C'était une mission difficile, mais attendue pour les responsables de la NASA : annoncer la mise à jour des calendriers de leur programme phare de retour habité autour et sur la Lune, Artemis. Des défis techniques et des exigences de sécurité repoussent le prochain vol à septembre 2025, et la mission sur la surface lunaire à 2026.
Le timing n'était pas forcément le meilleur, avec l'échec en cours de la mission robotisée Peregrine, qui avait pour ambition de se poser sur la surface lunaire avec l'aide de la NASA. Une première pour les Américains depuis 1972 et le départ d'Eugène Cernan et Harrison Schmitt (Apollo 17).
Mais les responsables de la NASA, Bill Nelson en tête, n'avaient pas vraiment le choix. En effet, depuis l'annonce de l'équipage de la mission Artemis II en avril dernier et plusieurs avancées concrètes sur le lanceur, l'agence spatiale n'avait plus vraiment évoqué la date de lancement des premiers astronautes à retourner autour de la Lune. En plus de défis budgétaires (la NASA n'a pas eu l'augmentation demandée pour lutter contre l'inflation), Bill Nelson a donc annoncé un report de presque un an.
10 mois plus tard
Artemis II, tout d'abord, est repoussée à septembre 2025. Il y a plusieurs raisons à cela, la première étant la sécurité. Depuis le retour de la capsule Orion après Artemis I en décembre 2022, les équipes travaillent sur le retour d'expérience et les améliorations à produire pour pouvoir accueillir l'équipage de 4 astronautes. Et tout n'est pas rose. Le bouclier thermique, par exemple, a subi des dégâts plus importants que prévu, même s'il aurait préservé les vies à l'intérieur de la capsule.
Les conclusions techniques à ce propos sont attendues au printemps, après quoi il faudra sans doute changer quelques procédés avant de monter le bouclier sur Orion, et d'assembler la capsule avec son module de service européen. À l'intérieur également, quelques systèmes ne sont pas 100 % satisfaisants pour l'instant, au niveau des batteries électriques, mais aussi sur un circuit de ventilation de l'air ambiant. Rien de particulièrement surprenant pour une nouvelle capsule, même si l'on pouvait espérer que la NASA et son industriel de référence, Lockheed Martin, aient pu s'occuper de ces soucis plus tôt.
2025, 2026 et 2028 pour les prochains vols habités !
Il faudra donc compter sur un assemblage du Space Launch System qui devrait véritablement démarrer au printemps-été 2024 avec l'arrivée de l'étage central en Floride. L'équipage, lui, avec le premier Canadien à s'envoler pour une mission lunaire (Jeremy Hansen) et la première femme (Christina Koch) continue de se préparer à l'événement. Un départ en septembre 2025 repousse logiquement le premier atterrissage habité sur la Lune du programme Artemis à septembre 2026. Et ce sont les défis autant budgétaires que techniques qui retardent pour l'instant la première mission longue sur la future station habitée Gateway (actuellement en construction) à 2028.
Les industriels gagnent un peu de temps
Concernant Artemis III, la NASA est dépendante de deux prestataires privés, SpaceX pour l'atterrisseur lunaire (Starship) et Axiom Space pour les scaphandres dédiés aux sorties. Pour les deux industriels, ce délai sera une véritable bouffée d'air frais… Et pourtant, cela pourrait ne pas suffire. Le retard de développement de Starship est dans le viseur en particulier, malgré des progrès marquants lors du dernier essai, lequel s'est tout de même terminé en une explosion. 2024 et 2025 seront donc l'occasion pour SpaceX de mettre les bouchées doubles sur la technique, les étapes pour envoyer Starship autour de la Lune (et s'y poser avec un équipage) étant encore très nombreuses.
En particulier, SpaceX devra répéter sa méthode de stockage et de transfert d'ergols en orbite terrestre, car pour une mission de Starship au service d'Artemis, il faudra « une dizaine » de ravitaillements avant de rejoindre la Lune. Un défi titanesque en deux ans et demi… La représentante de SpaceX lors de la conférence de la NASA a néanmoins annoncé que grâce à des essais concluants, le prochain exemplaire de test sera assemblé et subira ses derniers tests d'ici la fin du mois, pour un vol attendu en février.
Un programme ambitieux quand même
Artemis, malgré ce retard, reste un programme phare pour la NASA qui va continuer de décliner ses contrats autour de ses missions lunaires habitées. En plus de la station orbitale Gateway et des missions d'exploration robotisées dans le cadre des contrats CLPS (comme celui de l'atterrisseur Peregrine), la NASA va engager les industriels sur de gros sujets cette année, en particulier celui du futur véhicule lunaire, ainsi que la livraison de grandes capacités de cargo sur la surface afin d'y établir une base sur le long terme.
Évidemment, tout cela va s'étaler sur une décennie (ou peut-être plus). Il a ainsi été question de la concurrence avec la Chine, dont les autorités ont déclaré en 2023 avoir la ferme intention d'envoyer leurs astronautes sur le sol lunaire en 2029. Une possibilité que la Chine « grille la priorité » au programme Artemis ? L'administrateur de la NASA, lui, n'y croit pas trop.