Le marché français de la publicité en ligne a ralenti en 2012, relève le Syndicat des Régies Internet (SRI) qui a présenté mardi matin son 9e Observatoire de l'e-Pub. Alors que le chiffre d'affaires du secteur progressait sur un rythme à deux chiffres en 2011 (11%), il s'est tassé à 5% l'an dernier, pour atteindre 2,7 milliards d'euros. Une évolution à comparer avec les marchés américain, britannique et allemand, en progrès de 17, 14 et 15% sur la même période.
De manière globale, les principaux facteurs de ce ralentissement identifiés par le SRI sont : l'attentisme lié à la période électorale, la dégradation de la situation économique en fin d'année, mais aussi des conditions tarifaires « plus agressives » sur d'autres médias. Pour Jérôme Bourgeais, vice-président chez Capgemini Consulting - auteur de l'étude -, le décalage avec les autres pays « s'explique sans doute par un potentiel marché encore sous exploité sur le Display et sur le mobile ».
Le Search et les comparateurs préférés en tant de crise
Conséquence d'un marché atone : les annonceurs ont privilégié la publicité à la performance (dont la rémunération dépend des résultats de la campagne), en particulier le Search. Une tendance qui s'est accentuée au second semestre. Toujours largement en tête des canaux, le Search a progressé de 7% en 2012 pour atteindre 1,14 milliard d'euros de chiffre d'affaires, dans un marché français tiré par les acteurs du secteur agroalimentaire et de la grande distribution, relève l'observatoire.
Toujours sur les leviers à la performance, le SRI note une progression de l'affiliation de 5% à 217 millions d'euros, portée par la finance, l'assurance et le matériel de sport. En dépit d'une contraction du nombre de programmes, elle a bénéficié de « campagnes de plus en plus efficaces ». Autre bénéficiaire de la crise : les comparateurs, en croissance de 7% à 140 millions d'euros. Tirés par la croissance du e-commerce de 20% en 2012, ce secteur a reflété le comportement de consommateurs soucieux de leur pouvoir d'achat, et en quête de bonnes affaires.
Enfin, stable pour la troisième année de suite avec 95 millions d'euros de recettes, l'Emailing s'en sort bien, d'après Jérôme Bourgeais. Lequel constate que « la démarche d'autorégulation initiée par les principaux acteurs se poursuit et est de plus en plus reconnue par les annonceurs ». Cette tendance devrait se poursuivre en 2013, au vu des perspectives macro-économiques pas plus optimistes que pour l'année écoulée, prévoit-t-il.
La vidéo et les réseaux sociaux ont tiré le Display
Avec un chiffre d'affaires de 649 millions d'euros sur les douze mois passés, le Display a progressé de 5%, et repasse sous le Search en termes de dynamique de croissance. Principaux leviers : la vidéo in-stream (dans un flux vidéo) a décollé de 50% sur un an, suivie des réseaux sociaux, en positif de 35% et des opérations spéciales, en hausse de 18%. Pour Jérôme Bourgeais, le fait marquant de 2012 est l'implantation des Ad Exchanges, les plates-formes automatisées d'achat et de vente d'espaces publicitaires.
Le SRI observe en effet que les investissements vers les Ad Exchanges ont crû de 146% en 2012 pour passer de 3% à 7% du Display (vidéo, réseaux sociaux, mobile et Display à la performance). Ils ont représenté 10% des investissements du Display au deuxième semestre. En octobre dernier, une étude Forrester constatait déjà cette tendance forte et prévoyait que les Ad Exchanges pèsent jusqu'à 30% des dépenses publicitaires en ligne d'ici à 2017.
Dans le détail, la vidéo a particulièrement bénéficié du dynamisme de la vidéo in-stream, dont les investissements ont progressé de 60% au deuxième semestre contre 40% au premier, dynamisée par la catch-up TV. Une offre encore inférieure à la demande selon le SRI, et qui surfe sur l'audience de sites comme YouTube et Dailymotion, mais également des usages en situation de mobilité. Un succès complété par l'émergence de vidéos dans les bannières, d'après l'observatoire.
Pour ce qui est des réseaux sociaux, « ils ont franchi un cap dans l'efficacité perçue par les annonceurs », explique Jérôme Bourgeais. Avec 34 millions d'inscrits en France, soit trois internautes sur quatre d'après le SRI, et 5h20 de surf mensuel pour chaque utilisateur en moyenne, ils ont attiré les annonceurs. Le croisement des bases de données clients avec celles des utilisateurs de ces réseaux, dans un contexte de « socialisation » des entreprises via leurs outils de CRM, a également dynamisé ce segment.
Le marché de la Data se cherche, celui du mobile aussi
Alors que le Big Data est dans toutes les bouches, le SRI est d'avis que l'utilisation de données recèle un potentiel de gain d'efficacité pour les campagnes publicitaires, mais la Data se cherche encore. « Les techniques de ciblage ne cessent d'évoluer, avec par exemple le ciblage par foyer où l'on est capable de déterminer les différents appareils de la maison pour diffuser les messages de manière complémentaire et plus efficace sur le smartphone, la tablette, le téléviseur,
l'ordinateur, etc. », explique Jérôme Bourgeais.
N'oublions pas le mobile : il rassemble 50% de l'audience Web, mais seulement 2% des investissements en publicité digitale, constate l'auteur de l'étude, qui n'hésite pas à le qualifier d'« arlésienne ». Alors que ce marché a progressé de 30% en France tout de même en 2012, il est beaucoup moins dynamique qu'aux États-Unis (180%), en Allemagne (84%) ou au Royaume-Uni (70%). En 2013, le déploiement plus large de la 4G est attendu par le secteur, et vu comme un possible levier de développement.
Sans surprises, le SRI s'attend cette année à un climat général tout aussi « tendu » pour le secteur de la publicité en ligne. Il devrait croître de 5%, sur le même rythme qu'en 2012. Un point positif pour l'e-pub tout de même ? Free a décidé de retirer son dispositif de blocage de la publicité. « Cette action, qui a mis en danger plusieurs acteurs du Web, a révélé le fond de publi-phobie qui règne en France », estime Sébastien Danet, président de l'Udecam. Et d'en profiter pour rappeler que si la publicité en ligne ne repart pas, l'économie numérique en pâtira.