renseignement français qui, en 1967, a fait une proposition de rachat conjointement avec l'Allemagne. Mais Boris Hagelin, le fondateur de l'entreprise, refuse et s'adresse à la CIA. Trois ans plus tard, CryptoAG a été rachetée par la CIA et la BND, service de renseignement allemand.

L'enseigne, qui s'est bâtie, après la seconde guerre mondiale, une solide réputation dans le domaine du chiffrement des conversations, a vendu son matériel auprès de 120 pays. Ceux-ci sont présents dans toutes les régions du monde : Moyen-Orient, Amérique latine, Inde ainsi que des pays européens faisant partie de l'OTAN, comme l'Italie, le Portugal ou l'Espagne. En achetant du matériel auprès de CryptoAG, ces pays n'avaient pas conscience de l'implication des services de renseignements américain dans l'entreprise. Pourtant, CryptoAG a conclu, dès les années 60, un accord commercial avec la CIA, faisant passer pour des « dépenses de marketing » un versement de 855 000 dollars.


Des décennies d'espionnage

Le Monde souligne ainsi l'étendue de l'espionnage mené par les services allemands et américains, précisant qu'ils « ont ainsi surveillé la crise des otages à l'ambassade américaine de Téhéran en 1979, fourni des informations sur l'armée argentine au Royaume-Uni pendant la guerre des Malouines, suivi les campagnes d'assassinats des dictateurs sud-américains, et surpris des responsables libyens se féliciter après l'attentat contre la discothèque La Belle à Berlin-Ouest en 1986, qui avait tué deux soldats américains ».

Les enquêteurs ont en effet eu accès à un rapport de la CIA daté de 2004 ainsi qu'à des documents réunis par le renseignement allemand en 2008. D'après ceux-ci, l'Allemagne s'est finalement désengagée de l'accord à la fin des années 1970 et a finalisé son retrait au moment de sa réunification. De leur côté, les Etats-Unis ont revendu CryptoAG en 2018. Le Washington Post explique : « CryptoAG avait perdu de son importance sur le marché mondial de la sécurité du fait de la diffusion massive d'une technologie de chiffrage fort dorénavant accessible sur les smartphones ».

Cet épisode du contre-espionnage serait donc clos, dépassé par les technologies de sécurité mobiles. Le projet, d'abord nommé « Thesaurus », puis « Rubicon » a permis, selon les dires de l'ancien coordinateur du renseignement allemand, Bernd Schmidbauer, de « rendre le monde un peu plus sûr ». Aujourd'hui, CryptoAG appartient à la société suédoise Crypto International, qui a déclaré n'avoir aucun lien avec la CIA ou la BND.

Source : Le Monde
Benoît Théry
Par Benoît Théry

Je veux tout savoir, et même le reste. Je me passionne pour le digital painting, la 3D, la plongée, l'artisanat, les fêtes médiévales... Du coup, j'ai toujours des apprentissages sur le feu. Actuellement, j'apprends à sourire sur mes photos de profil.

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Commentaires (10)
nrik_1584

Et l’Allemagne qui jouait les vierges effarouchées avec PRISM et Snowden quand ils ont appris pour les écoutes sur le téléphone de Merkel… XD

Comme quoi il n’y en a pas un pour rattraper les autres.

wawa911

Les occidentaux s’espionnent entre eux et après ils viennent pleurer car Huawei risque de faire la même chose !

dredre

Et après les USA font un scandale concernant Huawei…

Sinic

Dans tous les cas, l’existence même d’un service de contre-espionnage parle de lui-même. Quand un pays créé un tel service, c’est précisément pour s’assurer que l’on ne prépare rien d’hostile contre lui.

Maintenant, rien ne dit que l’Allemagne ou les USA ont pensé ce programme dans le but de nuire. D’ailleurs, concernant l’Allemagne, le fait qu’elle ait fini de se retirer à la réunification me laisse penser que Moscou devait y être pour quelque chose dans l’acquisition. Mais ce n’est qu’une supposition.

Styxou

L’Allemagne ? C’est quel pays ça en 1970 ?

Pi_upi_u

Je trouve ça surprenant que des personnes pensent encore ne pas être espionnées. Il faut se réveiller

Maga83

j’écoute
tu écoutes
il écoute
nous écoutons
vous écoutez
ils écoutent

Remplacez le verbe écouter par Google, Facebook ou tout autre zèro sociaux et on est bon. :stuck_out_tongue_winking_eye:

rexxie

T’es drôle toi, tout le monde sait que les activités secrètes d’espionnage c’est pour aider ceux qui sont ciblés…lol!

cirdan

Bonjour, étant donné la période, vous devriez préciser s’il s’agit de la RFA ou de la RDA car l’Allemagne était divisée, même si on peut se douter que c’était de l’Allemagne de l’ouest dont il s’agissait.

C’est pas si simple. Quand vous avez la possibilité d’espionner d’autres pays, il est difficile de réprimer ses envies et malheureusement ces espionnages réalisés sous couvert de sécurité sont en fait largement utilisés pour de l’espionnage industriel, ce qui nuit à l’économie des pays concernés, alliés ou non.
Sur le sujet:

Sinic

La BND était effectivement dans l’Allemagne de l’Ouest.

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