Parfois, une start-up peut naître d'un doudou perdu. Quand la femme de Jérémie Herscovic un jour lui annonce que leur fille a égaré le sien, il se rappelle avoir peiné à en retrouver un identique. Sur Internet ? « Non. » Faire le tour des boutiques ? « Trop compliqué. » Il aurait fallu à ce moment-là un service capable d'afficher les catalogues des magasins près de chez soi.
Le futur fondateur de SoCloz, ou « so close » en anglais, soit « si proche » est, jusqu'au début de l'aventure entrepreneuriale, en 2010, consultant dans la vente. Pas tout à fait innocent, il a déjà identifié, dit-il, l'intérêt des commerçants en dur pour Internet et même le multicanal. « Mais il n'existe pas de pont réel ». Deux associés sous le bras, spécialisés dans le Web et le développement, Jérémie Herscovic se lance dans son projet « Web to store ».
SoCloz est un assistant de pré-shopping capitalisant sur le fait que les trois quarts des internautes français se renseignent en ligne avant d'acheter en magasin. Et sur l'autre statistique selon laquelle plus de neuf ventes sur dix sont réalisées dans les boutiques physiques. On appelle cela le « Web to store », ou la capacité de tirer un client de devant son ordinateur pour le pousser entre les rayons d'un commerce proche de lui.
Ils sont plus de 10 000 à avoir ouvert leur catalogue à SoCloz, ce qui représente 1,6 million d'articles référencés en mars. « Nous ajoutons cent boutiques par mois à notre base de données », confie le fondateur. « Convaincre les enseignes n'est pas compliqué car nous leur montrons que nous cernons leurs problématiques », indique Jérémie Herscovic. « Nous avons de bonnes relations, ils ont confiance ».
S'adjoindre de nouveaux partenaires est bon pour les affaires de la société, mais leur variété, précisément celle de leurs données, n'est pas sans poser quelques problèmes. Face à une vraie question de Big Data, SoCloz doit recueillir, structurer et resservir des données récoltées dans plusieurs formats. Pour assurer un niveau de service égal entre les boutiques, un département qualité a même été créé.
SoCloz emploie actuellement dix personnes mais l'équipe devrait évoluer rapidement. Car la start-up a déjà rempli plusieurs de ses objectifs, comme construire une technologie, un trafic et convaincre les boutiques. La prochaine étape est enclenchée. Elle consiste à « boucler la boucle » en monétisant cette audience. Pour cela, la société a lancé début mars un système de réservation financé à la performance.
De plus en plus, les internautes pourront réserver leurs produits en ligne avant de les retirer près de chez eux. Dans ce cas, le taux de transformation est de 80%, précise Jérémie Herscovic. L'intérêt est donc bien compris côté boutiques. Aussi, ce service permet de « traquer » les clients qui se déplacent dans un commerce - c'est là que SoCloz se rémunère -, ce qui offre une visibilité sur le retour sur investissement.
D'ici trois mois, SoCloz prévoit de rallier 10% de ses partenaires commerçants à cette fonctionnalité. « Nous avons d'abord forgé un outil très informatif mais là on entre dans une dimension de transformation. Notre équipe est sous-dimensionnée et nous devons recruter des profils orientés marketing », annonce Jérémie Herscovic, qui espère grandir ses rangs de quatre salariés, à la faveur d'une prochaine levée de fonds.
L'objectif est de réunir 2 millions d'euros. Ils s'ajouteraient au million d'euro levé en avril 2012 auprès d'Alven Capital et de Business Angels comme Oleg Tscheltzoff, le fondateur de Fotolia. Aujourd'hui, SoCloz est solide car il a réussi à construire son actif et à dégager 1 million d'euros de recettes en 2012. Mais son fondateur reconnaît qu'« il est difficile de se financer sur un modèle basé surtout sur l'innovation ».
Pour convaincre les investisseurs, SoCloz fait évoluer son modèle économique. Depuis sa création, la start-up gagne de l'argent grâce à sa marque blanche. Mais aussi via ses partenaires payants chez qui elle exporte son moteur ou à qui elle connecte son API. Les réservations rémunérées à la performance complèteront le tableau. Ce sont elles qui offrent le levier le plus intéressant en termes de rentabilité.
Immanquablement, SoCloz va se développer sur mobile. Alors qu'on l'imagine déjà comme un puissant outil d'achat géolocalisé, Jérémie Herscovic tempère et explique que le mobile sera surtout vu comme un mode de diffusion supplémentaire. À ceux qui s'étonnent qu'une application n'existe toujours pas, il répond qu'il a fallu choisir. Le Web l'a emporté car il offrait les meilleures perspectives de trafic.
Preuve que son portail en a sous le pied, l'entrepreneur annonçait fin février son rapprochement du comparateur de prix LeGuide.com. Le but n'est pas de mettre en compétition Amazon et le coutelier du coin en affichant sur une même page les prix de chacun afin de voir qui a le plus petit. « Les différences ont tendance à s'amenuiser entre les pure players et les boutiques », veut rassurer Jérémie Herscovic.
Il n'en démord pas, l'achat IRL, « dans la vraie vie », est immuable. N'en déplaise aux outils de réalité augmentée qui simulent l'intégration de votre futur canapé dans le salon, grâce à une tablette. Ou encore aux imprimantes 3D qui elles aussi, peuvent faire tomber les dernières barrières du e-commerce. SoCloz en est sûr, certains produits ont besoin d'être touchés, sentis, vus. À voir.