Un groupe d'astronomes tire une fois de plus la sonnette d'alarme, avec des mesures de la nouvelle constellation de satellites de connectivité internet chinoise Qianfan. Dans le monde, l'observation de l'Univers perd doucement pied face aux industriels, qui n'ont pas d'incitation à être de bons élèves.

Le télescope radioastronomique SKA © SKA field telescope
Le télescope radioastronomique SKA © SKA field telescope

On l'oublie parfois face aux clichés des télescopes spatiaux, mais la majorité des observations de l'Univers, des détections d'exoplanètes, d'astéroïdes ou comètes ont lieu depuis la Terre. Et plus le sujet d'étude est lointain, plus le temps d'exposition est long, plus le nombre de perturbations possibles est important.

Depuis 2019 et les premiers déploiements de Starlink, associations, chercheurs et instituts préviennent : leur discipline est lentement en train de changer pour toujours, et ils n'ont aucun moyen d'action concret face aux industriels. Certains, comme SpaceX, ont mis en place des programmes particuliers, et Starlink par exemple, pour une constellation de plus de 6 000 satellites actifs, agit pour qu'ils soient moins visibles.

Ces efforts sont toutefois parfois limités : la dernière génération de satellites Starlink émet trop d'ondes radio, masquant pour certains télescopes (comme le LOFAR européen, Low Frequency Array) des sources du ciel profond. Mais surtout, les astronomes ne sont pas au bout de leurs peines.

Faire avec l'essor chinois

Le dernier groupe de chercheurs en date à rapporter des mesures alarmantes est issu de l'IAU (International Astronomical Union). Fin septembre, ils ont soumis un nouvel article scientifique accompagné de mesures de luminosité des 18 premières unités de la constellation chinoise Qianfan. Envoyés en orbite au mois d'août dernier, ces satellites sont les précurseurs d'une future grande constellation nationale qui aura le même type de performances de connectivité que Starlink, avec un nombre prévu de 14 000 unités environ.

Visibles à l'œil nu et très réflectifs, ces satellites disposent apparemment d'une grande antenne et d'un large panneau solaire. Problème, les astronomes et instituts n'ont pas de « guichet » où ils pourraient engager des discussions, ils en sont réduits à publier leurs résultats et à attendre d'éventuelles discussions avec la Shanghai Spacecom Satellite Technology ou avec l'État chinois pour faire bouger les choses.

L'antenne de 64 m² du prototype de satellite BlueWalker3 d'AST Spacemobile © AST Spacemobile
L'antenne de 64 m² du prototype de satellite BlueWalker3 d'AST Spacemobile © AST Spacemobile

Et si ce n'était que le début ?

Ces situations sont amenées à se reproduire très fréquemment dans les années à venir, et les perturbations des observations vont se multiplier. Un autre projet très critiqué, celui d'AST SpaceMobile et ses larges antennes de 64 m2 sur ses satellites pour faire office de points d'accès de connectivité directement avec les smartphones, prend actuellement de l'ampleur. Les 5 premiers satellites de la constellation sont arrivés en orbite en septembre.

La constellation Kuiper d'Amazon est dans les starting-blocks. Et d'autres constellations vont suivre. Audibles ou non, les chercheurs et leurs instruments sur Terre n'ont pour le moment aucun moyen concret de demander, et encore moins d'imposer, un quelconque contrôle sur la pollution visuelle ou électronique causée par ces satellites.

Source : SpaceNews