L'actualité des voitures électriques a été particulièrement chargée et mouvementée au cours de l'année 2018. Des nouveaux véhicules européens, américains et asiatiques aux investissements colossaux entrepris par les groupes du Vieux Continent en passant par les avancées de Tesla et les efforts observés sur les nouvelles générations de batterie, les innovations n'ont clairement pas manqué. Retour sur ces douze mois aussi passionnants qu'excitants.
Chaque année, le domaine des véhicules électriques prend une dimension toujours plus importante dans l'univers de l'automobile.
D'une, parce que les ressources de la planète dont dépendent les voitures à essence s'épuisent, poussant les fabricants à se tourner vers une énergie plus verte et moins polluante (même si elle reste bien imparfaite). De deux, parce que les acteurs du secteur sont contraints d'intensifier leurs efforts en ce sens, la faute - ou plutôt grâce - à des entreprises comme Tesla, concurrent novateur et redoutable.
Mais à quel point l'année 2018 constitue une étape importante dans le développement des voitures électriques ? Pour répondre à cette question, cette rétrospective des douze derniers mois s'articulera autour de quatre piliers :
- les grands chantiers européens en termes d'investissement,
- les nouveaux et futurs modèles de voitures électriques,
- Tesla et tous les enjeux qui entourent cet incontournable du secteur,
- les différentes avancées sur les batteries développées, l'un des composants essentiels à la démocratisation des voitures de demain.
Des plans d'investissement gargantuesques
Pour survivre dans le paysage automobile, l'investissement est de mise. C'est du moins ce que laissent penser les différentes stratégies amorcées par les grands groupes. L'année 2018 a ainsi été marquée par un nombre conséquent de création de fonds. Outre les gargantuesques mannes financières injectées, cette position reflète la vision à long terme des multinationales concernées : Volkswagen, Ford, Porsche ou encore BMW, toutes à l'origine de projets ambitieux.Il faut dire que les firmes allemandes, parmi les leaders du domaine, ont pris un sérieux retard sur leur rival américain, Tesla. A tel point que le ministre de l'économie du pays, Peter Altmaier, a récemment tapé du poing sur la table : « Je me demande vraiment quand est-ce vous serez capables de produire une voiture électrique aussi sexy qu'une Tesla ? », a-t-il lâché à Harald Krüger, Herbert Diess et Dieter Zetsche, respectivement CEO de BMW, Volkswagen et Daimler, à l'occasion d'une conférence sur le thème de l'IA.
C'est dire les difficultés de l'industrie allemande à s'adapter aux grandes mutations d'aujourd'hui. Et pourtant, ce ne sont pas les efforts qui manquent. BMW a par exemple dévoilé ses plans à court terme : commercialiser cinq nouvelles voitures électriques d'ici 2021, que sont la MINI Electric (2019), la BMW iX3 (2020), la BMW i4 (2021), la BMW iNEXT (2021) et la BMW i3 - cette dernière est déjà disponible sur le marché, mais des versions améliorées devraient prochainement voir le jour.
Mieux, la firme bavaroise prévoit d'étoffer son offre jusqu'à 12 modèles électriques, hybrides compris, à l'horizon 2025. A voir si BMW s'alignera sur la stratégie haut de gamme de Tesla, ou misera sur des modèles milieu de gamme pour le grand public - ou les deux. Son compatriote Volkswagen a de son côté une idée claire et précise : commercialiser un SUV électrique à moins de 20 000 euros susceptible de pénétrer un juteux marché encore naissant.
Ford en embuscade
Ce projet s'inscrit dans une stratégie plus globale, basée sur un plan d'investissement faramineux de 44 milliards d'euros, dans l'optique de développer ses solutions électriques et autonomes sur les prochaines années. Une somme représentant tout de même un tiers des dépenses du groupe sur la période 2019-2023. Si la société d'outre-Rhin n'en dévoile pas davantage, son investissement dans ce segment en particulier reste l'un des plus importants de l'année 2018.Sa filiale Porsche semble également emprunter ce cap. En février, la firme de Stuttgart a levé le voile sur sa vision à court terme en doublant ses fonds à hauteur de six milliards d'euros. Objectif : développer ses voitures hybrides et électriques, dont la Mission E devenue la Porsche Taycan, son réseau de superchargeurs européens et ses installations de production, d'ici 2022. Électrifier 50 % de sa gamme d'ici 2025 fait également partie de ses ambitions.
Ce coup de pouce financier a d'ailleurs porté ses fruits : la production de sa sportive électrique Taycan progresse, si bien que les précommandes du modèle ont été ouvertes en août dernier. Il faudra cependant patienter jusqu'à la fin de l'année 2019 pour l'avoir entre ses mains. En mars, Porsche revoyait même ses ambitions à la hausse en annonçant le développement d'une Mission E Cross Turismo, un SUV électrique à la fois sportif et compact.
