Le constructeur allemand Volkswagen a été la cible d'une campagne d'espionnage et de cyberpiratage entre 2010 et 2015 impliquant le vol de 19 000 documents sensibles. Sans l'accuser frontalement, l'Allemagne soupçonne la Chine.
Sale temps pour Volkswagen. Après le retard pris sur la sortie de l'emblématique ID.Buzz California, petit-fils de l'emblématique Combi des années hippies, et avec une transition vers l'électrification de ses véhicules plutôt difficile, on apprend que le célèbre constructeur automobile allemand a été victime d'espionnage et de vol de données entre 2010 et 2015.
Cette révélation, faite conjointement par le magazine d'investigation Der Spiegel et la chaîne de télévision ZDF allemands, intervient quelques jours avant le salon automobile « Auto China » à Pékin, et après la visite les 15 et 16 avril 2024 du chancelier Olaf Scholz en Chine.
Hasard du calendrier ou pas, le chancelier allemand a prévenu : « La seule chose qui doit toujours être claire, c'est que la concurrence doit être loyale. » Viril, mais correct.
19 000 documents volés en 5 ans d'espionnage et de cyberpiratage
Mais qu'est-ce qui a bien pu motiver les pirates chinois à espionner pendant 5 ans Volkswagen en particulier ? Les enquêtes menées par les médias allemands révèlent que dans un premier temps, les cyberpirates ont passé un an à repérer des failles dans les systèmes informatiques de Volkswagen. Ce n'est qu'à partir de 2011 et jusqu'en 2015 qu'ils ont pu les pénétrer et avoir accès à des données techniques concernant notamment le développement des moteurs à essence ainsi que de la transmission en général et à double embrayage.
Plus préoccupant, parce qu'ayant encore des répercussions sur le marché actuel, les pirates ont également volé des données sur la mobilité électrique, les modes de propulsion alternatifs tels que les piles à combustible et les transmissions automatiques. Au total, ce sont près de 20 000 documents que Volkswagen a laissé filer à son insu.
Depuis, la sécurité de l'infrastructure informatique de Volkswagen a été renforcée. En effet, dès 2015, dans une opération baptisée Remediation 65, l'entreprise s'est alloué les services d'une équipe de cyberspécialistes au sein de son siège, à Wolfsburg, en Allemagne, pour effectuer un grand nettoyage de printemps. Ils ont ainsi mis à l'arrêt la quasi-totalité du système, qui comprend également les autres marques du groupe telles que Lamborghini, Porsche, Bentley, Bugatti et Audi.
Le savoir-faire de Volkswagen attire les convoitises de la concurrence, la Chine veut conquérir le marché de l'automobile
Il faut dire que la Chine a, jusqu'en 2023, été le premier client de Volkswagen. Et pour cause, selon Helena Wisberg, enseignante-chercheuse en sciences appliquées de l'université d'Ostfalia sur les stratégies concurrentielles de l'industrie automobile, explique que « les données sur les moteurs à essence et les transmissions, mais aussi sur le savoir-faire spécifique aux voitures électriques et aux voitures à hydrogène, sont des technologies de propulsion qui jouent encore un rôle très important dans la concurrence internationale ». Et ce sont précisément ces compétences qui ont intéressé la Chine, qui souhaite décrocher la timbale pour s'affranchir du constructeur allemand et ainsi asseoir sa domination sur le marché de l'automobile.
Bien sûr, Volkswagen n'accuse pas frontalement la Chine, mais tous les indices récoltés par les experts et enquêteurs sur cet espionnage convergent vers le Dragon, comme les logiciels d'espionnage utilisés ou le traçage des adresses IP qui menaient vers Pékin. Enfin, comme Claudia Plattner, à la tête de l'Office fédéral allemand de la sécurité des technologies de l'information (BSI), le précise, le « savoir-faire solide [et] une grande richesse de connaissance » de l'Allemagne suscitent le désir. Elle ajoute : « Et à cet égard, oui, nous sommes une cible attractive. »
La Chine, quant à elle, nie en bloc ces accusations voilées en affirmant qu'elle a toujours combattu avec fermeté les actions de cyberespionnage et n'a bien entendu jamais utilisé des gangs de hackers pour mener des campagnes de cyberattaques. Un scandale exprimé par la voie de son ambassade à Berlin.
Source : Numerama