Il y a des années de cela, Intel disposait d'une licence ARM lui permettant de fabriquer des puces ARM : il s'agissait des processeurs Xscale qui équipaient alors un certain nombre de PDA, les fameux assistants personnels Windows CE notamment. Puis Intel a décidé de vendre à Marvell sa division en charge des Xscale et ce dans le but de se concentrer sur l'architecture maison, le x86, et ce sur tous les segments du marché. C'est ainsi qu'est né l'Atom qui a équipé la plupart des netbooks du marché notamment et qui se retrouve au cœur de certains décodeurs numériques, téléviseurs ou NAS. Selon les dirigeants d'Intel, et l'un des tous premiers d'entre eux en la personne de Justin Rattner que nous avions interrogé en septembre dernier, l'Atom n'aurait pas existé si Intel avait conservé sa division XScale.
Ce qu'Intel n'avait peut être pas anticipé c'est l'explosion du marché de l'ultra-mobilité, celui des smartphones et tablettes, un marché où le fondeur est littéralement absent depuis des années. Et si Intel est absent c'est avant tout parce que ses puces x86 n'étaient pas compétitives : leur ratio performance par watt étant inadapté à un usage dans un smartphone. Conscient de cet état de fait et malgré l'annonce de Moorestown en 2010 qui n'a finalement pas marché, Intel a poursuivi ses efforts pour concevoir Medfield, le processeur tout-en-un ou System on a chip au cœur du terminal de Lenovo.
Autre habitude du fondeur, historiquement les processeurs peu complexes sur le papier (le terme complexe désigne ici les caractéristiques limitées et ne recouvre en rien les challenges rencontrés à la production, Mark Bohr ayant pu nous dire récemment que l'Atom était finalement presque plus compliqué à produire que le plus avancé des Sandy Bridge), comme les Atom se voyaient systématiquement fabriqués sur un process ou nœud de fabrication d'ancienne génération. C'est ainsi que le SOC Medfield qui nous préoccupe profite d'un processus de fabrication en 32nm, près de deux ans après l'apparition de ce process avec les premiers Xeon ou Core i7 Extreme. Le problème c'est que pour réduire la consommation d'énergie, Intel a besoin du procédé de fabrication le plus avancé. La firme de Santa-Clara l'a bien compris et est en train de réaligner sa production pour que les SOC profitent de la meilleure technologie de fabrication au même moment que les processeurs de bureau.
Avec Medfield Intel propose donc un SOC simple cœur mais multi-threadé à destination des smartphones et tablettes. Il s'agit du processeur Atom Z2460 utilisé par le Lenovo K800. Sur le papier, Intel semble pénalisé du côté des fonctionnalités par le seul et unique cœur quand le dernier Tegra 3 de NVIDIA comporte... quatre cœurs (si l'on omet le fameux cinquième cœur).
De la même manière, Intel doit faire avec un autre handicap non négligeable : les équipes de développement de Santa-Clara travaillent sans relâche avec Google sur une version x86 d'Android. Le K800 de Lenovo tourne ainsi sous Android 2.3. Mais qui dit version x86 d'Android dit incompatibilité potentielle avec les applications Android existantes. On en distingue à ce sujet deux types : celles opérant en Java et celles dotées de code ARM propriétaire. Dans le premier cas, pas de souci, les applications Java s'exécutent nativement sur x86 sans encombre. Pour ce qui est du second cas, sur le papier il y a un souci puisque le code propriétaire ARM ne peut pas tourner sur x86. Et c'est là que les ingénieurs d'Intel sont intervenus pour incorporer une technologie permettant de faire fonctionner ces applications sur les processeurs x86.
Lors d'une table ronde organisée avec la presse internationale, Michael Bell d'Intel (un ancien d'Apple ayant travaillé sur le premier iPhone avant de rejoindre Palm) n'a pas souhaité donner plus de détails. On imagine qu'Intel a développé une sorte d'émulateur à la manière du Rosetta d'Apple pour faire tourner toutes les applications Android sur Medfield. La marque est bien consciente que d'un point de vue utilisateur il ne peut y avoir sur l'Android Marketplace des applications ARM aux côtés des applications x86. De fait toutes les applications disponibles sur la place de marché Android devraient fonctionner sur les smartphones x86 sans que l'utilisateur n'ait à se soucier de rien. Il y aura peut être quelques rares exceptions à la marge et dans ce cas de figure, Intel est prêt à assister les développeurs en leur fournissant un soutien spécifique. Reste que tout ceci ne nous éclaire guère sur le problème des performances : on peut légitimement penser que les applications Android avec du code ARM s'exécutant par le biais d'un émulateur affichent des performances dégradées. Officiellement, Intel clame que les applications Android s'exécuteront aussi rapidement sur Medfield que sur les chipsets ARM.
Interrogé par nos soins sur le fait de savoir si l'arrivée du x86 n'amplifiait pas le phénomène de fragmentation de l'environnement Android, l'un des porte -paroles d'Intel a répondu qu'il ne s'agissait pas de fragmentation mais de préférence, selon une logique qui de toute évidence nous échappe.
Du côté de l'intégration, le SOC Medfield actuel ne dispose d'aucun circuit radio intégré et Intel fait appel sur son design de référence à un de ses contrôleurs additionnels. Du côté du contrôleur pour l'écran tactile, là encore le SOC Medfield en est dépourvu mais Intel dit continuer d'évaluer les opportunités pour proposer le meilleur produit. Quant au cœur graphique de l'Atom Z2460, il s'agit d'un circuit PowerVR SGX540. Ce que certains concurrents d'Intel ne se privent pas de montrer du doigt en raillant l'incapacité d'Intel à intégrer son propre circuit graphique à son SOC ou en se demandant combien de temps le fondeur restera fidèle à PowerVR.
Pour l'heure donc seul Lenovo a annoncé un smartphone Intel Atom avec le K800. L'annonce du partenariat avec Motorola est une surprise même si les termes de ce dernier reste aujourd'hui encore totalement flou. Les rumeurs de partenariat Intel avec LG et ZTE perdurent donc alors que le fondeur dit également évaluer la possibilité de proposer son SOC pour d'autres plate-formes de téléphonie mobile. On pense notamment à Windows Phone.
Bref comme Serge Palaric de NVIDIA nous le confiait encore hier soir, le marché bouge extrêmement vite à tel point que l'année 2012 s'annonce passionante et l'année 2013 cruciale dans le paysage de la téléphonie mobile tant du côté des fournisseurs de puces que de celui des fabricants de smartphones.