Outre-Atlantique, c'est du côté de Ford qu'il faudra se tourner : l'entreprise américaine a profité du salon automobile de Détroit, en janvier, pour présenter son investissement de 11 milliards de dollars dans les voitures électriques, étalé jusqu'en 2022. Le but étant d'introduire jusqu'à 40 véhicules électriques et hybrides d'ici l'année susmentionnée, sans pour autant révolutionner le secteur au regard ce qu'a déclaré son président Bill Ford.
Mondial de l'Automobile 2018, le point d'orgue des voitures électriques
« Nous sommes totalement investis là-dedans. Nous prenons nos véhicules traditionnels, nos véhicules les plus emblématiques et nous les rendons électriques. Si nous voulons réussir dans l'électrique, nous devons le faire avec des véhicules qui sont déjà bien connus », avait-il ainsi expliqué dans un communiqué de presse publié par Reuters.Si certains acteurs placent leurs pions pour les années qui suivent, d'autres n'ont pas attendu longtemps pour se positionner d'emblée sur le créneau. En témoigne la flopée de voitures électriques exhibées au Mondial de l'Automobile de Paris, début octobre. Des modèles encore au stade de développement qui devraient cependant débarquer sur le marché dans le courant de l'année 2019.
Composées de Renault et Citroën, les forces françaises se sont illustrées au travers de deux modèles urbains que sont la K-ZE et la DS3 Crossback E-Tense, respectivement. La première se décrit comme une « voiture citadine abordable, inspirée des SUV, et qui réunit le meilleur du Groupe Renault », selon les dires de Carlos Gohn, le PDG du groupe. Gros point noir : sa faible autonomie de 250 kilomètres selon le cycle NEDC.
La seconde se distingue par son design aussi classe que séduisant. Ses caractéristiques techniques affichent de meilleurs résultats (320 km selon le cycle WLTP, 430 km selon le cycle NEDC), tandis qu'une charge rapide lui offre une temps de chargement réduit. Ce duo d'automobiles électriques devrait fouler le sol français d'ici l'année 2019.
Les produits Audi, des bijoux européens
Comme expliqué plus tôt, l'industrie allemande ne compte pas rester les bras croisés. Si son ministre de l'économie semble insatisfait de la dynamique actuelle, force est de constater que les fleurons automobiles du pays n'ont pas non plus chômé. La Mercedes EQC n'a cependant pas fait l'unanimité au regard de son design clairement inspiré de la GLC Mercedes, sans oublier sa modeste autonomie de 350 kilomètres (cycle WLTP).L'Audi e-tron s'en est revanche bien mieux démarquée. Et ce pour plusieurs raisons : ses lignes élégantes font de ce SUV électrique un produit susceptible de rencontrer son public et ses technologies intégrées (rétroviseurs virtuels en option, large compatibilité avec les bornes de chargement, deux écrans intérieurs) lui apportent une touche high-tech plus que bienvenue. Sa sortie prévue au mois de décembre 2018 fera des heureux.
Mais la star de la gamme Audi n'est autre que l'e-tron GT, dévoilée à l'occasion du Los Angeles Auto Show : cette sportive électrique concurrence directement la Porsche Taycan et la Tesla Model X de par sa fiche technique et son design. 240 km/h de vitesse de pointe, de 0 à 100 km/h en l'espace de 3,5 secondes, voilà à quoi il faudra s'attendre avec ce monstre de puissance introduit en 2021.
Autre rival de taille, le SUV électrique de la firme britannique Jaguar, la I-Pace. Officialisé en mars dernier, le bolide a ensuite marqué de sa présence la plupart des salons automobiles internationaux. L'occasion de s'approcher au plus près de sa motorisation de 400 chevaux capable de la propulser à 100 km/h en cinq secondes seulement, pour une vitesse de pointe de 200 km/h.
Tesla, plus qu'un simple fabricant
La compagnie sud-coréenne Kia tente quant à elle de rivaliser avec ses concurrents européens à travers deux nouveaux modèles électriques récemment présentés : la Kia e-Niro, en référence à Robert de Niro, égérie de la marque, et la Kia Soul EV (2020). Deux voitures électriques milieu de gamme qui tenteront de pénétrer le marché grand public malgré des prix encore onéreux - autour des 40 000 euros pour la e-Niro.Mais quels facteurs poussent autant les entreprises à intensifier leurs efforts dans la construction de nouveaux véhicules électriques ? Si le déclin de certaines ressources naturelles de notre planète, en l'occurrence le pétrole, en fait partie, la farouche concurrence menée par Tesla les oblige quelque peu à agir de la sorte pour éviter d'accuser un terrible retard susceptible de les mettre hors-jeu d'ici quelques années.
