La plus haute autorité judiciaire française vient de rendre un arrêt déterminant dans la relation qui unit la plateforme de VTC et ses conducteurs établissant, de fait, une jurisprudence. Clubic vous détaille la décision.
Deux jours avant une manifestation prévue au siège français d'Uber, la Cour de cassation a rendu un arrêt, ce mercredi 4 mars 2020, par lequel elle a rejeté le pourvoi des filiales française et néerlandaise de la société américaine. La juridiction a ainsi requalifié la relation entre le géant des VTC et un chauffeur en contrat de travail. Une première en France. La Cour de cassation estime que la connexion du conducteur à la plateforme numérique établit ce lien de subordination entre Uber et lui.
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La cour d'appel était déjà allée dans le sens de la requalification
Un bref rappel des faits s'impose pour dérouler tranquillement la réponse apportée par la Cour de cassation à la question qui lui était posée, à savoir de décider si la relation entre Uber et un chauffeur est salariale ou non. Après avoir vu son compte être désactivé par Uber en avril 2017, le privant d'activité, un chauffeur, qui exerçait sur la plateforme depuis le 12 octobre 2016, a saisi le conseil de prud'hommes de Paris pour demander la requalification de sa relation contractuelle avec Uber en contrat de travail, outre une demande d'indemnités.Le 28 juin 2018, la juridiction prud'homale parisienne s'était déclarée incompétente, considérant le contrat comme étant de nature commerciale.
La décision qui a tout changé fut rendue par la cour d'appel de Paris, le 10 janvier 2019. Dans leur arrêt, les juges avaient affirmé que le contrat liant le chauffeur à Uber était bien un contrat de travail. Ce qui n'était pas du goût d'Uber, qui s'est pourvue en cassation.
Uber ne satisfait pas les exigences posées par le statut d'indépendant
La Cour de cassation a donc donné raison à la Cour d'appel, confirmé sa décision ainsi que le lien entre Uber et ses chauffeurs.Plus précisément, les juges ont rappelé que pour être considéré comme travailleur indépendant, comme l'insinue Uber, il faut pouvoir se constituer sa propre clientèle, avoir la liberté de fixer ses tarifs et celle de définir les conditions d'exécution de sa prestation de service. Le contrat de travail, lui, est défini par un lien de subordination qui repose sur le pouvoir de l'employeur de donner des instructions, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner le non-respect de celles-ci.
Un chauffeur Uber, précise la Cour, ne constitue pas sa propre clientèle et ne fixe pas ses propres tarifs. Il ne détermine pas non plus les conditions d'exécution de sa prestation de transport. Cela commence à faire beaucoup. Mais ce n'est pas tout ! La juridiction rappelle également que l'itinéraire est imposé au chauffeur qui, s'il ne le suit pas, peut se voir imposer des corrections tarifaires.
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Un statut d'indépendant considéré comme « fictif » par la Cour de cassation
Les règles d'Uber donnent, en outre, le droit à la société californienne de provisoirement déconnecter le conducteur de son application, à partir du moment où celui-ci refuse trois courses. Il peut même carrément perdre l'accès à son compte s'il dépasse un certain taux d'annulation de commandes ou de signalements abusifs de comportements dits « problématiques. » La plateforme, enfin, décide seule des conditions d'exercice de l'activité.La Cour de cassation considère donc que le statut d'indépendant du chauffeur n'est que « fictif » et affirme que « le fait que le chauffeur n'ait pas l'obligation de se connecter à la plateforme et que cette absence de connexion, quelle qu'en soit la durée, ne l'expose à aucune sanction, n'entre pas en compte dans la caractérisation du lien de subordination. »
En Angleterre, en Suisse, aux États-Unis et maintenant en France, partout dans le monde, la politique d'Uber est plus que contestée, ce qui pourrait, à terme, menacer l'équilibre économique déjà peu fiable de la plateforme américaine, qui subit aujourd'hui un terrible revers.
Source : Cour de cassation