Dans ce cadre, chaque autorité était donc auditionnée afin de livrer sa position sur le sujet et sur le visage que la régulation du numérique doit prendre à l'avenir sur le territoire. Pour les représenter, leurs présidents respectifs, Isabelle Falque-Pierrotin (Cnil), Marie-Françoise Marais (Hadopi), Olivier Schrameck (CSA) et Jean-Ludovic Silicani (Arcep) ont été interrogés.
Isabelle Falque-Pierrotin (Cnil) : « Il faut réfléchir à des rapprochements, des synergies »
La présidente de la Cnil rappelle les compétences de l'autorité qu'elle dirige en précisant qu'elle demeure compétente en matière de téléphonie mobile, d'objets connectés, dans le milieu professionnel ou encore dans celui de la vidéosurveillance.
« Nous devons développer de nouveaux outils de régulation capables d'avoir une souplesse et une granularité d'intervention plus fines que nos outils classique afin d'accompagner les acteurs dans le déploiement du numérique. Nous mettons par exemple en place des packs de conformité pour aider une société dans une démarche d'innovation dans le respect des règles relatives à la loi Informatique et Libertés », explique-t-elle.
Concernant d'éventuels rapprochements avec d'autres organismes, Isabelle Falque-Pierrotin ajoute qu'il faut « réfléchir à des rapprochements, des synergies mais il est aussi important que chaque autorité ait des compétences propres et de ne pas créer un super jardin à la française, avec un régulateur regroupant toute une série de régulateurs, nous perdrions en réactivité et nous serions surtout en décalage par rapport à la culture Internet qui est celle de la décentralisation et de la distribution ».
Malgré tout et plus largement, le sénateur Bruno Retailleau (UMP) fait référence à la nécessité que le rôle de la Cnil soit plus important. Faisant référence à l'amende infligée à Google, faible au regard de la puissance économique et stratégique de la firme américaine, il propose qu'un texte soit voté afin que le gouvernement soit contraint de saisir systématiquement la Cnil en cas de litige de ce type.
Le ministère de la Culture défend l'idée de conférer au CSA certaines prérogatives appartenant actuellement à la Hadopi. Dans le cadre d'un projet de loi portant sur l'audiovisuel, des dispositions seront présentées au sein d'une « grande loi sur la création et la culture » afin de valider ce processus.
Face à cette tendance, la présidente de la Hadopi fait à nouveau part de ses réticences. Marie-Françoise Marais dit ainsi « craindre que le lien de cause à effet entre fusion et rationalisation ne soit pas automatique ». Elle ajoute, « certaines fusions peuvent s'avérer contre-productives [...] disposer d'une autorité dédiée spécialisée présenterait des avantages ».
Elle met également en garde le CSA sur les compétences qui pourraient échoir au CSA : « Si le CSA héritait des moyens de la Hadopi, elle n'aurait aucun moyen de réguler Internet et les clips vidéos par exemple. La Hadopi n'est pas une porte d'entrée vers la régulation des contenus sur Internet ».
Le ton est donc donné...
Olivier Schrameck (CSA) : « Confier au CSA les compétences de la Hadopi me parait avoir une pertinence certaine »
Le CSA (compétente en matière de régulation audiovisuelle), se refuse à distinguer les programmes des techniques qui assurent leur diffusion. Ainsi, son président précise que l'organisme « intervient sur l'ensemble des moyens des communications ».
Il ajoute : « audiovisuel et Internet sont de plus en plus perméables [...] le CSA n'a pas pour ambition de devenir le régulateur général de l'Internet mais des régulations sont nécessaires dans l'univers du numérique. Un régulateur de l'internet serait contraint de couvrir un champ démesurément étendu ».
Olivier Schrameck précise toutefois que le fait de « confier au CSA les compétences de la Hadopi me parait avoir une pertinence certaine ». Reste à savoir ce qui pourrait entrer dans le cadre des prérogatives du CSA.
Sur la question de la régulation du numérique en France, le régulateur des Télécoms s'est fait plus réservé. Concernant le rôle de l'Arcep, il explique : « nous sommes compétents sur les réseaux qu'ils soient pour du fixe ou du mobile, nous nous occupons des tuyaux et non pas de savoir quelle est l'information contenue derrière ces 0 et ces 1 ».
Le marché est toutefois en profonde mutation. Le responsable indique, à ce titre que « les programmes audiovisuels sont concurrencés par ceux des nouveaux acteurs de l'Internet comme YouTube par exemple mais également ceux crées par les utilisateurs eux-mêmes ». Jean-Ludovic Silicani ne se prononcera toutefois pas sur d'éventuelles fusions entre plusieurs autorités, laissant ce devoir au gouvernement.
Il aborde néanmoins le sujet de la gouvernance de l'Internet et du besoin d'imposer de nouvelles règles au niveau mondial. « Si quelqu'un était chargé de la gouvernance d'Internet, il faudrait y associer l'Europe et les pays émergents », conclut-il.
Dans cette optique, plusieurs voix se sont levées en octobre dernier à l'encontre du fonctionnement de certaines institutions comme l'Icann. En matière de noms de domaines, l'organisme exerce en effet son autorité sous le contrôle du département américain du commerce. Plusieurs Etats ont ainsi critiqué cette mainmise des Etats-Unis sur une partie du fonctionnement d'outils incontournables du numérique.