Si Tesla vise davantage une clientèle haut de gamme, ses produits n'en demeurent pas moins une référence sur le marché, tant en termes de design que d'innovation. Et à l'avenir, le constructeur californien pourrait très bien se rabattre sur des produits milieu de gamme. D'autant plus s'il parvient à se bâtir une solide réputation susceptible d'attirer une nouvelle vague de clients dans ses filets.
Il faut dire que l'entreprise dirigée par Elon Musk n'a pas ménagé ses efforts, malgré de nombreuses mésaventures survenues en cette année 2018 : les problèmes de production liés à la Model 3 se sont multipliés, et la promesse des 5000 (puis 6000) véhicules produits en une semaine n'a pas été tenue à temps. Il aura fallu attendre le mois de juillet pour que les équipes de Musk atteignent ce chiffre symbolique.
La Model 3, aussi capricieuse que rentable
Dans le rouge, les finances du groupe ont mis un certain temps avant de virer au vert : le premier trimestre 2018 a été une petite catastrophe financière pour la firme californienne - 3,4 milliards de dollars générés pour 785 millions de pertes - le contraignant presque à mettre la clé sous la porte, la faute aux problèmes de production de la Model 3. Le second et le troisième trimestre lui ont en revanche permis de remonter la pente et de dégager pour la première fois un bénéfice net de 311,5 millions de dollars, grâce aux bonnes ventes de son emblématique Model 3.En un an, la vente de cette dernière a d'ailleurs bondi de 400 % en Californie. Un succès qui a donc poussé Tesla à s'ouvrir à d'autres pays, dont la France. En novembre, un mail envoyé aux clients français ayant réservé une Model 3 a confirmé l'arrivée du groupe américain au sein de l'Hexagone, dans le courant de l'année 2019. D'ici là, le fabricant s'est octroyé une tournée aux quatre coins du pays dans l'optique d'exposer la Model 3 aux yeux de tous.
Tesla a également effectué toute une série de mises à jour au cours des derniers mois. La plus importante étant probablement la V9 de son Autopilot introduite début octobre, constituée de nouvelles fonctionnalités 100 % autonomes et de nombreux autres ajouts sur son application (accès à des options du véhicule) ou sa voiture (dash cam, jeux Atari). De toute évidence, Elon Musk continuera d'améliorer ses véhicules par le biais de nouvelles mises à jour régulières.
Si les voitures électriques en elles-mêmes subissent une multitude d'améliorations, un composant en particulier devrait bénéficier d'une attention toute particulière au cours des prochaines années : la batterie, essentielle dans la démocratisation des véhicules électriques. Sans une batterie puissante capable d'offrir une autonomie honorable, jamais ce segment ne parviendra à percer. Ce n'est, en somme, qu'une question de temps.
Les batteries, l'avenir de la voiture électrique
La France compte bien donner un petit coup de pouce à la création des nouvelles générations de batterie lithium-ion qui équiperont demain l'ensemble des transports électriques (voitures, bus, trains ou bateaux). Pour ce faire, le gouvernement envisageait sérieusement d'investir 10 millions d'euros dans les activités de Saft, spécialisée dans la conception des batteries, et à l'origine d'un consortium composé de Siemens, Manz et Solvay.L'objectif étant d'apporter une aide financière conséquente pour commercialiser une nouvelle génération de batteries à l'horizon 2023. Le groupe Renault-Nissan-Mitsubishi a opté pour une autre stratégie : fort d'un portefeuille financier conséquent, le trio a investi dans la start-up américaine Evenate. Une jeune pousse qui se targue de travailler sur des batteries capables de se recharger à 80 % en l'espace de cinq minutes seulement.
Si le projet semble encore au stade de développement, cette technologie de pointe pourrait très bien s'inviter sur la gamme électrique de Renault d'ici les prochaines années. N'oublions également pas les bornes de recharge rapides, dont le nombre se multiplie à vitesse grand V partout en Europe et aux Etats-Unis. Il paraît logique que les efforts fournis pour améliorer les batteries devront se poursuivre intensément, jusqu'à tutoyer une autonomie décente à même de rivaliser avec les réservoirs à essence des voitures thermiques.
Plus globalement, le secteur des véhicules électriques devrait entrer dans une nouvelle phase en 2019 : un nouveau lot de modèles débarquera sur le marché, même si des efforts sur les prix proposés devront encore être faits. Une voiture électrique reste encore chère à produire, et manque parfois de compétitivité tarifaire face aux véhicules thermiques.
Le virage de l'électrique ne fait que commencer, et devrait être de plus en plus radical au fil de la décennie à venir.