Pour rappel, depuis 2010, une enquête est ouverte sur les pratiques de Google en matière de recherche en ligne. Suite à de multiples critiques, le groupe américain est sommé de s'expliquer sur les accusations d'abus de position dominante. Une vingtaine de sociétés en Europe lui reprochent de favoriser ses propres services au sein de son moteur de recherche au détriment d'outils plus spécialisés comme des comparateurs de prix.
Si l'affaire traîne certes en longueur, Google court tout de même un risque de taille. Celui qu'en fin de course, l'Europe lui inflige une amende représentant 10% de son chiffre d'affaires sur la période pendant laquelle l'infraction aura été constatée. A titre d'information, pour l'année 2013 seule, Google a réalisé un chiffre d'affaires de 60 milliards de dollars. La sanction pourrait alors représenter plusieurs milliards de dollars.
Une place réduite pour la concurrence
Google a récemment présenté la manière dont il compte présenter ses résultats de recherche. Plusieurs éléments nouveaux apparaissent ainsi et permettent de distinguer les liens permettant d'acheter un bien sponsorisés par Google grâce à un encadré (Sponsored - Google Shopping Results).
Au sein de cet encadré figurent des alternatives, c'est-à-dire des liens proposés par la concurrence (sur l'image Kelkoo, Shopzilla...).
Toutefois, ce principe proposé par Google ne satisfait pas la concurrence. Bastien Duclaux, p-dg de Twenga dit rester « dubitatif quant à cette troisième mouture présentée par Google. Ces engagements ne permettent pas d'ouvrir suffisamment le marché. Les consommateurs cliquent uniquement sur les premiers résultats, les premières photos. Sous cette forme, nous estimons que Google conserve une part de marché située en 65 et 80% ».
Interrogé par la rédaction, le responsable ajoute que l'accord proposé par Google ne permet pas à la concurrence de se battre à armes égales : « Prenons l'exemple d'un internaute qui recherche sur Google les termes restaurant Marseille 11, il va autoriser les outils d'un concurrent uniquement si ce dernier est en mesure de proposer un service similaire. Or, Google contrôle 100% de la recherche organique, l'accord rate donc sa cible et s'avère inefficace ».
Préférer la pertinence à l'argent
Des problématiques demandent donc encore à être tranchées. Les professionnels vont formuler dans les prochaines semaines leurs propres propositions en demandant à ce que l'encart baptisé « Alternatives » soit modifié. A la place, ils souhaitent que le système mette en avant, non pas l'argent qu'est prêt à mettre un professionnel pour être bien référencé sur son moteur, mais le taux de clics généré par ce contenu.
« Cet enjeu est de taille » nous précise une autre source proche du dossier. « Aujourd'hui, le secteur du commerce électronique va mal, prenez MisterGooddeal ou La Redoute, car il est pris entre deux feux. D'un côté, il ne peut pas augmenter ses tarifs face à un Amazon surpuissant et de l'autre, Google fait monter le prix des enchères », ajoute-t-il.
Pour ne rien ajouter à la complexité du sujet, le dossier est également éminemment politique. Pour l'instant, un tiers des membres de l'Union européenne reste opposé au fait d'accepter le dernier document en date publié par Google. Toutefois, Joaquin Almunia, le commissaire européen chargé de la Concurrence, dispose d'une marge de manœuvre réduite.
Google, du fait des critiques concernant ses stratégies d'esquive fiscale ou de sa politique en matière de protection des données personnelles, n'est certes pas en odeur de sainteté mais les cartes seront rebattues dans 6 mois. Joaquin Almunia devra en effet quitter son poste afin de laisser la place à un autre commissaire, lequel sera chargé de reprendre le dossier.
La Justice européenne, un juge de paix ?
Afin de favoriser la médiation entre acteurs, un organisme baptisé « Monitoring Trustee » doit être mis sur pied. Celui-ci doit servir de régulateur dans le domaine sans toutefois disposer d'un pouvoir de rétorsion. L'idée germe désormais d'attaquer plus frontalement le groupe américain.
Si leurs préconisations ne sont pas entendues, une partie de la concurrence menace en effet de saisir la Cour de Justice de l'Union européenne afin de faire entendre leurs arguments. Le risque majeur pour Google semble d'ailleurs se trouver ici.
Si la justice vient à condamner la firme américaine, des dommages et intérêts pourront être accordés à une société au motif que Google abuse de sa position dominante. L'effet domino peut s'avérer problématique. C'est pourquoi le groupe risque fort de maintenir sa stratégie, continuant de profiter d'un agenda européen en sa faveur.