Pour appeler un taxi, on tend la main, on siffle, on dit « Taxi s'il vous plaît ! », ou presque. Pour faire appel à une voiture avec chauffeur privé, comprenez avec un niveau de services un peu plus étoffé, comment fait-on ? SnapCar propose de presser un gros bouton rouge, celui de son application smartphone. Normalement, il n'y a rien de spécial à faire : on appelle un chauffeur et, la géolocalisation faisant, celui-ci nous trouve et rapplique en dix minutes - en moyenne.
Si les chauffeurs de taxi grognent face à ce genre de service, ne dites pas à Yves Weisselberger, le cofondateur de SnapCar, qu'il officie sur ce créneau. Il concède être alternatif aux offres de taxi d'affaires, mais c'est tout. « Le monde du taxi en général ne voit pas d'un bon œil ce qui lui fait concurrence de près ou de loin, mais SnapCar n'est pas dans le collimateur car nous visons surtout le milieu des affaires », défend-il. « Et puis les taxis en veulent surtout à ceux qui se positionnent à des prix inférieurs à eux ».
Les voitures de SnapCar, des berlines allemandes haut de gamme, ne sont donc pas des taxis. Ce sont des voitures de tourismes avec chauffeur, une dénomination née d'une loi de 2009 qui réglemente cette profession, sans l'astreindre à un numerus clausus comme c'est le cas dans le monde du taxi. Le chauffeur qui viendra quand vous aurez pressé le bouton rouge n'est pas employé par cette société. Il roule en réalité pour d'autres entreprises, ou est parfois indépendant. SnapCar en mobilise une centaine.
À bord, journaux, bouteille d'eau et musique perso sont proposés. Et les chauffeurs parlent à la demande. Mais au fait, l'américain Uber ne propose-t-il pas déjà ça ? « Certains points de comparaison sont justifiés mais nous n'avons pas la même cible : eux, les voyageurs noctambules et nous, les voyageurs d'affaires », souligne Yves Weisselberger. Uber existe depuis 2009, et s'est installé à Paris mais aussi à Lyon très récemment. Citons aussi la start-up Club-Chauffeur, qui met quant à elle l'accent sur le prix.
SnapCar est apparu sur le tard. La société est créée en avril 2012, la bêta lancée en juillet et le service rendu public en septembre. Quoiqu'il en soit, Yves Weisselberger rappelle qu'il n'est pas étranger à ce domaine. C'est lui qui a contribué à créer KDS, spécialisé dans la réservation de voyages d'affaires en ligne et dans le traitement des notes de frais. Parmi les 150 employés, il y a trouvé son associé pour fonder SnapCar, l'américain Dave Ashton. Lequel était chargé de développer le business de KDS.
« Nous avons constaté que le transport en taxi n'était jusqu'à présent pas bien traité par les outils technologiques, Dave a creusé cette idée, plus que moi d'ailleurs, et on a décidé de se lancer », se rappelle le cofondateur. C'est vrai que le smartphone accroît fortement le confort d'utilisation. Si le client est géolocalisé, le parc de voitures l'est aussi, simplifiant la mise en relation des deux selon le critère de la proximité. Sur l'interface mobile, le client peut parler au chauffeur avant son arrivée via un chat.
Pour développer cette technologie, l'équipe SnapCar est constituée de huit personnes dont le plus gros des troupes est alloué justement au développement. Une personne s'occupe de gérer les chauffeurs et une autre s'attèle au marketing. Combien ça coûte ? Yves Weisselberger confie avoir « la chance » d'avoir participé à d'autres sociétés, et d'avoir donc pu autofinancer le projet. Soit 500 000 euros. Suffisant pour l'instant, SnapCar veut lever plusieurs millions d'euros avant la fin de l'année pour servir ses ambitions.
Si Uber a traversé l'atlantique, SnapCar veut traverser lui aussi les frontières, pourquoi pas la Manche, le Rhin ou les Alpes ? « Nous visons les capitales avant de nous étendre dans les villes de province, car il y a un plus fort potentiel », explique l'entrepreneur. Ce n'est pas tout. Si la plupart des clients sont privés, SnapCar veut accentuer sa coloration B2B. Cela s'est matérialisé en février avec une offre dédiée, dont le cœur est un compte entreprise, un site Web et deux profils de paiement : personnel et professionnel.
En sus, la start-up s'est liée à Inrix pour optimiser sa mesure du temps d'arrivée du chauffeur. Spécialisée dans la collecte de données sur le trafic, cette société fournit à SnapCar des éléments sur la circulation afin que les clients soient informés sur la durée d'attente du chauffeur. Pour autant, cette technologie ne sera pas mise au service de l'optimisation du temps de trajet, duquel découle la note... « On fait confiance au chauffeur ». SnapCar coûte grosso modo 50 euros pour aller à Orly et 80 euros pour Roissy.
Sur la somme collectée, la start-up se rémunère en prélevant une commission dont elle ne communique pas le taux, mais certifie que les chauffeurs « en gardent la plus grande partie ». Est-ce rentable ? « Nous le serions dès l'année prochaine, je pense, si nous restions en régions parisienne. Mais comme nous voulons investir pour nous déployer à l'étranger, ce sera pour plus tard », indique Yves Weisselberger. Le développement passera aussi par l'agrandissement du parc de chauffeurs, malgré une certaine pénurie.
Six mois après son lancement, SnapCar revendique 10 000 clients. Le défi sera de tenter d'exister dans la jungle urbaine parmi taxis, taxis d'affaires et des services à la proposition de valeur somme toute assez proche. Un élargissement de l'offre intégrant des motos est en cours de réflexion afin de se démarquer. Mais finalement, la singularité ne vient-elle pas des clients eux-mêmes ? À l'image de cet usager qui, à l'arrivée du chauffeur, n'est pas monté dans l'auto : la course avait été commandée pour son chien !