Les JO sont toujours l'occasion de débats houleux © HJBC / Shutterstock
Les JO sont toujours l'occasion de débats houleux © HJBC / Shutterstock

À l'approche des Jeux Olympiques de Paris 2024, Toyota, partenaire officiel de la mobilité de l'événement, vante les mérites de ses véhicules à l'hydrogène qu'elle compte déployer pour l'occasion. Une posture qui n'est pas au goût de certains experts environnementaux.

Les JO approchent à grands pas, et avec eux viennent également différentes controverses et problématiques : occasion rêvée des cybercriminels pour voler des données, opacité des contrats et des financements privés, préoccupations sur les conditions de travail des ouvriers sur les chantiers, arnaques au QR code et impact environnemental global de l'événement sportif (liste non exhaustive). C'est justement sur ce dernier point que ça coince un peu.

Dans le cadre des JO, le géant nippon de l'automobile, Toyota, s'est engagé à déployer une flotte impressionnante de plus de 500 véhicules (bus et voitures) propulsés à l'hydrogène. Cette initiative, initialement présentée comme une avancée écologique, se trouve désormais au cœur d'une polémique inattendue.

En effet, une lettre ouverte adressée au Comité International Olympique et à Anne Hidalgo, collectivement signée par 120 scientifiques, dont David Cebon professeur d'ingénierie mécanique à l'université de Cambridge, remet en question la pertinence environnementale de ce choix. Les signataires de cette lettre ouverte avancent que le recours à l'hydrogène pourrait paradoxalement alourdir le bilan carbone de cet événement sportif mondial.

L'hydrogène, faux ami de l'écologie ?

Les éminents chercheurs fondent leur argumentation sur les conclusions du GIEC, soulignant en début de lettre que « les véhicules électriques à batterie représentent le moyen le plus efficace de décarboner le transport de passagers ». Ils mettent en lumière l'inefficacité énergétique des véhicules à hydrogène, qui nécessiteraient une quantité d'électricité renouvelable triple par rapport à leurs homologues électriques. « L'utilisation de l'hydrogène pour le transport routier ne correspond pas aux objectifs mondiaux de neutralité carbone et risque de détourner l'attention des solutions réelles et disponibles que nous avons aujourd'hui, retardant ainsi leur mise en œuvre » affirment-ils.

Face à ces critiques, le constructeur automobile nippon rétorque en assurant que sa flotte sera approvisionnée en hydrogène d'origine renouvelable, fourni par le géant industriel Air Liquide. Cependant, les scientifiques, anticipant cette réponse, maintiennent leur position : même dans l'hypothèse d'un hydrogène dit « vert », issu d'une électricité intégralement renouvelable, engendrerait un impact environnemental et financier nettement supérieur.

Par ailleurs, les chercheurs s'appuient sur les conclusions de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) et écrivent que « l'utilisation de l'hydrogène à faibles émissions reste marginale, ne représentant que 0,6 % de la demande totale en hydrogène ».

 La Toyota Mirai n'a pas connu le succès commercial escompté par le constructeur japonais © Mike Mareen / Shutterstock
La Toyota Mirai n'a pas connu le succès commercial escompté par le constructeur japonais © Mike Mareen / Shutterstock

Un passé qui peine à convaincre

Les tentatives antérieures d'intégration de l'hydrogène dans le domaine des transports, notamment lors de l'édition tokyoïte des Jeux Olympiques en 2020, se sont soldées par des résultats en deçà des espérances. La missive souligne sans ambages que « les essais de voitures et de bus à hydrogène ont échoué dans le monde entier, y compris aux États-Unis, en Allemagne, au Royaume-Uni et en France ». Les auteurs étayent leur propos en citant l'exemple de plusieurs nations, telles que la Californie, le Royaume-Uni et le Danemark, où l'infrastructure dédiée à l'approvisionnement en hydrogène connaît un déclin manifeste, imputable à des coûts exorbitants et une disponibilité restreinte.

Les signataires rappellent également que Toyota elle-même reconnaît la faible popularité de sa Toyota Mirai, n'anticipant aucune transition significative vers les véhicules à hydrogène d'ici la fin de la décennie. L'échec retentissant des Jeux de Tokyo, où l'hydrogène a fréquemment cédé la place à des alternatives moins écologiques, met en lumière les écueils pratiques et économiques inhérents à cette technologie.

Cebon va même jusqu'à déclarer à l'AFP : « Toyota promeut l’hydrogène depuis longtemps, mais ils cherchent seulement à retarder la transition vers les véhicules électriques ». Il qualifie même de dilatoire et de cynique la stratégie de Toyota. En guise de conclusion, les 120 chercheurs somment Toyota d'opérer un revirement de celle-ci : « Nous exhortons le Comité International Olympique à imposer à Toyota de remplacer le véhicule officiel des Jeux Olympiques, ainsi que toute la flotte de véhicules des Jeux, par des véhicules électriques à batterie à 100 % pour les Jeux de 2024 ». Une demande bien ambitieuse, sachant que les Jeux démarrent dans moins de deux semaines.