Benoît Raphaël, Lepost.fr : "il faut rester inventif!"

Matthieu Dailly
Publié le 23 septembre 2009 à 18h36
Ancien cadre de la presse quotidienne régionale, Benoît Raphaël est rédacteur en chef et co-fondateur du journal en ligne Le Post. Dans cette entretien, il revient sur le modèle économique, typé « buzz », et les ambitions de ce pure-player participatif lancé par Le Monde Interactif en 2007.


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MD - Benoît Raphaël, bonjour. Quelles étaient les ambitions du Post à son lancement?


BR - Le Post est un laboratoire d'idées. Le monde de l'information est bousculé et arrive à saturation. Sur le web, le nivellement du trafic devient de plus en plus palpable. Et les usages changent. Il nous faut construire là dessus. Au début nous voulions cibler les jeunes avec un média populaire. Mais aujourd'hui notre cible est bien plus large. Les provinciaux viennent consulter l'info locale, les jeunes tout ce qui est high-tech et ainsi de suite. Notre modèle permet à tout un chacun de s'approprier la marque. Nous nous appuyons d'ailleurs sur ces communautés, comme pour un média social. L'équipe éditoriale, en plus de créer ses propres contenus, sélectionne, organise et met en scène les contributions externes. C'est la grande idée du Web 2.0 : les CGU ou contenus générés par les utilisateurs. Notre valeur ajoutée, c'est justement d'être un média en réseau. Nous sommes une plateforme libre avec une rédaction de professionnels.

MD - Votre modèle économique s'appuie sur plusieurs piliers, pouvez-vous préciser?


BR - Notre business plan prévoyait l'équilibre en 2011. Pour le moment nous partageons la régie du Monde Interactif, (MAJ... ) mais notre public n'aime pas la publicité traditionnelle. Nous allons donc engager un « business développer ». Car les pubs « display »ne suffisent plus, elles sont en chute libre, notamment à cause de CPM (clics pour mille) très bas. L'ancien modèle publicitaire, auquel s'arque-boutent les agences, bloque le système. Les annonceurs veulent s'adapter et rentrer plus directement en contact avec leurs clients. Ce que démontre Publicis en rachetant des agence de « buzz ». Le comportement des 3 Suisses, après qu'ils aient « bradé » un téléviseur par erreur, a, par exemple, eu un impact fortement négatif sur l'image de l'entreprise. On les a senti paumés sur internet. Alors que le constructeur Dell aurait, pour sa part, remporté près de trois millions de dollars grâce à ses campagnes sur Twitter.
Ce n'est pas la fin de la publicité, les internautes adorent cliquer, mais pas sur n'importe quoi. Un exemple : nous avons demandé à William Rejault d'animer un blog sur une des gagnantes de la « Nouvelle Star » (en précisant que c'est un article sponsorisé). Sans compter l'apport de trafic, cette méthode sert l'image de la marque cliente. William était payé pour ça. Ce type de publicité est possible lorsque la communauté des lecteurs est active sur le Web. Grâce à cette communauté, en octobre, nous allons pouvoir proposer un cahier de tendances, rassemblant les avis que les internautes français ont émis sur toute sortes de sujets d'actualités, tout au long de l'année. Nous pensons le vendre aux alentours de 4000 euros. Nous préparons un produit similaire, en partenariat avec une agence, sur Twitter, mais je ne peux vous en dire plus.

MD - Ce modèle économique a-t-il un impact sur votre politique éditoriale?

BR - Non pas vraiment. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que la dépendance vient de la publicité. La proposition d'augmenter l'investissement publicitaire de l'État pose, par exemple, un problème. La publicité n'est pas notre modèle de base. Nous ne voulons pas brusquer notre public. De plus, le numérique exige une certaine forme de transparence. Dans notre cas, nous avons un système de labels (information vérifiée, information invitée, information sponsorisée) qui permet au lecteur de visualiser rapidement le « statut de l'info ».

MD - Est-il toujours possible de réaliser des enquêtes longues sur Internet? Le lectorat en ligne est-il adapté?


BR - Justement on vient de créer un pôle enquête cet été. Nous sommes à l'origine de l'état des lieux des frais de nos députés. Nous en préparons un autre sur le cumul des mandats. Notre enquêteur attitré est Alexandre Piquard. C'est également mon adjoint. Il enquête notamment gràce aux bases de données, qui, à vrai dire, font souvent défaut en France. Mais nous ne nous restreignons pas à cela. Nous voudrions faire participer nos lecteurs aux enquêtes. Comme, par exemple, le quotidien Guardian qui a publié la liste complète des frais des députés britanniques, pour qu'ensuite, la communauté des lecteurs puisse elle-même trier et vérifier les informations. Nous ne voulons pas commencer nos enquêtes d'une manière traditionnelle. On s'appuie sur la communauté. Ce qui permet d'arriver à des contenus exclusifs. De toute façon, on ne peut plus simplement reproduire les dépêches AFP. Le Web exige un travail à valeur ajoutée, pas simplement une information brute.

MD - Quelles sont les évolutions que vous imaginez pour la presse en ligne dans les années à venir?

BR - Le Post, s'il existe toujours, sera certainement très différent. Déjà, en deux ans, il a beaucoup changé. C'est devenu un média multi-niche. Le Web sera certainement mobile, il faudra encore expérimenter, par exemple avec le « reverse publishing » (édition physique, puis numérique, puis à nouveau physique) ou des sujets traités sous une forme applicative (Web-documentaires). Le concept du droit d'auteur aura évolué, dans la photographie, par exemple. Elle n'a pas été tuée par le Web! La preuve avec la tendance des « mêmes » (détournements). Pour le papier, qui est un objet noble, on peut imaginer des numéros collectors. Il sera ainsi possible de faire payer certaines productions. Quoi qu'il arrive, il faudra rester inventif.

MD - Votre média est-il rentable?

BR - Pas encore. A ma connaissance, seul « LeMonde.fr » l'est pour le moment.

MD - Benoît Raphaël, je vous remercie.

LePost.fr revendique 2,8 millions de visiteurs uniques par mois (Nielsen - juin 2009).
Matthieu Dailly
Par Matthieu Dailly

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