Netflix : que peut-on attendre du service de SVOD en France ?

Audrey Oeillet
Publié le 26 mai 2014 à 18h31
Si on sait désormais que Netflix débarquera en France à la rentrée prochaine, de nombreuses questions sont encore sans réponse concernant le service de SVOD américain. Fort du succès de la plateforme outre-Atlantique et de l'inquiétude affichée du gouvernement et de la concurrence, il y a de quoi s'interroger sur de nombreux points en tant qu'utilisateur potentiel.

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Attendu comme le Messie par les uns, craint par les autres, Netflix sera-t-il une révolution ou un pétard mouillé lors de son arrivée en France ? Une question légitime, maintenant que l'on sait que le service de SVOD fera son entrée dans l'Hexagone « d'ici à la fin de l'année ». Mais finalement, Netflix, qu'est-ce que c'est ? Pourquoi ce service déchaîne-t-il autant les passions ? Et que réserve-t-il aux utilisateurs français ? S'il est compliqué actuellement de répondre à toutes ces questions, des pistes peuvent déjà être explorées. Mais pour bien comprendre Netflix et ses relations avec l'industrie du divertissement, il faut déjà s'intéresser à ses origines.

Netflix le précurseur

Le service est né en 1997 à Los Gatos, en Californie : à l'époque, Internet n'en est qu'à ses débuts et il n'est pas question de proposer du contenu en streaming. La plateforme propose dès 98 la location de DVD illimitée par correspondance, via Internet : l'abonné souscrit chaque mois pour avoir accès à un catalogue de films qu'il commande en ligne. Il choisit les DVD qu'il désire recevoir par courrier, dans la limite de ce que lui permet son abonnement, et les renvoie à la plateforme pour en recevoir d'autres. Une révolution à l'époque.

En 2009, Netflix bénéficiait d'un catalogue de 100 000 titres et cumulait 11 millions d'abonnés. En 2010, la plateforme se lance dans la vidéo à la demande illimitée, la fameuse SVOD : Instant Watch est proposée en complément de l'offre DVD pour les Américains disposant d'une bonne connexion Internet, pour 7,99 dollars par mois.

Des relations complexes avec Hollywood

Mais Netflix n'aura pas attendu de se lancer dans la SVOD pour entretenir des relations compliquées avec les majors d'Hollywood. En 2009, le succès de la location de DVD illimitée est telle qu'elle pose problème à des éditeurs comme Warner, 20th Century Fox ou Universal, qui estiment que le service nuit à leurs ventes de galettes. Les consommateurs, plutôt que d'acheter un film lorsqu'il sort en DVD, préfèrent le louer, mais la location est bien moins lucrative que la vente pour les éditeurs.

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En 2010, lors du renouvellement de ses contrats de distribution avec les principaux éditeurs, Netflix se voit contraint d'ajouter une clause stipulant qu'il doit attendre 28 jours après une sortie DVD avant de le proposer à la location. Depuis, ce délai est passé à 56 jours.

Le passage de Netflix à la SVOD n'a pas changé la donne sur ce point : les éditeurs imposent toujours leurs règles en ce qui concerne la diffusion de leur catalogue sur Netflix. En 2011, le service a notamment signé des accords avec Warner et CBS concernant la diffusion de leurs séries sur son service : ces dernières sont disponibles après la diffusion d'une saison au complet à la télévision.

Mais l'accord, signé pour 4 ans, prendra fin en 2014 : rien ne dit que les distributeurs ne renégocieront pas différemment maintenant que Netflix est parti à la conquête du reste du monde. De plus, certains éditeurs développent de plus en plus leur propre plateforme de distribution : c'est le cas de Warner avec Warner Archive Instant. L'envie d'éparpiller ses droits sur plusieurs services n'est plus forcément d'actualité.

La France, marché problématique ? Pas forcément...

Malgré les difficultés rencontrées aux Etats-Unis, Netflix a su s'imposer par des négociations rondement menées avec les détenteurs de catalogues de contenu. En France, la donne est différente, en raison notamment de la chronologie des médias.

Pour rappel, cette dernière impose des délais entre l'activation des différents modes de distribution d'un film, à partir de sa sortie en salle. Ainsi, un film ne peut pas sortir en DVD et Blu-ray moins de 4 mois après sa sortie au cinéma, il ne peut pas être diffusé sur une chaîne payante avant 10 à 12 mois, et sur une chaîne gratuite avant 22 à 30 mois selon les critères de coproduction.

