Le Conseil National du Numérique (CNNum) a été saisi en décembre 2014 par le Ministère du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social pour formuler ses propositions sur quatre sujets majeurs : les nouveaux métiers, les nouvelles pratiques des entreprises, les pratiques des services publics de l'emploi, et l'automatisation des métiers. En définitive, ce sont toutes les conséquences du numérique sur l'emploi qui depuis plusieurs mois, sont analysées à la loupe par le Conseil.
C'est à l'issue de la concertation nationale sur le numérique, en juin 2015, que le groupe a initié ses travaux. Au moment de remettre ce rapport à la nouvelle ministre Myriam El Khomri ce matin, Nathalie Andrieux s'est exprimée publiquement, déclarant que la « mission n'était pas tant de prédire le volume de destruction d'emplois lié à l'automatisation, ni de décider de mettre fin au salariat, mais plutôt de donner à voir ces incertitudes ». Peu rassurante au départ, l'ex directrice adjointe chargée du numérique du groupe La Poste explique quelle a été la visée substantielle de son travail, qui par l'audition de plus de 50 acteurs de la transformation numérique, a cherché à établir une « cartographie des controverses ».
Au programme : refonte du code du travail et mise en place du Compte Personnel d'activité. Face à l'automatisation croissante du travail, le rapport met clairement en avant la nécessité pour les travailleurs de diversifier leurs profils et leur parcours en participant à des projets en dehors de leur temps de travail initial. Mais dans l'esprit de Nathalie Andrieux il ne s'agit en aucun cas de faire des heures supplémentaires dans son entreprise, mais bien plutôt de favoriser une activité professionnelle annexe par le biais de nouvelles formes de redistribution. Rien à voir donc, avec les le célèbre 20% time de Google souvent accusé de masquer en réalité une ingénieuse façon de favoriser l'innovation d'entreprise (au lieu d'être un temps véritablement libre pour les salariés).
Nathalie Andrieux était la responsable du rapport "Nouvelles Trajectoires", portant sur les nouvelles modalités du travail et de l'emploi dans le cadre de la révolution numérique
Mais pour ce faire, le cadre légal a besoin d'élargissements. En premier lieu, il faudrait empêcher que l'entreprise dans laquelle le salarié travaille initialement continue insidieusement de faire travailler ses employés en dehors des heures réglementaires, par le biais des outils électroniques, tablettes ou smartphones. C'était la base apportée par le rapport Mettling, qui prônait un "droit à la déconnexion". S'ajouterait à cette première transformation du code du travail la mise en place d'un Compte Personnel d'activité, qui comptabiliserait officiellement des points d'expérience de par ses activités annexes, qu'il s'agisse de la création d'une entreprise, de la réalisation d'un projet de recherche, d'activités associatives, ou d'autres forme de travaux... Un dispositif de validation des acquis de ces diverses expériences permettrait de faciliter l'accès aux formations, et la reconnaissance par l'Etat de compétences nouvelles et non institutionnalisées.
En résulteraient une transformation nécessaire de Pôle Emploi, par l'introduction d'outils collaboratifs dans le service public. C'est là où le pair à pair (p2p) ferait son entrée : en facilitant un partage de fichiers entre les acteurs publics et privés de l'emploi (données telles que les bases compétences, catalogues de formations, fiches métiers, fichiers d'offres d'emplois, CVs anonymisés des demandeurs d'emplois, etc...), Nathalie Andrieux pourrait peut-être rendre à l'institution publique son étincelle. Le but de l'opération : une meilleure transparence du marché du travail (d'après Pôle emploi, 75% du marché du travail demeure caché).
Marissa Mayer : « Je dois vous révéler le vilain petit secret de Google à propos du 20% time. C'est, en réalité, un 120% time »
Le projet entend enfin prendre la mesure du champ de l'économie contributive, en amorçant un vrai processus de valorisation et de financement pour les activités non marchandes. A ce titre, le rapport parle de la "création éventuelle d'un revenu contributif" pour ce type d'activité, un peu à la manière du financement participatif, en précisant cependant "qu'il resterait à définir la gouvernance de ces critères" (qui, quoi, comment)...
Emploi Store
Afin d'éviter que les offres d'emplois ne se retrouvent encore plus éparpillées entre les différents sites de recherches d'emploi spécialisés, toujours plus nombreux, le rapport propose aussi la création d'un "Emploi Store" qui centraliserait sur un seul site web tous les services d'aide à la recherche d'emploi. Via un plug-in, les offres de tous les sites seraient visibles en simultané et accessibles par redirection. En plus de permettre l'agrégation des services de 80 partenaires, 15 nouveaux services seraient proposés. Parmi eux, un espace dédié à diverses formations en ligne (MOOCs), une collection de "serious games" pour permettre aux internautes des mises en situation, ou encore des simulateurs virtuels d'entretien.Emplois protéiformes
L'idée d'ouvrir le code du travail à de multiples formes d'emploi aujourd'hui non conventionnés et ce par le biais du numérique, un peu à la manière de 5 euros.com ( le site propose à quiconque d'offrir du travail, des mini-travaux, moyennant une rémunération de 5 euros), n'est en revanche qu'à peine esquissée. Le rapport évoque bien la "mutation des formes d'emploi", le "microjobbing", émet même la possible création d'une "charte de l'emploi en ligne" (visant à prémunir les futurs salariés des éventuels abus que ces nouveaux emplois pourraient générer), mais sans rentrer plus avant dans les détails de cette nouvelle économie.Depuis le 2 septembre 2015, Myriam El Khomri est la nouvelle ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social
Les nouvelles formes de l'entrepreneuriat, c'était peut-être le fer de lance d'un projet de loi parallèle, celui d'Emmanuel Macron. Menant d'arrache-pied un travail de fond depuis fin août, le Ministre pourrait voir sa future loi absorbée par celle de Myriam El Khomri, pour qui ce rapport a été fait.
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