Le Conseil national du logiciel libre (CNLL), qui représente quelque 200 acteurs économiques impliqués dans l'industrie du logiciel libre, a adressé en novembre dernier une série de huit questions aux candidats à la présidentielle alors déclarés. Nicolas Sarkozy et François Hollande, tous deux en tête dans les sondages, ont accepté de se prêter à l'exercice. Leurs réponses, compilées par le CNLL et publiées le 12 avril dernier (PDF) témoignent d'une volonté commune d'encourager le secteur avec la mise en place d'une politique « préférentielle », même si les deux divergent sur la question des brevets logiciels.
Sur l'importance du logiciel libre dans la commande publique, les deux candidats se rejoignent en estimant qu'il convient de lui donner, à qualités égales, la préférence. Côté Hollande, on souligne ainsi que les logiciels libres permettent « davantage de mutualisation et facilitent la mise en concurrence des fournisseurs de prestations externalisées ». A l'UMP, on affirme que le gouvernement les a déjà identifiés comme axe de croissance, et qu'en 2010 15% du budget informatique des administrations étaient déjà consacrés au libre, un chiffre en hausse « de 30% par an ». Tous deux estiment par ailleurs que le libre mérite des « incitations préférentielles dans les dispositifs d'aide à la R&D de l'Etat ».
Le sujet du soutien aux PME du secteur fait également consensus. A droite, on prend logiquement soin de rappeler la mise en place de dispositifs comme le statut JEI (Jeune Entreprise Innovante), le crédit d'impôt recherche ou la banque OSEO. A gauche, on fait valoir que « moins de 20 % de PME » accèdent aux marchés de l'Etat en volume et 40% à ceux des collectivités locales. « Je veillerai à ce que la commande publique soit bien ouverte aux PME, à travers la mise en place d'un médiateur du marché public », promet le candidat Hollande.
Il se montre par ailleurs le plus enthousiaste quant à la place du libre dans l'éducation, promouvant l'utilisation de tels logiciels à l'école, dans les concours et examens. « L'éducation ne devra donc pas seulement faire des élèves des "consommateurs" de l'informatique, mais aussi des "créateurs", qui sauront décoder et surtout "coder" cet univers », fait-il valoir. Nicolas Sarkozy se montre lui plus mesuré, se disant favorable à la mesure, sans pour autant en faire une priorité.
Consensus également sur la question des standards, considérés comme une priorité, ainsi que sur l'épineux problème de la neutralité du Net, à la remise en cause de laquelle ils se disent « clairement opposés ».
Le principal point de divergence exprimé portera finalement sur les brevets logiciels, que François Hollande rejette sans ambages. « Nous veillerons à ce que la mise en œuvre du brevet communautaire ne soit pas l'occasion de légitimer les brevets sur les logiciels, les méthodes mathématiques et les méthodes commerciales », promet le candidat socialiste, rappelant par ailleurs la protection juridique liée au droit d'auteur dont bénéficie déjà le logiciel.
Nicolas Sarkozy s'y déclare quant à lui favorable, arguant d'une « complémentarité entre les logiciels libres et les logiciels propriétaires ». « Par exemple, c'est grâce à son modèle de logiciel propriétaire et de brevets que SAP peut financer ses quelques 16 000 informaticiens. En parallèle, SAP est concurrencé par des éditeurs de logiciels open source, faisant ainsi baisser les prix pour les clients et obligeant SAP à améliorer constamment de ses produits », ajoute le Président candidat.
Le CNLL, qui depuis 2010 se définit comme l'instance représentative, au niveau national, des associations et groupements d'entreprises du logiciel libre en France, se félicite au final « de constater que les candidats et leurs états-majors ont compris, dans l'ensemble, les spécificités du Logiciel Libre, et ses bénéfices pour l'éducation, l'innovation, la création d'emplois et la compétitivité » tout en fustigeant, sans surprise, la position UMP quant aux brevets logiciels.