Le Brésil veut changer la gouvernance du Web

Frédéric Cuvelier
Publié le 23 avril 2014 à 11h17
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La présidente du Brésil, Dilma Rousseff, semble particulièrement déterminée à changer la façon dont le Web mondial est géré. Son but avoué : faire en sorte que la gouvernance d'Internet ne soit plus à la charge des seuls États-Unis d'Amérique.

L'affaire Snowden aura décidément déclenché une série de réactions auxquelles le gouvernement américain ne s'attendait probablement pas. Après les tensions diplomatiques liées à la fuite de l'ex-consultant de la CIA, c'est au tour de la gouvernance du Web d'être au centre des discussions entre gouvernements.

Rappel des faits. Suite aux révélations sur le dispositif Prism, la présidente brésilienne s'était exprimée de façon assez virulente à la tribune des Nations Unies, demandant « des explications, des excuses et des garanties que de telles opérations ne se répéteront jamais », annulant dans la foulée une visite d'état à Washington.

La gouvernance du Web, sujet de vieilles revendications

Visiblement très agacée, Dilma Rousseff a ainsi pris en main le marronnier qu'est la gouvernance du Web, en commençant par le système d'attribution des adresses, les fameux DNS.

Si, pour accéder à Clubic, vous pouvez taper dans votre barre d'adresse « 3w.clubic.com » plutôt qu'une adresse IP, c'est grâce au DNS. Pour fonctionner, ce système requiert lui-même des serveurs de noms. Ce sont eux qui vont résoudre votre requête, en associant le nom de domaine demandé à un serveur, et notamment son adresse IP, afin de vous en donner l'accès. Actuellement, ce rôle est confié à près de 400 serveurs répartis partout dans le monde. Mais il n'existe en revanche que 13 serveurs racines, qui leur servent de références.

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Ces 13 serveurs sont gérés par l'ICANN, en français, Société pour l'attribution des noms de domaine et des numéros sur Internet, une société de droit californien. Ce fonctionnement est controversé depuis des années. La Chine n'utilise plus les serveurs de l'ICANN depuis le 1er septembre 2006, le pays ayant constitué son propre DNS. La Russie a suivi. Le Brésil y a également songé.

Ces initiatives ont fait craindre la dislocation du réseau des réseaux, chaque pays pouvant potentiellement créer une telle infrastructure. Une situation difficilement envisageable, tant l'Internet mondialisé est désormais nécessaire aux échanges commerciaux. Face à ce risque, l'Europe a décidé d'appuyer la demande de la présidente brésilienne, en réclamant « une transition sans heurts vers un modèle mondial, tout en préservant les valeurs sous-jacentes de gouvernance multipartenaire ouverte de l'Internet. »

Il faut dire que Dilma Rousseff a trouvé des renforts de poids. La France, par la voix de son ministre de l'intérieur de l'époque, Manuel Valls, s'était émue des révélations sur Prism, alors qu'en Allemagne, c'est Angela Merkel en personne qui demandait des comptes.

Ces deux pays sont ainsi partie prenante dans le sommet international sur la gouvernance de l'Internet, baptisé NETmundial, organisé par le Brésil, qui se tient actuellement à Sao Paulo. Un sommet auquel participeront évidemment les États-Unis, dont la position n'est pas enviable.

La complexe position des Etats-Unis

En effet, le pays de l'Oncle Sam ne veut pas arriver à cette conférence avec le rôle de l'accusé. Le gouvernement Obama a ainsi d'ores et déjà déclaré vouloir abandonner le contrôle de l'Icann avant la fin 2015. Une décision immédiatement exploitée par l'opposition, qui a vu là une preuve de la faiblesse de la maison blanche en termes de politique internationale.

Et alors que la situation est déjà assez complexe à gérer, les déclarations de Mark Zuckerberg en mars dernier mettent un peu plus à mal la position américaine. Une sortie qui symbolise la crainte des grands groupes américains du Net, qui ne souhaitent pas voir leurs utilisateurs les abandonner suite aux révélations d'Edward Snowden.

Ce contexte semble donc avoir créé une fenêtre de tir de laquelle la présidente Rousseff s'est saisie. Le Brésil a pour lui l'appui de l'Europe, et la confiance des pays émergents. Reste à savoir si cette conférence parviendra à son objectif, une gouvernance « ouverte, participative, multipartite, technologiquement neutre, sensible aux droits de l'Homme et fondée sur des principes de transparence, de responsabilité ».

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