JB -Nicolas Vanbremeersch bonjour. Vous publiez le livre "De la Démocratie Numérique". Un support aussi traditionnel peut surprendre de la part d'un blogueur habitué à évoluer dans les médias électroniques... Pourquoi un livre ?
NV -En fait, c'est la prolongation logique d'un blog. Peu à peu, je suis devenu, un peu malrgé moi, une sorte de porte-parole des blogueurs, passerelle entre ce monde et celui de ceux qu'il intrigue, ou intéresse. Ce livre est un moyen de transmettre et expliquer ce que nous vivons dans l'espace public numérique, de prendre le temps de la pédagogie, qu'un blog ne permet pas toujours. C'est un mode de prise de parole complémentaire. Je ne me suis jamais limité à l'exercice du blog, d'ailleurs, même si c'est ce pour quoi je suis plus connu : j'interviens beaucoup en conférences, signe des chroniques dans divers media, et ai le bonheur de passer des heures à expliquer le web par oral. A chaque fois, les modes de transmission son différents, mais l'idée est la même.
JB -Votre titre fait penser à Tocqueville. Qu'est-ce que cette "Démocratie Numérique" exactement ? En quoi changera t'elle la vie politique française ?
NV -La référence à Tocqueville est un clin d'oeil, et surtout pas une prétention. Il y a aussi une idée de similarité de la démarche. Tocqueville était parti d'un voyage en Amérique pour revenir avec des pensées. J'ai fait de même, après un long voyage (qui continu) en numérique, pour tenter de donner à voir et à réfléchir ce qui s'y passe, ce que cela augure.
L'exercice de la démocratie va être fantastiquement transformé par l'irruption d'un espace public numérique, par l'extension et la transformation de l'espace public qu'impose le web. C'est cette extension, les nouvelles règles du débat public, que je tente de décrire et peser, dans ce livre. Fondamentalement, la démocratie numérique, c'est un espace beaucoup plus fluide, décloisonné, avec de nouvelles formes de médiation : d'un espace public très organisé, stratifié, avec un rôle central du triptyque élus-media-experts, on passe à un espace public animé par une nouvelle génération de citoyens acteurs. Cela change de manière très profonde de nombreux éléments de l'exercice démocratique, du militantisme, des élections, de la transmission de l'opinion et de l'information.
Dans ce livre, je m'attache surtout à expliquer ce qui se passe sur le web, à en décrire l'économie social si particulière, et à ouvrir les pistes de ces changements profonds.
JB -Jusqu'à présent, l'internet n'a été perçu que comme un média, capable de faire évoluer l'opinion voire de faire élire des candidats. Mais à plus long terme, pensez vous que le web puisse aboutir à une véritable démocratie directe ?
NV -Je ne crois pas à une démocratie directe, au travers du web. Le besoin de représentation est nécessaire. En revanche, les nouveaux pouvoirs d'information et d'expression des citoyens appellent à une réaction de leurs représentants, qui doivent effectuer une double révolution. D'une part, il leur faut nourrir cette demande émergente, cette nouvelle exigence, en répondant par une meilleure transparence, un compte-rendu plus à destination de ces citoyens plus informés, qui ne se satisfont plus de communication générale. D'aurte part, ils ont à leur disposition de formidables moyens d'inclusion de ces publics pour les associer à la décision, les emmener avec eux. Cela suppose de redéfinir son rôle, les modalités d'échange, et va bien au-delà de simple communication.
En revanche, l'utopie d'une démocratie-wiki me semble un peu illusoire. Le peuple en réseaux ne peut pas collaborer, du moins à court ou moyen terme, uniquement par des outils numériques, sans intermédiaire. Il s'agit plus de nouvelles formes de médiation avec la décision publique que de réelle désintermédiation.
JB -Nicolas Vanbremeersch, je vous remercie.