Art délicat que celui de l'explication de texte. Alors que le projet de loi « Création et Internet » devrait faire son premier passage devant la Chambre haute du parlement français à partir du 29 octobre prochain, Christine Albanel, ministre de la Culture et de la Communication en a présenté mardi après-midi ce texte déjà fortement controversé aux membres de la Commission des Affaires culturelles du Sénat.
Contesté au niveau européen, en dépit de l'intervention directe de Nicolas Sarkozy, le projet de loi « Création et Internet » prévoit pour mémoire que soit mis en place, en France, le principe de riposte graduée. Selon ce dernier, une autorité indépendante, mise en place par l'Etat, est chargée de dissuader les internautes de télécharger illégalement des oeuvres culturelles sur Internet. Pour ce faire, elle dispose d'un arsenal répressif et progressif, en trois temps : envoi d'un courrier électronique d'avertissement, envoi d'un courrier recommandé, puis suspension temporaire de l'abonnement à Internet.
De l'avis général, le concept de riposte graduée ne va pas sans soulever de nombreuses questions et pour préparer le terrain aux futurs débats qui se tiendront au Sénat, puis à l'Assemblée, Christine Albanel a donc tenté d'expliciter quelque peu son projet, en commençant par en rappeler le principe : l'idée n'est pas d'enrayer définitivement le téléchargement illégal, mais d'en détourner la majorité des internautes, sur le mode de la dissuasion. L'objectif précis n'est cependant chiffré, et la ministre s'est contentée d'indiquer qu'obtenir une diminution de plus de 50% serait déjà un résultat probant.
Des chiffres, il en faut pourtant. La Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) devrait être en mesure d'envoyer 10.000 courriers électroniques d'avertissement et jusqu'à 3.000 courriers recommandés par jour, a déclaré Christine Albanel, confirmant par là un chiffre déjà avancée par le cabinet de la rue de Valois dans sa communication. Enfin, la Hadopi serait capable de prendre jusqu'à mille « décisions » par jour.
Bien que ces chiffres puissent paraitre disproportionnés au regard du budget de fonctionnement alloué à l'Hadopi, la chose n'aurait rien d'irréalisable : celle-ci ne jouerait en effet que le rôle d'une « boîte noire », chargée d'opérer les transitions entre l'ayant droit, qui la saisit après avoir constaté une infraction, et l'internaute, qui reçoit la menace ou la sanction. Un système qui, au passage, permettrait de garantir la confidentialité des données personnelles, puisque les informations relatives à l'individu concerné resteraient cantonnées à l'Hadopi, laquelle opèrerait sous contrôle de la Cnil.