Pour la Hadopi, télécharger légalement ou non influe peu sur les achats

Olivier Robillart
Publié le 19 juin 2014 à 19h25
La Hadopi cherche à tordre le cou à un principe selon lequel les personnes qui téléchargent du contenu en ligne sont davantage enclins à acheter des produits culturels. Le département Recherche, Etudes et veille de la haute autorité produit un rapport qui permet de dresser plusieurs portraits robots d'internautes.

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Le DREV (département Recherche, Etudes et veille de la Hadopi) a suivi le comportement de 2 101 internautes et surveillé leur consommation en matière de biens culturels physiques (DVD, CD), dématérialisés ou même sous la forme de tickets de concerts. Plusieurs domaines comme les films, la musique, les livres ou encore les jeux vidéo sont pris en compte.

Globalement, l'étude réalisée par l'Ifop et commandée par la Hadopi précise que les internautes interrogés dépensent en moyenne 80 euros par mois pour acquérir ce type de bien. Dans cet ensemble, 31 euros vont dans les films/vidéos, 16 euros dans la musique, 13 euros dans les livres/BD/mangas, 8 euros dans les jeux vidéo, 7 euros dans les spectacles vivants et 4 euros dans les visites de musées et d'expositions. Dans ce panier, les biens physiques représentent alors 38% du montant global.

Des portraits robots aux comportements très différents

L'Ifop tente d'établir une corrélation entre certaines habitudes et le montant dépensé. Il constate que pour la catégorie des séries TV en particulier, « plus on pratique, plus on dépense ». Ce tableau relativement évident est cependant contrebalancé par le fait que certains publics semblent être moins dépensiers et ont tendance à consommer plus souvent de manière illicite ces mêmes contenus.

Premier profil intéressant : les moins de 35 ans, étudiants, avec un niveau de revenu faible. Leur panier d'achat n'est que de 52 euros par mois (contre 80 euros) en moyenne. La grande majorité des personnes entrant dans cette catégorie se rend sur des sites gratuits et plus de la moitié utilisent des plateformes illicites. Pour cette population particulière, la consultation de services illicites est donc importante alors que leur panier investi est faible.

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Une seconde catégorie dont l'importance est moindre vient cependant contrebalancer ce comportement. Les « boulimiques » (actifs, urbains, aux revenus supérieurs) consomment également beaucoup de contenus. Lorsqu'ils se dirigent vers des sites gratuits, 41% d'entre eux utilisent des plateformes illicites (contre 27% en moyenne). Toutefois, leur panier moyen explose et atteint 264 euros (contre 80 euros pour le reste de la population).

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Le fait de télécharger légalement ou non influe peu sur les achats

Le département Recherche, Etudes et veille tente d'aller plus loin dans son analyse. Après avoir rassemblé des informations sur les habitudes des internautes interrogés, il tente de mettre en corrélation ces éléments avec le panier d'achat mensuel moyen des sondés. Ce coefficient de corrélation permet ensuite de mettre en évidence quels sont les éléments qui peuvent pousser une personne à faire l'achat ou non d'un contenu, quand bien même elle a pu y avoir accès par des plateformes en ligne.

Les critères les plus importants s'avèrent ainsi être la fréquence de consommation d'un bien ou son appétence pour celui. En troisième lieu intervient le niveau de revenu de l'internaute. Quant au fait de télécharger ou non un contenu, ce paramètre n'influerait que peu sur le comportement d'achat.

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Pauline Blassel, directrice du département études de l'autorité nous précise : « ces éléments nous aident à mieux cerner les publics. Pour ce qui est de la catégorie des boulimiques, ils piratent des contenus uniquement parce qu'ils n'y ont pas accès légalement. Pour les jeunes, ce rapport nous aide à réfléchir sur des paramètres comme le coût de l'offre légale. Cela nous permet d'ajuster notre travail ».

Films et séries TV sont plus exposés

Selon l'Ifop, 76% des interrogés indiquent avoir consommé des biens de manière gratuite. Plus de la moitié d'entre eux (61%) ont alors utilisé des services licites pour y parvenir, le reste ayant recours à des plateformes jugées illicites. Cette dernière part reste donc plutôt en retrait par rapport au nombre de personnes qui se rendent sur des plateformes licites.

Certains domaines sont plus exposés à la consommation via ces sites dont l'activité pourrait être contraire à la loi. Pour la catégorie des films ou des séries télévisées, la part des consommateurs gratuits illicite est plus importante que pour les livres ou la musique en ligne.

La Hadopi explique ce phénomène en se basant sur les déclarations des internautes. Elle précise que « la consommation gratuite de biens culturels peut avoir valeur de découverte avant un achat pour les œuvres pour lesquelles une offre gratuite licite existe, à savoir la musique et les livres ». Toutefois, ce rôle de découverte ne fonctionne pas pour ce qui est des films, des séries TV ou des jeux vidéo, ajoute la haute autorité.

Un débat sans fin

La question soulevée par le département de la Hadopi est loin d'être nouvelle. De nombreuses études se sont succédées les unes aux autres ces dernières années, livrant des résultats plutôt épars. En 2009, Ipsos Mori pour le compte de Demos, un cabinet de recherche et de réflexion, s'était intéressé à la question pour le marché britannique.

L'étude révélait alors que ceux qui reconnaissaient se procurer des morceaux de façon détournée dépensaient en moyenne 75 livres par an en musique, contre 44 livres pour les « non-pirates ». Plus récemment, en 2012, une étude américaine expliquait qu'en moyenne, un utilisateur de P2P pouvait être amené à dépenser 30% de plus qu'un utilisateur ne pratiquant par ce moyen. La question du rapport entre téléchargement et consommation est donc loin d'être tranchée.

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