Au Bourget, ITT avait présenté de nombreuses innovations comme des composants permettant la réduction du bruit dans et à l'extérieur des avions. La société américaine, qui travaille avec les plus grosses entreprises du secteur, est aussi très présente en Europe. Interview.
Fondée en 1920, ITT, forte de clients issus de 135 nations différentes et d'une présence commerciale dans 35 pays, est une société qui pèse dans la fabrication de composants destinés à différents secteurs comme celui des transports, de l'industrie ou de l'énergie. Le secteur de l'aéronautique, lui, est l'affaire de sa filiale, ITT Control Technologies, qui conçoit et fabrique des produits destinés aux marchés de l'aérospatial et de l'industrie.
Présente au Salon du Bourget édition 2019, la société, dont on retrouve de nombreuses traces (souvent invisibles) dans les avions à bord desquels nous voyageons, a présenté de nombreux composants et solutions innovantes en matière de réduction du bruit, de confort en cabine et de compartiments à bagages.
Pour faire la lumière sur cette société américaine très présente en Europe, découvrir comment elle améliore l'expérience du voyageur à bord de son avion commercial et faire le point sur le secteur de l'aviation et son avenir, Clubic est allé à la rencontre de Christophe Rouzot, « Regional Aerospace Sales Manager » (responsable commercial régional) chez ITT et ingénieur en électronique de formation.
Interview de Christophe Rouzot, responsable commercial régional chez ITT (business unit Connect & Control Technologies)
Clubic : Comment ITT intervient-elle dans la conception d'un avion ?Christophe Rouzot : ITT Aerospace fabrique du composant et de l'équipement. Dans la partie aéronautique, nous nous retrouvons avec des produits qui vont être utilisés soit directement par les fabricants d'avions, soit par leurs fournisseurs systémiers, comme Safran, ou Latécoère auxquels nous allons intégrer nos équipements. Ces systèmes vont toucher de nombreuses fonctions de l'avion : du carburant à l'hydraulique, en passant par la lubrification, l'air conditionné, la distribution d'oxygène, l'inertage, l'aménagement commercial de la cabine (panneaux latéraux qui habillent l'intérieur du fuselage), les sièges, ou encore les toilettes.
D'où proviennent les clients d'ITT ? Sont-ils issus de l'aviation commerciale, militaire ?
Le plus gros de notre activité, c'est l'aviation commerciale. Il y a aussi l'aviation d'affaires, l'aviation générale. Pour les avions militaires, cela peut toucher la majorité des types d'aéronefs : chasseurs, avions d'entraînement, ravitailleurs, hélicoptères d'attaque, cargos, avions de transport. Nous retrouvons aussi des systèmes similaires sur les véhicules terrestres, les navires et les systèmes d'armement.
« Le marché européen est important pour notre croissance »
Quels sont les gros comptes avec lesquels ITT travaille ?
Nous travaillons pratiquement tous avec les mêmes donneurs d'ordre dans l'aéronautique. Nous collaborons avec les avionneurs en direct, c'est-à-dire Boeing, Airbus, Bombardier, etc., pour ne citer qu'eux. Sur les fournisseurs de système, nous sommes présents chez Safran. Du côté de l'aérostructure, nous travaillons avec Latécoère. Chez des sociétés spécialisées dans l'aménagement d'intérieur, nous avons des liens avec des entreprises comme Taylor-Deal Aviation ou FACC. Ce sont des références plutôt européennes, mais nous en avons encore bien davantage outre-Atlantique.
L'Europe reste un marché important pour vous ?
C'est un marché qui est important pour notre croissance, pour continuer à nous développer. ITT est très présente aux États-Unis, puisque c'est son pays "d'origine", où la société est drivée par le gros faiseur qu'est Boeing. Mais le potentiel est au moins aussi important en Europe, c'est pour ça qu'il y a une force de vente assez conséquente aujourd'hui sur le continent, pour nous développer sur ce vaste territoire.
« Isoler le bruit en suspendant tout ce qui est attaché dans la cabine »
ITT est une société dont l'une des spécialités est la réduction, l'atténuation du bruit en cabine. Quelles sont les innovations en la matière que vous avez pu présenter au Salon du Bourget cette année ?
