De retour de l'IFA à Berlin, il est temps de faire un bilan de cette édition 2011. Si l'informatique pure viendra en temps et en heure, commençons par la 3D - essentiellement dans le domaine des téléviseurs. Grand hit de ces dernières années à l'IFA, elle semble mûrir d'édition en édition, même si pour l'heure, le succès commercial ne suit pas.
L'an dernier, la 3D passait du statut de nouveauté strictement technologique, plutôt réservée aux démonstrations, à celui de produit commercialisable. Les premiers téléviseurs hors de prix apparaissaient vraiment chez tous les constructeurs, et la 3D était un incontournable de l'IFA. La 3D active, s'entend. Car non, les fabricants de TV, moniteurs et ordinateurs le juraient, les grosses lunettes actives n'étaient absolument pas un frein à l'adoption de la technologie par les consommateurs.
Leur principal argument, c'était que la technologie était nouvelle, et suffisamment en rupture pour le monde de la télévision pour qu'elle suscite l'engouement. Las (pour eux), un an après, la sauce n'a pas pris. Et parmi les principales critiques reviennent régulièrement ces lunettes. Lourdes, chères à l'achat, non standardisées - il faut en prendre une paire différente pour chaque marque de TV - et globalement suffisamment gênantes pour que la TV 3D ne soit pas l'expérience ébouriffante annoncée.
Exit les lunettes actives ?
Cette année, à l'IFA, le ton avait changé du tout au tout. Étonnamment, ces constructeurs qui juraient l'an passé que la technologie active restait la meilleure solution ont cette fois décidé qu'il fallait se débarrasser des grosses lunettes. Chacun avec ses solutions. Evidemment, la solution qui ferait plaisir à tout le monde, et qui pourrait convaincre d'acheter un écran 3D, pour peu qu'il soit au même prix ou presque qu'un écran classique, c'est une 3D totalement débarrassée de lunettes.
Toshiba est le premier à avoir fait ce constat, et à avoir trouvé une solution commercialisable. Dès le salon tokyoïte Ceatec l'an dernier, il annonçait des TV 3D sans lunettes. Mais pas simplement une prouesse technique destinée à rester un prototype : le géant japonais assurait qu'il lancerait des TV sans lunettes sous peu. C'est désormais chose faite, puisqu'il a présenté sa ZL2 sur l'IFA. Dans la catégorie goodies, Toshiba s'est même payé le luxe d'offrir à tous ses visiteurs une paire de lunettes sur laquelle on pouvait lire "Bye bye".
Finies les lunettes, donc, même si ce n'est pas à proprement parler la solution la plus retenue par les autres fabricants. Sharp avait bien montré au même Ceatec des prototypes d'écrans 3D, et même un téléphone portable 3D sans lunettes au cours de l'édition précédente de l'IFA, il n'a rien montré cette année qui sorte du lot. Le fabricant semble même plutôt en retrait sur la 3D désormais.
Pour trouver d'autres écrans sans lunettes, il fallait donc chercher du côté des ordinateurs portables à l'IFA. Toshiba, encore lui, présentait un PC dédié au jeu vidéo, le Qosmio F750, capable d'afficher en 2D et 3D en même temps. Sony était également présent sur ce créneau. Mais pour la télévision, les choix étaient clairs chez tous les autres : pour ne pas sacrifier la qualité d'image, beaucoup avaient choisi de proposer des systèmes passifs. Le problème des lunettes n'est ainsi réglé qu'en partie, mais sur le terrain, c'est tout de même bien plus convaincant que la 3D sans lunettes à l'heure actuelle.
Ainsi chez LG, sur le stand duquel il était impossible de rentrer sans passer par la case distribution de lunettes passives. A part les quelques télévisions à technologie active restante, il n'y en avait que pour le passif. La qualité est bonne, l'image est beaucoup moins gênante après un temps un peu long d'utilisation, et globalement convaincante. Du côté de Philips aussi, on retrouve beaucoup de passif. Ici, le positionnement est plus clair : avec l'Easy 3D, sa gamme passive, on n'est pas dans la mise en avant de "l'expérience cinéma" comme sur le haut de gamme actif. Mais Philips met en avant le confort de visionnage. Même chose chez Samsung, Haier, ou Loewe. Même si ceux-ci n'avaient pas d'annonce particulière en terme de TV 3D à l'IFA (sur le plan matériel en tout cas), chacun se met petit à petit à la recherche d'alternatives à l'actif.
