Comme bon nombre de nos confrères, nous avons reçu un communiqué nous présentant la cPulse, une coque pour smartphone Android misant sur un système de LED pour diffuser du texte et des motifs lumineux. Un objet conçu par une start-up française, et financée par le biais de Kickstarter. Si parler de ce type de démarche nous intéresse généralement, la cPulse nous a intrigué et poussé à nous interroger : au-delà d'une proposition aussi curieuse qu'originale, la perspective qu'un tel produit parvienne à récolter 350 000 dollars en financement participatif nous a laissé perplexe. Plutôt que d'ignorer cette coque, nous avons décidé d'accepter de rencontrer ses créateurs, pour en savoir plus.
Sous ses apparences de grosse coque capable d'afficher lumière colorées et motifs à travers ses 128 LED, la coque cPulse cache les ambitions technologiques de ses concepteurs. « Nous pensons qu'il est possible de révolutionner le monde de l'éclairage avec les LED, en développant un nouveau moyen de communiquer » explique Yan Lee-Dajoux, le président de CodLight. Avec François Mazard, un ingénieur qu'il a rencontré lorsqu'ils travaillaient tous les deux chez Texas Instruments, ils ont décidé de se lancer dans une aventure commune en 2013 en créant leur start-up, basée à Sophia Antipolis et rattachée à l'incubateur Télécom ParisTech. Le concept derrière la coque cPulse est apparu comme une évidence pour concrétiser leur vision.
Autre chose qu'une simple coque
La cPulse, une coque comme une autre ? Pas du tout, assurent ses créateurs : si elle contient bien le smartphone auquel elle est rattachée, son objectif premier n'est pas de le protéger des chutes et des chocs. L'intérêt de cet accessoire se trouve surtout dans son panneau de 128 LED présent sur le devant : ce dernier, contrôlé par le biais d'une application, permet d'afficher de la lumière et des formes associées à une musique, mais aussi l'heure, du texte personnalisé ou encore des alertes de notifications. Il peut même servir de lampe, ou même de puissant flash pour prendre une photo.
Mais au-delà de l'aspect éclairage, ce qui intéresse les deux associés, c'est l'aspect créatif. « Nous voyons la lumière comme un nouveau média, une nouvelle manière de communiquer » insiste Yan Lee-Dajoux. « L'idée est de permettre au grand public de concevoir lui-même ses effets de lumière, et de les partager avec la communauté via le cloud. » Le son et lumière à portée de tous, à l'aide d'une coque de smartphone ? « Pour nous, la lumière peut être le point de départ de la création. Nous pensons que partir d'une coque de smartphone pour proposer cela est une bonne idée. C'est un secteur qui a besoin de neuf. »
Reste qu'introduire le concept de « lumière interactive et connectée » à travers une coque représente tout de même un risque. D'abord, un tel objet est connoté comme un accessoire pour smartphone, destiné à protéger le terminal. Ce n'est clairement pas l'objectif ici, même si le smartphone est bien fermé dans la coque. A vrai dire, la cPulse risque de subir autant de dégâts en cas de chute qu'un téléphone sans protection, ce qui s'avère paradoxal.
L'autre élément potentiellement bloquant, c'est la taille de l'accessoire, qui s'avère encombrant. Même si le produit final n'épaissira le smartphone que de 4 millimètres en moyenne, il prend de la place. Les concepteurs en ont conscience, et ont travaillé sur ce point. « Les composants de la cPulse ont été choisis selon deux critères : leur taille et leur consommation électrique. » Car la coque n'intègre pas de batterie et ponctionne l'énergie du smartphone. Selon ses créateurs, elle utilise 7% de batterie pour 1h de lumière continue - les tests sont effectués sur un Galaxy S4 - ce qui peut s'avérer pénalisant si on décide de l'utiliser beaucoup en soirée.
