Uber Eats : quand l'application pousse les livreurs à jouer avec leur vie

Alexandre Boero
Par Alexandre Boero, Journaliste-reporter, responsable de l'actu.
Publié le 25 septembre 2019 à 09h58
Livreur Uber Eats
© LCV / Shutterstock.com

La plateforme Uber Eats a été égratignée par une enquête diffusée sur France 2, mardi, qui dénonce la façon dont les coursiers sont malmenés.

Hasard ou coïncidence, le magazine Cash Investigation a diffusé, mardi 24 septembre, son enquête sur les pratiques des deux plus importantes plateformes de livraison de repas en France, Deliveroo et Uber Eats. Cette dernière met justement en place la nouvelle tarification destinée à ses coursiers ce mercredi 25 septembre. Mais c'est sur un point particulier que nous décidons de nous arrêter ici : le reportage évoquait en effet, et entre autres, la dangerosité de l'activité de livreur.

Un GPS pour voiture dans les mains des coursiers opérant à... vélo

Dans le fond, on se doute bien que l'activité d'un coursier présente des risques, surtout lorsque vous exercez avec un deux roues, que ce soit un scooter ou, pire encore, un vélo. Mais l'enquête de Cash Investigation permet de porter à notre connaissance quelques détails « croustillants » qui tendent à montrer que les livreurs jouent avec leur vie, quitte à la perdre.


On apprend notamment que le GPS utilisé par les auto-entrepreneurs-coursiers de la plateforme qui circulent à vélo n'est pas spécialement destiné à leur activité puisqu'il s'agit d'un système de navigation pour... Voiture. Aussi, les livreurs ont parfois la désagréable surprise de se retrouver sur des voies rapides, sur lesquelles il est interdit et extrêmement dangereux de circuler.

Un autre exemple, criant, fera bondir certains de leur chaise. Les soirs de tempête, il est forcément difficile d'imaginer que les livreurs Uber pullulent dans nos rues. Pourtant, du moment qu'il y a une demande, le coursier doit répondre présent pour acheminer les commandes. Ainsi, durant la tempête Gabriel, qui a traversé la France à la fin du mois de janvier cette année, Uber Eats avait mis en place des bonus importants, pour inciter ses coursiers à mettre le nez dehors. Et prendre des risques démesurés. « J'étais constamment déporté sur mon vélo », témoigne un livreur, conscient des dangers mais appâté par la rémunération.

Un livreur a perdu la vie, de nombreux ont été accidentés

Franck Page, coursier, fut mortellement fauché par un poids lourd, près de Bordeaux, le 17 janvier 2019, alors qu'il effectuait une livraison pour Uber Eats. Si aucun bonus n'était proposé ce jour-là, son activité le poussait à prendre des risques souvent inutiles, pour aller toujours plus vite et dégager plus de revenus.

Il n'existe pas, aujourd'hui, de statistiques officielles sur la fréquence des accidents des livreurs français, mais il y en aurait tous les jours. Pour trouver des données chiffrées, il faut traverser la frontière, direction la Belgique. Une ancienne employée d'Uber Eats, qui gérait les documents administratifs en cas d'accident d'un coursier, a consigné les données de 4 000 d'entre eux.

Si l'on prend l'ensemble des livreurs qui étaient sous sa supervision, 4 % d'entre eux auraient eu un accident. Mais le chiffre ne représente pas la réalité dans la mesure où chaque livreur avale un nombre d'heures et de kilomètres différents chaque semaine et chaque mois. En se basant sur le nombre de d'ETP (équivalent temps plein, qui exige de prendre en compte toutes les heures de travail, et de calculer à combien de livreurs à plein temps cela correspond), le chiffre grimpe à 39 % en 2017 en Belgique. Un chiffre qui aurait pu être plus important, les coursiers Uber Eats étant payés à l'heure dans le pays en 2017.

Source : france.tv
Alexandre Boero
Par Alexandre Boero
Journaliste-reporter, responsable de l'actu

Journaliste, responsable de l'actualité de Clubic – Sensible à la cybersécurité, aux télécoms, à l'IA, à l'économie de la Tech, aux réseaux sociaux ou encore aux services en ligne. En soutien direct du rédacteur en chef, je suis aussi le reporter et le vidéaste de la bande. Journaliste de formation, j'ai fait mes gammes à l'EJCAM, école reconnue par la profession, où j'ai bouclé mon Master avec une mention « Bien » et un mémoire sur les médias en poche.

