En 2023, plusieurs opérateurs de grandes constellations de connectivité en orbite basse ont achevé la mise en orbite de leur première génération. Au-delà des polémiques sur leur usage ou l'encombrement des orbites, c'est un succès commercial. La deuxième génération arrive déjà, avec de nouveaux acteurs attentifs.
Cela ne fait pas tout à fait 9 ans que les premières « superconstellations » de SpaceX et OneWeb ont été annoncées. Entre-temps voilà que Starlink compte plus de 5 000 satellites envoyés en orbite basse, et OneWeb 636. Les deux ont terminé le maillage de leur service en 2023… en tout cas pour leur première génération !
SpaceX, qui a réussi son pari technique et commercial, a immédiatement enchainé avec une amélioration, tandis que OneWeb prépare sa solution technique. D'autres opérateurs commerciaux, Amazon en tête, sont dans les starting-blocks… À quoi va ressembler la suite ?
Chez SpaceX, l'amélioration continue
Il était un temps question pour SpaceX de faire une pause entre la première génération de satellites Starlink et la suivante, qui devait être envoyée en orbite grâce aux énormes capacités du Starship. Ce dernier n'étant pas au rendez-vous, et comme il y a eu quelques hoquets dans le déploiement du premier maillage (unités perdues à cause d'une tempête solaire, quelques problèmes d'ordinateur de bord, un rythme de tir qui a pris du temps pour grimper depuis la côte californienne), l'entreprise d'Elon Musk a immédiatement entamé sa transition.
En réalité, les antennes au sol sont compatibles, même si elles aussi seront progressivement remplacées. En cette fin novembre 2023, SpaceX a déjà dévoilé sa nouvelle antenne dédiée aux abonnements résidentiels (elle est plus grande). Et, comme tous les retours ne sont pas unanimes malgré plus de deux millions d'abonnements et des contrats avec de nombreux acteurs importants (notamment des croisiéristes et des compagnies d'aviation), il faut poursuivre l'amélioration du service.
Ainsi, Starlink, qui a déjà l'avantage de générer des revenus substantiels (entre 2,5 et 5 milliards de dollars cette année), est au-delà de l'équilibre et produit des profits selon les responsables de SpaceX, qui ne donnent cependant pas de détails… tout en indiquant attendre 10 milliards de dollars de revenus l'an prochain. De quoi supporter une croissance de la constellation et le remplacement progressif des premières unités par une nouvelle génération, même s'il ne s'agit « que » des satellites surnommés « V2 mini ».
797 unités ont été envoyées en orbite depuis avril-mai dernier (premier tir de V2 mini en février), et le rythme devrait s'accélérer, car SpaceX a déjà prévu jusqu'à 13 000 de ces satellites en orbite basse. En plus d'un nombre plus imposant de transpondeurs, ces satellites disposent de liaisons de données laser entre ses unités, ce qui améliore les débits et réduit le besoin de stations au sol. Les retours d'expérience de la première génération ont également été pris en compte pour la fabrication des satellites comme des antennes.
OneWeb prépare sa 2e génération (et lorgne sur l'Europe)
Racheté officiellement cette année par le géant français Eutelsat, OneWeb fait une pause dans le lancement de nouveaux satellites, sa constellation étant officiellement complète. Ce qui n'empêche pas de préparer l'avenir. En mai, un satellite de test pour la prochaine génération a été envoyé en orbite basse afin de tester plusieurs technologies clés qui seront mises en place afin d'améliorer le service.
OneWeb n'est pas concurrent de Starlink sur tous ses marchés et ne s'adresse pas directement aux utilisateurs finaux, mais plus aux entreprises et aux opérateurs de connectivité autour du monde. Il faudra ainsi plus de temps pour engranger des contrats et rentabiliser la première phase avant une signature pour la deuxième. D'autant que OneWeb compte jouer sur son identité amplement (mais pas 100 %) européenne en proposant ses services à l'UE, qui met du temps à se décider sur l'avenir de sa constellation étatique IRIS².
Quoi qu'il en soit, la 2e génération disposera de moins de satellites, plus capables. OneWeb utilisera, en effet, les capacités de la constellation géostationnaire d'Eutelsat comme des relais, ce qui devrait limiter à la fois le besoin des satellites et de stations au sol.
Amazon a testé ses premiers satellites
Dans le secret le plus total sur leur taille, leur masse et leurs capacités, les deux premiers satellites de la constellation Kuiper ont effectué leurs premiers essais ces dernières semaines. Envoyées en orbite en septembre dernier, ces deux unités de test sont avant tout des prototypes : ils ont validé les protocoles de communication avec le sol, ce qui permet de comprendre les forces et les faiblesses du matériel prévu (rappelons qu'Amazon avait dévoilé des antennes au début de l'année). Pour les 3 236 satellites de la première phase complète de la constellation, il faudra attendre : les premiers décollages n'auront lieu au mieux qu'à la moitié de l'année 2024, voire plus tard. L'usine qui assemblera les satellites est encore en construction sur la Space Coast…
Amazon sera un acteur de la « 2e vague » pour les superconstellations, mais ne baisse pas les bras. Il y a en effet des places à prendre derrière SpaceX, et de nombreux opérateurs souhaitent garder leur place sans nécessairement passer par la firme d'Elon Musk. Ainsi l'opérateur japonais Sky Perfect JSAT vient de signer un accord avec Amazon pour la distribution et l'usage de Kuiper… Et même des accès durant la phase bêta. D'autres opérateurs par contre, à l'image de Boeing ont jeté l'éponge. Les derniers, comme Telesat, ont revu leurs objectifs à la baisse.
Enfin, n'oublions pas la Chine, même si elle vise avant tout le marché chinois. La constellation la plus en vue là-bas s'appelle Guowang et elle aussi dispose de premières unités qui ont été testées en orbite terrestre (les Hulianwang Jishu Shiyan), mais aucune avec plusieurs centaines de satellites à ce jour. D'autres tests ont eu lieu en 2023, avec le satellite Longjiang-3 de l'Université de Harbin, qui serait lui aussi un prototype « façon Starlink »... À noter enfin qu'il y a plusieurs constellations nationales chinoises en déploiement ou en projet pour l'internet des objets (IoT).
Far west et nuages de débris ? Pas vraiment
Lorsque les nombres de satellites à trois chiffres ont été annoncés, certains observateurs ont tiré la sonnette d'alarme sur l'absence de réglementations, les risques de collision grandissants et la pollution spatiale qu'allaient engendrer les nouveaux géants. Si leur impact est certain sur les observations du ciel profond (les rapports sont nombreux, même si les astronomes sont en liaison avec les opérateurs), force est de constater que l'apocalypse n'a pas eu lieu. Les satellites Starlink par exemple sont suffisamment agiles pour manœuvrer automatiquement lorsque le risque d'une collision apparaît, et ce même lorsqu'il ne représente que quelques fractions de pourcentages de probabilité d'impact.
La gestion des superconstellations semble suffisamment raisonnée aujourd'hui, avec des retours et destructions atmosphériques rapides en quelques mois, et des agences qui suivent et demandent de nombreuses données aux opérateurs de satellites. Cette gestion devrait d'ailleurs encore se resserrer puisque des réglementations plus contraignantes (en particulier aux États-Unis) sont et vont entrer en vigueur. Ce qui n'empêche pas, bien sûr, le risque de collision.
Source : Universe Today