Tout juste noué, le mariage entre Microsoft et Mistral AI, jeune entreprise française, provoque déjà des remous. L’Union européenne estime que Paris n’a pas joué franc jeu.
Microsoft devient-elle un peu trop dominant dans le secteur critique de l’intelligence artificielle ? La France a-t-elle saboté des directives européennes pour protéger ses startups ? Les élus hexagonaux sont-ils trop sensibles aux lobbys américains de la tech ? Toutes ces questions et d’autres sont au cœur de nouvelles discussions à Bruxelles suite à l’investissement de Microsoft dans la jeune pousse Mistral AI.
L'UE regarde Microsoft de très près
Résumons l’affaire : le 26 février, Microsoft annonce investir 15 millions d’euros dans Mistral, l’entreprise hexagonale qui souhaite bousculer la domination de ChatGPT avec son nouveau chatbot surnommé « Le Chat ». L’accord est signé en grande pompe, Microsoft se félicite de cette opportunité de « débloquer de nouvelles opportunités commerciales » et Mistral annonce que son modèle de langage sera disponible sur le nuage Azure du géant.
Du côté de l’exécutif français, on se félicite aussi. Marina Ferrari, la toute fraîchement élue secrétaire d’État au Numérique, explique à La Tribune qu’il faut « se réjouir de cet accord » et que c’est une bonne chose « qu’une jeune entreprise française réussisse un partenariat de cette ampleur avec Microsoft ». Sauf qu’au-dessus, cette nouvelle fait grincer des dents. Quelques heures après l’annonce du partenariat, les autorités anticoncurrentielles européennes se sont mises à demander une enquête formelle pour déterminer si la domination de Microsoft dans le secteur de l’IA générative ne venait pas enfreindre les règles des 27.
Microsoft est déjà regardée de très près sur le sujet en raison de son investissement massif dans OpenAI. Dans ce cadre-là, l’investissement supplémentaire dans Mistral pourrait donner trop de pouvoir à un seul acteur, explique Reuters.
Un timing suspect
Mais il ne s’agit pas que d’une histoire de gros sous. Les autorités européennes se sont également ému du timing de cette annonce, quelques semaines à peine après l’adoption risquée de l’IA Act. Le gouvernement français et Mistral ont, à l'époque, poussé de toutes leurs forces pour que le texte soit le plus tendre possible avec les entreprises européennes, quitte à le faire quasiment capoter sur la ligne d’arrivée.
« Cette histoire semble avoir été une couverture pour une opération de lobbying des grandes entreprises technologiques américaines », a dénoncé Kim Van Sparrentak, députée européenne. « Les régulateurs se sont fait rouler », estime l’élue. L’Open Markets Institute, une ONG spécialisée dans le droit à la concurrence en Europe, estime que « cette annonce montre bien que les arguments pour faire échouer l’IA Act sur l’autel des “champions européens” n’étaient qu’une mascarade ».
La secrétaire d’État au Numérique se défend quant à elle d’un quelconque conflit d’intérêts. À La Tribune, elle précise que l’état n’avait « pas connaissance des négociations commerciales de Mistral » et que la position française visait simplement à « défendre l’intérêt général, par rapport à l’état du développement de l’IA dans notre pays ». À voir si Bruxelles se laisse convaincre.
18 octobre 2024 à 17h25
Source : Reuters, La Tribune