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BetaGamma

LA pression que mettent ces plateformes (mais aussi Amazon) sur les livreurs est purement scandaleuse… ils les poussent à prendre des risques insensés et à ne pas gérer leurs parcours générant de nombreux déplacements inutiles.
Et au final, pas un centime d’impôt pour ces plateformes installées dans les paradis fiscaux !

jaceneliot

A chaque fois que j’en vois un, j’ai envie de vomir. Monde de m**de, vivement qu’il brûle.

cirdan

Et encore, vous ne parlez pas des “jeux” inatteignables mis en place pour inciter les livreurs à avoir des bonus.
Une émission qui ne parlait pas que de ce sujet et qui devrait particulièrement intéresser les lecteurs de Clubic.

nicgrover

L’esclavagisme a toujours le vent en poupe…

GRITI

Plus un boulot est précaire et peu rémunéré plus les personnes qui les acceptent sont prêtes à mettre leur vie en danger car elles ont besoin d’argent: risque direct par accident ou risque plus indirect en lien avec le stress par exemple.
Qui est fautif? Uber Eats et compagnie ou les clients qui utilisent ce genre de service?
Nombre d’exemples (textiles, high tech, nourriture) montrent bien que la clientèle finale (dans sa majorité) se moque éperdument des conditions de travail des personnes qui lui ont permis d’avoir son produit.

Matrix-7000

Tous ces intermédiaires coûtent au final bien trop cher pour se qu’ils apportent réellement. Pour une soi-disant bonne idée, des centaines de personnes sont exploités comme des esclaves.
Celui sur le vélo c’est certain, mais aussi celui qui fait à manger pour les autres.
Rien de tell que de se rendre au restaurant pour passer un bon moment et discuter avec l’une ou l’autre personne.
A l’heure de l’apogée des “réseaux soi-disant sociaux”, chacun reste chez soi, mange tout seul de la bouffe dégueu, avec un œil sur la T.V. et un autre sur Facebook.
Pas étonnant que la télé réalité ai un tel succès vu la vie de mer… de certains.

Janusconsulte

A noter que la très prochaine loi d’orientation des mobilités entend --par son article 20-- conforter ce “modèle” d’activité économique en offrant aux plateformes les clés qui les mettront à l’abri du risque de requalification des travailleurs ( je démontre cela dans mon billet du 8 avril 2019 sur: *****
Cette politique va à l’encontre de la dernière jurisprudence et même, il faut le noter, de la loi qui vient d’être adoptée par la très libérale Californie: cet état a bien compris le risque d’un développement inconsidéré du statut d’autoentrepreneur. Pour nous, il reste à attendre les résultats de l’examen de passage de la loi d’orientation des mobilités au Conseil constitutionnel dans les semaines à venir…

Edit modo : lien perso effacé

ZiwiPeak

Je vais prendre un exemple extrême, mais qui est coupable: Hitler ou les allemands qui l’ont mis au pouvoir ?

GRITI

Pour moi ce n’est pas comparable car on compare une entreprise (et ses concurrentes) d’un côté et un être humain de l’autre.
Cependant, les vrais coupables, à la base, dans les deux cas, sont les gouvernements précédents qui ont permis (volontairement ou non) que l’on arrive à une situation conduisant à certaines problématiques.

Hitler n’était qu’un homme. Il donnait des ordres. Les gens ont choisi d’obéir aux ordres. Là, c’est la vision basique, des décennies plus tard.

Mais quand on sait comment l’être humain fonctionne (expérience de Milgram, Jeu de la mort entre autres), on voit que ce n’est pas si simple. De tous temps, les êtres humains ont suivi des meneurs. Certaines situations sont plus propices que d’autres pour cela.

Hitler était là au “bon” moment pour que cela se produise ainsi. C’était tout un contexte (comme toujours malheureusement).

Dans le cas de Uber Eats, les clients ont le choix de ne pas se servir de ce genre d’entreprise. La relation qu’il y a entre les clients et Uber Eats n’est pas la même que celle qu’il y avait entre les Allemands et Hitler. Le client qui utilise Uber Eats ne gagne pas d’argent, n’a pas davantage de nourriture etc… c’est juste qu’il ne bouge pas ses fesses. Rien de vital ou d’insurmontable.
Donc les gouvernements sont fautifs d’avoir favoriser la précarité des gens qui vont accepter ce genre de boulots. Ils sont aussi coupables d’accepter le fonctionnement de ce type d’entreprises.
Les clients sont fautifs de cautionner ces dernières en faisant appel à elles. Juste pour ne pas avoir à se déplacer pour aller chercher eux-même leur bouffe à emporter.

Blues_Blanche

Les vélos Uber sont auusi dangereux pour les autres. Dans ma ville certains soirs ils roulent à fond sur le trottoir. Ce n’est pourtant pas les pistes cyclables qui manquent, mais ils peuvent gagner quelques secondes…

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