Stéphane Van Gelder : Les deux critiques principales sur l'ACTA portent sur les méthodes de discussions mais aussi sur les dispositions du traité. Sur la méthode, ce qui me dérange le plus c'est qu'à partir d'un objectif plutôt sain à savoir la lutte contre le téléchargement illégal, on arrive à une situation qui ressemble plus à un cafouillage gouvernemental.
Désormais, des pays se retirent après l'avoir signé. Je reproche aux négociateurs de ne pas avoir intégré d'autres modèles de gouvernance et de ne pas avoir écouté la société civile ou bien encore les acteurs commerciaux et techniques concernés.
Il y a donc, selon vous, un manque de connaissances techniques sur le sujet ?
SVG : Tous ces dossiers ont un point d'accroche technique. Si vous regardez SOPA, la question du filtrage DNS se pose. Mais quels en sont les impacts sur l'infra réseau ? Le texte ne le précise pas, cela veut dire qu'il y a clairement un danger dans l'implémentation du traité. Ce type de filtrage est problématique à mon sens et lorsqu'on l'applique à une échelle nationale, c'est un peu comme si on plantait un clou avec un bulldozer.
Le texte laisse la place à l'instauration de sanctions mais prévoit également des garde-fous pour ne pas faire obstacle au commerce légitime. Quelles barrières doivent donc être mises en place impérativement ?
SVG : Ma peur c'est l'éventuelle dérive que peut entrainer un tel texte. L'idée de pouvoir empêcher des atteintes au droit d'auteur est louable mais qu'est ce qui existe derrière ? Prenons par exemple, un site générique qui serait débranché et en entrainerait d'autres. Le texte autorise ce genre de dérives et permet de ne plus se poser la question de la conséquence de ses propres actes. Ici, on rajoute une couche à des dispositifs déjà existants alors que la lutte contre le piratage peut passer par les structures en place.
Aux Etats-Unis, certains noms de domaine sont déjà débranchés sur les motifs de l'atteinte aux droits d'auteurs. Mais pour d'autres sous-domaines, les conséquences peuvent être importantes. Je souhaite ainsi savoir si ACTA va permettre aux Etats signataires ou aux ayants droit de s'appeler entre eux pour demander de débrancher tel ou tel site.
Quelles sont vos préconisations à l'égard de ceux qui discutent actuellement du traité ?
SVG : L'Icann se préoccupe de cette situation mais je tiens à rappeler que si les Etats mettent en place ce traité, cela entrainera forcément des dommages collatéraux. Même si de nouvelles instances sont saisies, on retiendra qu'il n'y a eu aucune consultation publique sur le sujet.