Enfin, il faut attendre 36 mois pour qu'un film puisse être proposé par un service de SVOD, un point bloquant pour Netflix : on est donc très loin des 56 jours négociés par les majors aux Etats-Unis. Mais le service a un moyen de contourner le problème en partie : en s'installant à l'étranger, la plateforme esquive cette contrainte pour les films produits à l'international, souligne l'INA. « La seule limite serait l'offre de films français qui pourrait difficilement être présente car les ayants droit français sont tenus par l'arrêté du 9 juillet 2009 qui concerne notamment la chronologie des médias de la SVOD et qui s'applique selon son article 1 à « toute entreprise du secteur du cinéma » établie en France » explique le site, qui ajoute que « tous les films français ne sont pas forcement détenus par des sociétés ayant leur siège en France ».

Et, au final, c'est bien ce que compte faire Netfix : le service s'installera au Luxembourg, avant de déménager aux Pays-Bas en 2015. On comprend mieux pourquoi la concurrence sur le marché de la SVOD française, où l'on compte notamment Vidéo Futur et CanalPlay Infinity, s'inquiète.

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Des productions exclusives pour tirer son épingle du jeu

Depuis 2012, Netflix diffuse ses propres séries télévisées. Avec des programmes comme House of Cards, Orange is the New Black ou Lilyhammer, le service propose du contenu qui n'a pas à rougir à côté de productions de chaînes privées américaines, comme HBO ou Showtime. Netflix est même allé jusqu'à relancer Arrested Developpement, une comédie produite par la Fox de 2003 à 2006 et annulée au bout de 3 saisons.

En France, seule House of Cards a été diffusée, sur Canal+. Les autres séries de Netflix sont pour l'heure inédites dans l'Hexagone, et il y a fort à parier que le service mettra l'accent sur son contenu exclusif lors de son arrivée dans le pays. Concernant House of Cards, il y a également de grandes chances que Canal+ ne diffuse pas la saison 3 l'année prochaine.

Mais ce n'est pas tout : Le Figaro révélait récemment que Netflix aurait « signé avec un producteur français pour tourner une série originale destinée à séduire ses futurs abonnés ». Une initiative qui, si elle se confirmait, serait inédite pour la plateforme actuellement implantée dans une quarantaine de pays.

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La démarche aurait du sens cependant, dans la mesure où le gouvernement français défend farouchement son « exception culturelle » : en début d'année, la ministre de la Culture Aurélie Filippetti affirmait que « s'il veut s'installer ici, Netflix doit se plier aux régulations qui font le succès de nos industries, notamment en matière de financement de la création. C'est une condition sine qua non pour préserver notre écosystème unique. »

S'il semble désormais établi que le service ne s'installera pas en France - esquivant la fiscalité locale au profit de celle, plus avantageuse, du Luxembourg - Netflix semble donc décidé à jouer le jeu, au moins en partie, en produisant du contenu inédit dans l'Hexagone. En outre, la plateforme a également signé avec Gaumont pour que cette dernière prenne en charge la production de deux séries : Hemlock Grove et Narco.

La question de l'accès au service

Outre la question du contenu, celle du moyen d'accéder au service se pose encore : pour l'heure, on sait que Netflix sera accessible via les ordinateurs et les terminaux mobiles en France. Mais pour ce qui est de l'accès depuis un téléviseur, le mystère reste entier. Début avril, la rumeur courait concernant les difficultés de négociations avec les FAI pour mettre en place des partenariats via leurs box Internet. La plateforme souhaiterait imposer son application vidéo, intégrant notamment un moteur de préconisation très poussé.

L'officialisation, mi-mai, de l'arrivée de Netflix en France à la rentrée laisse entendre que les négociations ont connu une avancée ces dernières semaines. On parle désormais d'un abonnement au tarif compris entre 7 et 10 euros par mois, accessible à partir de septembre prochain. Mais les conditions d'accès sont encore floues alors qu'il s'agit d'un point crucial pour chercher à convaincre les abonnés potentiels de souscrire au service.

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Ni une révolution, ni un pétard mouillé, Netflix va devoir convaincre deux types d'abonnés potentiels : d'un côté, ceux qui ne sont pas familiarisés avec la SVOD mais qui pourraient pourtant y trouver leur compte en profitant de l'expérience du service. De l'autre, ceux qui, scrutant la lucarne qui donne sur les Etats-Unis, ont une image idéalisée de Netflix, loin des possibilités offertes par le marché français. Gageons que le challenge sera de taille dans les deux cas.
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