Une conception participative, mais un prix (trop ?) élevé
Mais au-delà de ces constats pertinents, il faut admettre que CodLight cherche à proposer, avec sa coque, un produit expérimental et collaboratif. Outre l'aspect communautaire du partage de créations lumineuses, la start-up souhaite encourager les utilisateurs à personnaliser l'appareil, et même à l'adapter à leur smartphone Android. Pour ce faire, l'une des contreparties proposées au sein de la campagne Kickstarter permet de disposer de la cPulse en kit, à monter soi-même. Mais pour obtenir le résultat final, il faut passer par la case impression 3D : la coque peut-être personnalisée et adaptée au smartphone auquel elle est destinée. La démarche passe par Sculpteo et SketchFab, qui sont partenaires de CodLight.
Si la start-up proposera des modèles manufacturés pour différents smartphone, en jouant la carte de l'impression 3D, elle permet à tous les possesseurs d'un terminal de créer la coque qui leur convient. Les fichiers sont ouverts et modifiables par tous, « il ne manque que la communauté » explique Yan Lee-Dajoux. Les makers qui disposent de leur propre imprimante 3D ont un net avantage en terme de coût d'impression. Mais c'est loin d'être le cas d'un technophile grand public qui, s'il est intéressé, devra débourser environ 40 dollars chez Sculpteo en plus des 79 dollars que coûte le kit et des 25 dollars de frais d'envoi. Ça fait cher, mais ça l'est toujours moins que les 179 dollars que devrait coûter le produit final, dans sa version manufacturé. A noter que, sur Kickstarter, cette version est proposée à 89 dollars.
« Kickstarter n'est pas une finalité »
Les fondateurs de CodLight ont de la suite dans les idées. Seulement, voilà : la campagne de financement participatif de la cPulse n'a pas démarré sous les meilleurs hospices. En un peu plus d'une semaine, seuls 3 600 dollars sur les 350 000 espérés ont été récoltés. Et même si le Kickstarter ne s'arrêtera que le 31 août prochain, l'heure est d'ores et déjà à la réflexion pour la suite, car les nombreux relais dans la presse n'ont pas fait décoller la cagnotte ces derniers jours.
« Kickstarter n'est pas une finalité en soit » estime Yan Lee-Dajoux. « On voulait avant tout montrer notre technologie au public. Ca nous offre de la visibilité et nous apporte des partenaires potentiels, que nous n'aurions pas pu avoir autrement. » Là où certains backers voient en Kickstarter une plateforme de précommande- au grand dam de celle-ci - pour les entrepreneurs, c'est donc une vitrine, « une plateforme de communication. »
En demandant 350 000 dollars, les Français n'ont-ils pas vu trop gros ? « Chaque coque est un investissement. Il faut un moule par coque, et pour une start-up c'est un coup difficile à supporter. C'est pour ça qu'on a mis un objectif très élevé : pour produire la coque pour un maximum d'appareils et satisfaire une large communauté, il faut beaucoup de moyens. » Parmi les principaux retours reçus sur Kickstarter, des questions sur les modèles pris en charge par la cPulse, ou encore sur le support d'iOS, ce qui n'est pas encore planifié dans l'immédiat. « On apprend beaucoup grâce à ces retours. Ca nous permet de nous perfectionner. » Mais les Français admettent clairement qu'ils ne sont pas satisfaits du démarrage de leur campagne.
« Même si la campagne n'aboutit pas, le produit pourra toujours voir le jour » ajoute François Mazard. Les entrepreneurs ont bon espoir de trouver des partenaires pour développer leur produit, mais également leurs autres idées autour du même concept. Ils ont même été approchés par Google, intéressé par leur technologie dans le cadre du projet Ara. « Google démarche des développeurs, ils organisent un concours qui récompensera le module le plus innovant pour Ara » détaille Yan Lee-Dajoux. Un intérêt qui pousse les concepteurs de la cPulse à continuer sur leur lancée, même s'ils ne savent pas encore s'ils prendront part à Ara en raison de délais de développement très courts.
Les fondateurs de CodLight ont foi en leur technologie, et ils n'ont peut-être pas tort : il y a de quoi attiser la curiosité et donner envie de s'essayer à la création de clips en LED. Néanmoins, on ne peut s'empêcher de se demander si un produit comme la coque cPulse était vraiment ce qu'il y avait de plus approprié pour présenter le concept. Face à notre perplexité, Yan Lee-Dajoux assure qu'il ne s'agit là « que d'une première étape » pour la jeune entreprise qui a déjà d'autres projets. Que la lumière soit !