La dopamine détox promet de libérer les utilisateurs de l'addiction aux écrans en réduisant les stimulations. Mais ce concept viral n'est qu'une vision simpliste et potentiellement dangereuse du fonctionnement neurologique.
On vous en parle assez sur Clubic, trop d'écrans peuvent nuire à notre santé mentale. Pour autant que certaines nuances sont apportées, notamment sur le temps d'écran plutôt que l'utilisation de l'écran en lui-même, il n'en reste pas moins qu'il est parfois aujourd'hui compliqué de s'en passer.
Après le phénomène de « digital detox », les réseaux sociaux regorgent aujourd'hui de vidéos présentant la « dopamine détox » comme une solution miracle contre notre dépendance numérique. Déconnexion totale, élimination des sources de plaisir immédiat, retour aux activités primaires : le concept séduit par sa simplicité radicale.
Mais comme parfois, le remède est pire que le mal, ces promesses de « réinitialisation cérébrale » ne constituent qu'une compréhension réductrice des mécanismes neuronaux. Les adeptes de cette tendance oublient un élément de taille : la dopamine n'est pas un ennemi à combattre, mais un neurotransmetteur essentiel à notre équilibre motivationnel et comportemental.
La dopamine détox, un concept séduisant qui détourne grossièrement le fonctionnement neurologique de la récompense
La dopamine, ce neurotransmetteur souvent diabolisé, comme dernièrement concernant TikTok, accusé d'ignorer ses effets dévastateurs des jeunes qui utilisent le réseau social, est en réalité le carburant neurologique de notre motivation. Loin d'être une simple messagère du plaisir immédiat, elle orchestre nos désirs, impulse nos projets et structure notre capacité à nous projeter. Sur les réseaux sociaux, la tendance de la dopamine détox propage une vision caricaturale : supprimer toute stimulation pour « réinitialiser » un cerveau supposément « pollué » par les écrans.
Sébastien Carnicella, chercheur à l'Institut des neurosciences de Grenoble, pulvérise ce mythe scientifique. La dopamine n'est pas un toxique à éliminer, mais un messager neurologique indispensable. Sans elle, plus de motivation, plus d'envie, plus de dynamisme. Le terme même de « détox » le dérange : il suggère un sevrage qui créerait artificiellement un manque potentiellement dangereux. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : en 2023, les Français consacraient en moyenne 3 h 30 quotidiennes à leurs écrans, indique le rapport annuel de Data. AI, symboles de cette surstimulation permanente.
La solution ne réside pas dans une suppression radicale, mais dans une réappropriation intelligente de nos stimulations
Une approche progressive et équilibrée pour réguler nos habitudes numériques sans traumatiser notre système dopaminergique
L'alternative proposée par les experts est aussi simple à mettre en place qu'elle est bonne pour notre santé, mentale comme physique. Il s'agit de remplacer les sources de stimulation néfastes par des activités plus saines et épanouissantes. Le « dopamine menu » suggère par exemple de troquer Netflix contre un jogging, une séance de dessin ou la lecture d'un bon livre. L'objectif n'est pas d'éradiquer la dopamine, mais de réorienter nos sources de plaisir et de motivation vers des pratiques plus constructives.
Sébastien Carnicella insiste : plutôt que d'amputer notre système de récompense, il faut le rééduquer progressivement. Supprimer brutalement un objet d'addiction sans le remplacer par un nouvel intérêt reviendrait à créer un vide contre-productif. L'équilibre passe par une approche douce, consciente, où l'on réapprend à stimuler notre cerveau différemment.
Sources : 20minutes, Grenoble Institut Neurosciences