La pionnière surdouée des calculs orbitaux s'est éteinte à l'âge de 101 ans. Première femme à faire partie du « space task group » de la NASA, à une époque impactée par la ségrégation, Katherine Johnson a marqué l'Histoire.
Parcours d'obstacles
Son histoire est d'abord celle d'une adolescente, née en 1918, douée de dispositions extraordinaires pour les mathématiques, qui entre au lycée à 13 ans et que ses parents font tout pour aider. Malgré ses résultats et son diplôme de l'Université West Virginia, Katherine Coleman (son nom de naissance) est une femme noire dans un état ségrégationniste, ce qui ne lui offre pratiquement qu'un seul débouché : devenir professeure dans une école publique.Katherine Coleman réussit à entrer dans une filière diplômante, mais se marie et fonde une famille dans les années 1940. Devenue Mme Johnson, elle entend alors parler de la NACA (organisme d'état qui précède la NASA) en 1952 et se fait engager dans « l'aile Ouest » au centre de Langley, où ne travaillent que des femmes de couleur, spécialisées dans les calculs et les équations. C'est l'époque des « ordinateurs humains » et de leur rôle ingrat au service des bureaux d'ingénierie. La jeune femme est pourtant vite remarquée, et analysera des données de vol durant plusieurs années.
Au service de Mercury
En 1957, alors que Spoutnik traverse le ciel et devient le premier satellite artificiel en orbite, Katherine Johnson fournit des calculs essentiels pour les résultats de recherche du tout nouveau « Space Task Group », qui prépare les calculs de trajectoire des futurs vols spatiaux. Elle y rentre très rapidement, et excelle dans son travail.En 1960, elle est la première femme co-auteure d'un article scientifique visant à déterminer le vol orbital d'un objet dont le point d'atterrissage est prédéterminé. Mais c'est avec le vol orbital de John Glenn en 1962, tournant du programme Mercury, qu'elle sera le plus mise en avant : face aux comportements et aux résultats bien capricieux des tout nouveaux ordinateurs chargés de calculer la trajectoire, John Glenn demande que Katherine Johnson elle-même puisse refaire les algorithmes à la main... Avec cette phrase restée célèbre « Si elle dit que les calculs sont bons, alors je suis prêt à partir ».
Un atout indispensable
Katherine Johnson aura eu un rôle majeur dans cette décennie de la « course à la Lune ». Elle travaillera à établir les trajectoires des modules lunaires, pour leurs décollages depuis la surface de la Lune et leurs rendez-vous avec les capsules Apollo en orbite. Ses calculs se révéleront sans failles sur les six missions concernées. Plus tard, elle sera appelée à intervenir sur les calculs concernant les navettes STS, mais aussi sur les satellites Landsat, la famille américaine de satellites d'observation scientifique de la Terre. Katherine Johnson a finalement pris une retraite méritée en 1986, déclarant à cette occasion qu'elle avait aimé venir travailler chaque jour de ses 33 ans de carrière.L'autobiographie de Katherine Johnson est parue l'année dernière aux Etats-Unis, mais n'a pas encore été traduite. Toutefois, elle est reconnue dans le monde entier grâce au rôle qu'elle a joué pour la NASA, à sa « Medal of Freedom » (la plus haute distinction civile américaine) décernée par Barack Obama... Et grâce au film Les Figures de l'Ombre (2016), retraçant de façon romancée et un peu anachronique son aventure, au côté de celles de Dorothy Vaugan et Mary Jackson. Le film a permis de faire connaitre ces pionnières et leurs travaux, ainsi que les difficultés des femmes (en particulier des femmes de couleur) dans l'Amérique des années 1960.
Katherine Johnson avait cependant expliqué, en 2011, qu'elle n'avait jamais ressenti de ségrégation lors de son passage à la NASA, même si elle savait que le racisme était installé dans la société. La NASA a nommé un centre de calcul en son honneur, sur le site de Virginie, en 2016.
Le monde a perdu une femme de talent, engagée et qui souhaitait transmettre son expérience au plus grand nombre On ne sait pas quel voyage elle fera dans les étoiles, mais sa trajectoire sera, sans nul doute, impeccable.
Source : NASA