Portrait : Lydia veut dématérialiser la carte bancaire

Thomas Pontiroli
Publié le 21 août 2013 à 16h44
Face à la multiplicité des moyens de paiement en France, Lydia veut simplifier les choses. Sa recette : coupler le succès des smartphones à l'efficacité des cartes bancaires. Le résultat se veut rapide et sécurisé, et permet d'échanger des espèces sonnantes et trébuchantes via son mobile.

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Cyrille Chiche, co-fondateur de Lydia
Lydia tire son nom d'un ancien royaume situé en Asie mineure, là où se trouve la Turquie aujourd'hui. La start-up fondée par Cyril Chiche et Antoine Porte a voulu rendre hommage au berceau de la monnaie. C'est là que fut frappée la première pièce. Elle était composée d'un alliage d'or et d'argent, l'électrum, puisé dans le fleuve traversant le pays, le Pactole.

Les égards pour la mitraille, fût-elle en or, s'arrêtent là. Car Lydia n'a d'yeux que pour la carte bancaire, « le moyen de paiement le plus sûr et le plus rapide », rappelle Cyril Chiche, dont l'objectif est de simplifier encore son utilisation, mais aussi de le rendre universel. Comment ? Avec le mobile, dit-il. « Il fallait accélérer la convergence entre ces appareils et les banques, encore trop fileuses sur le sujet. »

Nolens volens, les banques ont sauté le pas. Pendant que, çà et là, des initiatives d'autres start-up germaient. En 2009 aux États-Unis, Square. C'est le plus populaire des services de paiement par carte sur mobile. En Suède l'année suivante, iZettle. Citons encore l'allemand SumUp, arrivé sur le marché en 2011. En développement depuis 2011 et lancé en juin 2013, comment est-ce que Lydia espère se démarquer ?

Les trois solutions précitées permettent à leurs utilisateurs - médecins, chauffeurs de taxis ou auto-entrepreneurs - d'encaisser un paiement par carte bancaire via un simple smartphone couplé à un lecteur de carte et à une application. Lydia s'affranchit du « dongle » connecté sur prise jack. Pour régler sa note, le client entre la somme, confirme son code pin et présente le QR code généré temporairement.

Le débiteur de son côté, qui peut aussi être un ami à qui l'on doit de l'argent, n'a qu'à scanner le tag avec son smartphone. Il choisit ensuite de conserver sa somme dans l'application pour la dépenser auprès d'un commerçant partenaire. Ou bien de la transférer sur son compte bancaire si le montant dépasse les 5 euros - précisons qu'il lui aura été demandé au préalable de renseigner ses informations bancaires.

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La raison de ce choix technologique est simple : la façon de régler par carte bancaire diffère selon les pays. Dans la patrie de Square, il suffit de passer sa carte dans le lecteur (« swipe »). En France la transaction n'est possible qu'après lecture de la puce et saisie du code pin (« chip & pin »). Cyril Chiche souligne que c'est cette différence réglementaire qui a empêché Square de s'installer en Europe.

Pourtant les choses bougent. L'entrepreneur le sait, le leader américain va changer son modèle et délaisser progressivement son lecteur de carte au profit du dématérialisé. « Nous n'avons pas peur. Square ne pourra pas venir en France car les commissions prélevées sont trop hautes. Eux prennent 2,75% par transaction et nous 0,9% pour nos clients professionnels », compare l'entrepreneur.

Lui estime que « si Square s'adaptait, son modèle économique ne tiendrait plus ». Quoiqu'il en soit le marché du paiement par carte sur mobile est encore jeune et Lydia a toutes ses chances de grappiller des parts de marché. Pour cela, il va falloir user de bouche à oreille. « Nous savons que ce type de paiement fonctionne ailleurs, je suis allé au Japon et ils font cela depuis dix ans », se convainc Cyril Chiche.

Il le concède toutefois, « nous avons un modèle un peu plus compliqué à faire adopter que Square ». C'est-à-dire que Lydia doit « éduquer » et les commerçants et les clients, alors que l'américain et ses émules ne changent pas les habitudes des consommateurs qui ne délaissent pas leur carte en plastique. Selon l'entrepreneur, sa start-up « devrait tout de même faire profiter tous les maillons de la chaîne ».

« En étendant leurs moyens de paiement à la carte bancaire, les petits commerçants et professions libérales améliorent leur acquisition de clients. Ces derniers facilitent leurs transactions. Entre les deux, les banques prélèvent des commissions interbancaires de paiement. Enfin Lydia se rémunère, c'est ce qui constitue son modèle économique. » En deux mois, la start-up a séduit 400 professionnels.


L'entrepreneur estime à 1,5 million le nombre de ceux qui n'acceptent pas encore la carte bancaire en France, donnant un ordre de grandeur du potentiel de marché. Pour atteindre son objectif, la start-up a réussi à lever des fonds, « plusieurs centaines de milliers d'euros auprès de business angels privés », nous confie le co-fondateur. Cela a permis à Lydia d'embaucher pour compter une dizaine d'employés.

Si les financements ont permis de développer le produit, Cyril Chiche insiste sur le fait que tout a été possible parce que le duo qu'il a formé avec Antoine Porte était solide. « Nous avons fait connaissance à un apéro d'entrepreneurs. Je cherchais un associé au profil technique et lui une personne plus axée sur la vente. Avant de formaliser les choses, nous nous sommes testés pendant six mois », se rappelle-t-il.

Une fois les deux associés rassurés sur leur compatibilité, les deux co-fondateurs n'ont pourtant pas décidé de donner corps à Lydia tout de suite. « Deux choix se sont présentés à nous : rester enfermés dans une cave pendant deux ans et sortir le meilleur produit du monde ou bien tester le produit sur le terrain », explique Cyril Chiche. Ils ont rapidement choisi d'essuyer les plâtres avec le second choix.

L'idée était d'éprouver la solution en l'intégrant dans une enveloppe, Drinkon.me. Si cette « application pour payer des tournées à ses amis » a rempli son office, elle aura déclenché au passage le courroux des élus de la ville de Lille, lesquels cherchaient à freiner la consommation d'alcool chez les jeunes.
Thomas Pontiroli
Par Thomas Pontiroli

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