Microsoft n’en est pas à son premier assistant digital controversé. Sauf que cette fois-ci, Redmond joue gros et doit de rectifier le tir, au risque de foncer droit dans le mur.

De Clippy à Copilot : l’histoire se répète-t-elle chez Microsoft ? © hodim / Shutterstock
De Clippy à Copilot : l’histoire se répète-t-elle chez Microsoft ? © hodim / Shutterstock

Souvenez-vous : il y a plus de vingt ans, Clippy, le célèbre (et souvent détesté) assistant de la suite Office, s’imposait comme un symbole d’innovation mal pensée. Aujourd’hui, l’histoire semble se répéter avec Copilot. Cet assistant IA, annoncé en grande pompe en 2023, devait révolutionner la productivité en entreprise grâce à l’intelligence artificielle générative. Mais entre promesses grandiloquentes, critiques internes et retours mitigés, Copilot ressemble de plus en plus à un pari risqué. Pour Microsoft, il est temps de redresser la barre.

Quand les ambitions se heurtent à la réalité

Avec Copilot, Microsoft avait promis une révolution : un assistant capable de simplifier les tâches, de générer des idées et d’accélérer le travail. Une annonce ambitieuse, soutenue par des démonstrations impressionnantes lors des lancements. Mais en coulisses, le tableau est plus nuancé, et les retours terrain racontent une autre histoire.

Une récente enquête menée par Gartner auprès de responsables informatiques révèle que seuls 3% d'entre eux (4 sur 123) estiment que Copilot a réellement transformé leur manière de travailler. L’outil est jugé coûteux (à partir de 22 € par mois et par abonné) et loin de tenir ses promesses. En interne, certains employés de Microsoft n’hésitent pas à le qualifier de « gadget », doutant de sa pertinence dans les environnements professionnels. La critique est d’autant plus acerbe que des lacunes techniques – notamment des préoccupations liées à la sécurité et à la confidentialité – ternissent encore son image.

Derrière ce décalage entre discours marketing et réalité d’usage se dessine une problématique autrement générale : la difficulté pour Microsoft de répondre simultanément aux attentes technologiques et aux besoins pratiques de ses utilisateurs et utilisatrices. Et si cette dissonance rappelle quelque chose, c’est bien l’histoire de Clippy.

Qui se souvient de Clippy, cet assistant gênant et inutile ? Tout le monde © Microsoft
Qui se souvient de Clippy, cet assistant gênant et inutile ? Tout le monde © Microsoft

Clippy 2.0 : le spectre du passé

Car l’échec de Clippy reste gravé dans les mémoires, y compris de celles et ceux trop jeunes pour l’avoir connu. Cet assistant, lancé à la fin des années 1990, devait guider les utilisateurs et utilisatrices d’Office. Rapidement jugé intrusif, mal conçu, gênant, souvent hors sujet, il a fini par devenir une blague à lui seul. Si Clippy visait à rendre Office plus accessible, il a surtout montré à quel point une innovation mal exécutée pouvait nuire à l’expérience utilisateur.

Aujourd’hui, Copilot remet une pièce dans la machine et hérite d’un surnom peu flatteur : « Clippy 2.0 ». Une comparaison tenue par Marc Benioff, PDG de Salesforce, qui met en lumière un même problème de fond : celui d’une innovation ambitieuse, mais déconnectée des besoins réels. Si l’intelligence artificielle fait de Copilot un assistant bien plus avancé que Clippy, la perception qu’en ont les utilisateurs et utilisatrices reste au point mort.

Un pari à 10 milliards de dollars

On rappellera que pour Copilot, Microsoft a sorti le grand jeu, investissant plus de 10 milliards de dollars dans l’IA, notamment via son partenariat avec OpenAI. Des choix stratégiques qui pourraient coûter plus cher que prévu à Redmond. En redirigeant des fonds vers Copilot, Microsoft aurait asséché les budgets d’autres projets prometteurs. Cette priorité donnée à l’IA générative aurait logiquement provoqué des tensions internes, certains employés questionnant l’équilibre entre les ambitions affichées et les résultats concrets obtenus.

Un parti pris risqué qui, selon certains analystes financiers, pourrait compromettre la capacité d’innovation de Microsoft dans d’autres secteurs. Chez Goldman Sachs, on n’hésite pas à mettre en garde contre une « bulle technologique », et ce n’est pas bon signe. Si Copilot ne parvient pas à générer les revenus espérés, les conséquences pour Microsoft pourraient être bien plus lourdes qu’un simple revers d’image.

Entre Microsoft et OpenAI, c'est avant tout une histoire de gros sous... au détriment de la capacité d'innovation de Redmond © OpenAI

Une dépendance qui complique l’équation

Autre point de friction : la manière dont Microsoft a conçu l’écosystème Copilot. Contrairement à la vision initiale d’une technologie entièrement intégrée, l’entreprise dépend de plus en plus de fournisseurs tiers pour enrichir les capacités de son assistant.

Si ce modèle permet de diversifier les usages – notamment dans certains secteurs spécifiques – il fragilise aussi la cohérence de l’outil, et soulève de nombreuses questions légitimes concernant la sécurité et la réactivité attendues. Car comment garantir la protection des données si des tiers sont impliqués dans des systèmes critiques ? Et, plus important encore, cette dépendance pourrait-elle limiter la capacité de Microsoft à répondre rapidement aux besoins des utilisateurs ?

Une course contre-la-montre

En bref, pour Microsoft, le temps presse. Ce n’est un secret pour personne, Copilot évolue sur un marché convoité par une concurrence féroce. À titre d’exemple, Google, avec Gemini, mise sur une intégration fluide dans ses produits et services, tandis qu’OpenAI séduit grâce à ChatGPT et ses API modulaires, adaptables à des besoins variés.

Ces approches divergentes accentuent d’autant la pression sur Redmond qui doit prouver que son choix de concentrer l’IA dans Microsoft 365 était le bon, à plus forte raison quand les critiques internes compliquent encore les efforts pour redresser l’outil.

Malgré tout, Microsoft n’a pas encore perdu la partie. Si Redmond parvient à rapidement adapter Copilot aux besoins des utilisateurs et utilisatrices, ainsi qu’à renforcer sa sécurité et son intégration, elle pourrait encore transformer ce qui semble être une fausse bonne idée en vraie bonne idée.

Car cette fois, contrairement au flop Clippy, l’échec n’est pas une option et Copilot doit trouver un moyen de se rendre indispensable. Faute de quoi, l’histoire pourrait bien se répéter. Sauf que cette fois, les conséquences seraient bien plus graves que de simples moqueries, tant concernant la réputation de Microsoft que vis-à-vis de l’état de ses finances.

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