Parce que les amis de ses amis sont ses amis, et que cette règle prévaut en règle générale pour pas mal de personnes, Yannick Oudin a décidé d'en faire une start-up. Et pour trouver des amis d'amis, il n'y a rien de mieux que Facebook et son 1,15 milliard de membres enregistrés. La boîte se nomme Tint Travel, a vu le jour en 2011 et a revu et corrigé sa plateforme en juin. L'occasion de revenir dessus avec l'intéressé.
Le constat qui préside à la création de cette plateforme est le suivant. « Si je pars à Londres, j'aurai mon guide avec moi, il sera pas mal d'ailleurs, mais je vais me retrouver dans des endroits avec d'autres Français, qui auront lu le même guide », fait remarquer l'entrepreneur. Le bon plan selon lui se conçoit autrement. En arpentant la ville accompagné d'un habitué. Et autant qu'il nous soit un peu familier.
Comment entrer en contact avec un ami d'ami ? La plateforme n'impose pas de passer par la relation commune. Une fois sur le site, celui-ci invite l'internaute à se loguer avec son inévitable compte Facebook. S'il veut voyager, il clique sur le bouton consacré et n'a plus qu'à renseigner la ville de son choix. S'affiche ensuite la liste des amis des amis du voyageur, susceptibles de l'accueillir.
Car tous vos amis n'ont pas de relations aux quatre coins du monde, Tint Travel a prévu de procéder à une demande publique. En désespoir de cause, le voyageur peut crier sur tous les toits qui veut bien de lui. Chaque « tinter » inscrit renseigne au préalable s'il est prêt à loger la personne, partager une table, aller boire un verre ou bien visiter la ville. En retour, chaque voyageur pourra bien sûr recevoir plus tard.
Dans les faits, la quasi-totalité des voyageurs ne dorment pas chez hôtes. « Généralement ce sont des gens qui vont dormir à l'hôtel et qui souhaitent plutôt boire un verre et visiter les lieux afin de trouver les bonnes adresses », observe Yannick Oudin. Depuis son lancement, le service a rassemblé 20 000 utilisateurs enregistrés, ce qui permet de toucher un panel de 5 millions d'amis d'amis, dans 196 pays.
« Moi je suis un malade du voyage, je l'ai fait par tous les moyens possibles et j'adore ça », confie le co-fondateur de la start-up. « J'ai aussi déjà accueilli avec CouchSurfing, le service d'hébergement temporaire bien connu, mais j'ai aussi été déçu quand j'ai rencontré des personnes qui venaient juste pour profiter du canapé », raconte-t-il. Pour lui il fallait proposer un service plus basé sur la confiance.
« Personne n'avait jamais proposé ce genre de plateforme de rencontre mais le potentiel est énorme pour nous », lance-t-il. Alors il s'est entouré d'une équipe. Alexandre Cesaro et Reuven Aboulker s'occupent du développement. Brice Lecompte, qui vit en Inde, s'attèle au design. Enfin Yannick Oudin gère le marketing et la communication. Deux stagiaires ont aussi rejoint les rangs de Tint Travel.
En décembre 2012, la start-up a été retenue parmi les 20 meilleurs projets d'Europe à l'occasion du SeedCamp de Paris. Une récompense pour l'entrepreneur formé à Centrale Marseille qui lors de la présentation de son parcours a scotché son audience en expliquant qu'il avait conservé son emploi... Yannick Oudin mène en parallèle une carrière de responsable e-commerce chez Yves Rocher.
Habituellement, les fondateurs de start-up montent leur premier prototype le soir en rentrant du boulot. Et vient un jour où ils quittent leur emploi pour s'adonner pleinement à leur entreprise. Dans le cas de Tint Travel, deux personnes s'en occupent à plein temps, c'est ce qui rend compatible le mode de vie de Yannick Oudin avec son projet. Malgré tout, il bosse toute la journée, « cela demande de l'énergie ».
Et financièrement ? L'avantage de leur modèle est qu'il n'a pas demandé beaucoup d'argent. Et pour acquérir les 20 000 premiers membres, ils n'ont rien dépensé. Quelques relais dans les médias, dont le New York Times s'il vous plaît, ainsi qu'un efficace bouche à oreille ont fait l'affaire. Désormais, l'équipe veut quintupler la base utilisateurs. C'est bien parti : 300 personnes s'y inscrivent chaque jour.
À ce rythme, Tint Travel devrait avoir atteint cet objectif d'ici 2014. Ensuite, cap sur le million. À ce stade, Yannick Oudin sait que son entreprise aura trouvé un modèle économique. Mais pour se développer, il sait aussi qu'il devra toquer à la porte d'investisseurs. Gageons juste que les associés ne connaissent pas le même sort qu'à leurs débuts : ils s'étaient fait voler tous leurs fonds d'amorçage !