Il existe plusieurs solutions pour travailler le bruit en cabine. Le bruit est provoqué par les vibrations, qui peuvent principalement venir de l'écoulement de l'air sur le fuselage mais aussi des vibrations générées par les moteurs. Nous essayons de nous isoler du bruit en suspendant tout ce qui est attaché dans la cabine, que ce soit les casiers à bagages ou les panneaux qui habillent l'intérieur du fuselage par des systèmes anti-vibratoires.
Il y a également des bruits provoqués par les flux d'air. Dans un avion, on distribue de l'air en permanence. Pour cela, les avionneurs utilisent des ventilateurs, et un ventilateur est un générateur de bruit. Donc nous fabriquons également des silencieux que nous mettons directement en ligne avec la tuyauterie, ce qui permet, comme un silencieux d'automobile, d'atténuer le bruit lié au ventilateur.
Il y a donc ici un contrôle du bruit, mais un contrôle qui est passif, c'est-à-dire que ce sont les éléments mécaniques et structurels que nous mettons en place qui, par leurs propriétés physiques, vont permettre l'atténuation phonique.
Quelles matières et quels matériaux sont utilisés ?
Il existe différentes solutions techniques pour faire de l'atténuation phonique. Cela va dépendre des fréquences qu'il faut atténuer, si c'est de la haute ou de la basse fréquence, puisque nous travaillons aussi l'atténuation phonique à l'extérieur de l'avion, avec les entrées et les sorties d'air par exemple.
À l'intérieur de la cabine, nous pouvons intégrer des silencieux dans des pièces en élastomère (ou caoutchouc, ndlr.), ou dans des pièces composites. D'autres silencieux peuvent être métalliques. Nous avons des matériaux absorbants, mais aussi des mousses, qui permettent l'atténuation phonique.
« L'aviation va subir et subit déjà une évolution »
L'interconnexion à bord est importante également pour vous...
Nous retrouvons de plus en plus de connectivité à l'intérieur des avions, notamment dans les long-courriers, y compris en classe économique, où vous avez un écran intégré au siège. Il faut donc amener de la data, de l'énergie. Les débits à bord vont être de plus en plus élevés pour que tout le monde puisse avoir accès à Internet.
De manière générale, comment évolue le secteur de l'aviation selon vous ? Est-il potentiellement en crise notamment à cause des enjeux environnementaux ?
L'aviation va subir et subit déjà une évolution. Le premier vrai signe était l'utilisation de nouveaux matériaux, initiée sur le Boeing 787, qui est déjà assez ancien, ou l'Airbus A350. C'était une première étape, pour gagner de la masse, donc de la consommation de carburant.
Il y a eu les options Neo, pour Airbus, pour réduire la consommation. L'A330 Neo est une évolution du moteur Rolls-Royce initialement utilisé sur l'A330.
Il y a aussi une évolution qui se prépare, en passant à des systèmes purement électriques dans les avions. Cela ne va pas forcément toucher la propulsion, même si nous y travaillons déjà. Mais cela va toucher les systèmes d'air conditionné, et ceux de dégivrage, qui utilisent aujourd'hui l'air chaud prélevé sur le moteur.
« Concernant la faisabilité technique du tout électrique, il est encore tôt pour donner son avis »
Vous travaillez donc déjà sur des équipements électriques ?
Non seulement on y travaille, mais on en fournit également, en proposant des réchauffeurs électriques sur du dégivrage. À titre d'exemple, il y a les systèmes de dégivrage pour les hélices, pour les avions équipés de turbopropulseurs.
EasyJet a présenté son projet d'avion électrique. Est-ce que vous croyez au 100% électrique ?
Je ne sais pas si c'est possible, mais ça en prend la direction. D'ailleurs, il y a déjà des démonstrateurs. Airbus avait présenté son prototype de petit avion à propulsion électrique, E-Fan, en 2014. Le sujet est travaillé. Concernant la faisabilité technique, il est encore tôt pour donner un avis. Des opportunités existent déjà sur la fabrication de moteurs électriques pour des aéronefs. Des industriels investissent dans cette direction.
Nous pouvons faire le parallèle avec les aéronefs à décollage et atterrissage verticaux (VTOL), que l'on trouvera peut-être demain dans nos villes pour un transport 100% électrique, à la façon Cinquième Élément.