A la télé ce soir
Autre problème, cette fois moins matériel : les contenus. Car pour profiter de films, émissions ou autre en 3D, il n'y a pas cinquante solutions à l'heure actuelle. Et la plus courante reste l'acquisition d'un lecteur Blu-Ray compatible 3D, ce qui ajoute encore au prix de l'équipement. De ce côté-là, les constructeurs ne peuvent d'ailleurs pas vraiment contenter sur l'offre de Blu-Ray, les studios se contentant de réadapter des classiques ou de sortir une version tirée des films projetés en 3D au cinéma. A tel point que pour un chef produit rencontré sur le salon, « le choix se limite beaucoup à Pixar ou Dreamworks. »
Evidemment, la plupart des constructeurs intègrent désormais une technologie de conversion de la 2D en 3D. Mais celle-ci peine souvent à convaincre, et elle ne résout pas le problème de la réalisation des films et émissions, rarement pensés pour la 3D. Pas grand intérêt, donc.
La solution viendrait donc d'une autre technologie, elle aussi en fort développement. Alors que l'IFA 2010 consacrait la TV connectée aux côtés de la 3D, la version 2011 du salon a mis en avant la fusion des deux technologies. TV 3D et connectée. Ainsi, les constructeurs sont un peu moins dépendants du bon vouloir d'un distributeur de contenus, qui déciderait de lui-même de créer un chaîne 3D, comme Orange en France. Et peuvent négocier leurs contrats directement pour avoir de la 3D à diffuser.
Côté TV connectée, il fallait donc chercher du côté de LG, Philips, Sharp et Loewe. Si leur initiative commune pour le développement d'un standard de Smart TV n'est pas directement reliée à la 3D, elle devrait permettre à terme de voir des contenus 3D émerger plus facilement. Un producteur aura moins de mal à lancer une application de chaîne 3D s'il sait qu'il va toucher un marché suffisamment large, créé artificiellement par la réunion des quatre acteurs - et peut-être plus dans le futur.
Mais cette fois, c'est bien Samsung qui est allé le plus loin. Considérant le manque de contenus comme un frein plus important encore que les lunettes, Samsung a en effet décidé de mettre le paquet sur les contenus. Sa Smart TV va par exemple bénéficier d'un SDK (kit de développement) pour attirer les développeurs, et tenter de se poser en acteur incontournable. Ici encore, ce n'est pas directement lié à la 3D, mais cela pourrait largement lui profiter.
C'est cependant sans doute sur son application Explore 3D, qui va permettre de visionner gratuitement des contenus de plusieurs sources, que Samsung fait le plus grand pas. S'il n'y a pas encore de date officielle, Explore 3D sera disponible sur simple mise-à-jour, et a un objectif clair : il ne faut pas conditionner l'achat d'une TV 3D à celui d'un lecteur Blu-Ray compatible. Autre initiative de Samsung : le géant diffusera en exclusivité Youtube 3D, une chaîne en 3D développée directement par la filiale de Google, et qui proposera des contenus originaux pour les TV compatibles.
Question de choix
Au final, il semblerait qu'après les annonces tonitruantes et l'engouement des constructeurs, ceux-ci se soient enfin rendu compte des manques de leurs systèmes 3D. La TV 3D n'explosera peut-être pas cette année, mais les fabricants semblent enfin apporter des solutions plus convaincantes, qui pourraient séduire un public un peu plus large. Le choix passe donc de plus en plus de leurs mains à celles des consommateurs, seuls habilités à faire de la 3D une vraie tendance ou à la renvoyer dans les oubliettes de la technologie. Ici encore, cependant, les contenus et les solutions techniques ne suffiront pas : il faudra voir si la politique de prix des Sony, Samsung, LG, Toshiba, Haier, Philips & co. permet d'envisager une réelle démocratisation de la 3D.