Les mentions légales figurant sur le site dédié à la carte musique sont claires : « tout jeune de 12 à 25 ans résidant en France peut obtenir un coupon de 5, 10 ou 25 euros utilisable jusqu'au 25 octobre 2012 dans la limite de 25€ par personne. » C'est donc à cette date que l'opération devait tirer sa révérence.
Pour rappel, la carte musique permettait d'acheter pour 5, 10 et 25 euros de musique sur les plateformes en ligne partenaires. Elles permettaient alors de pouvoir télécharger pour 10, 20 ou 50 euros de musique de manière légale. L'Etat finançait donc pour moitié la carte et « doublait la mise ».
L'arrêt de cette initiative est donc l'occasion de revenir de manière chronologique sur cette tentative de promouvoir les usages légaux :
- Janvier 2010 : La Mission confiée à Patrick Zelnik, le p-dg du label Naïve accouche de 22 propositions. L'une d'entre elles préconise la création d'une « carte musique en ligne ».
- Avril 2010 : La mesure est retenue mais soulève des interrogations et des protestations quant à son financement. Les FAI refusent d'être taxés et menacent d'augmenter le prix des abonnements Triple-Play s'ils doivent supporter seuls le coût de l'opération. Des débats qui provoqueront des retards à l'allumage.
- 20 Mai 2010 : Le gouvernement accepte de subventionner la carte musique à hauteur de 25 millions d'euros sur 3 ans. Il provisionne cette somme afin de « doubler la mise » des internautes.
- 28 octobre 2010 : Frédéric Mitterrand lance le dispositif suite à la publication du décret relatif à la carte musique paru trois jours plus tôt. L'article 1 précise qu' : « est institué pour une durée de deux ans une aide à l'accès à la musique numérique dématérialisée. Cette aide est destinée à contribuer au financement de l'accès aux offres dénommées carte musique ».
- 3 novembre 2010 : La carte a le vent en poupe. Lors d'un conseil des ministres, le Président Nicolas Sarkozy évoque l'opération et précise qu' « une semaine après son lancement, près de 10 000 cartes musique ont d'ores et déjà été créées ». L'avenir sera moins riant.
- 24 janvier 2011 : Le ciel s'assombrit. Du propre aveu du ministère de la Culture, l'opération n'a pas séduit les internautes. Le ministre met en avant une « mauvaise ergonomie du site ».
- 3 novembre 2011 : Un an après son lancement, les communications sur le sujet se font plus rares. Toutefois, un nouveau dispositif est mis en place avec la création d'une carte musique physique. Les réseaux Fnac, Carrefour, Casino, Monoprix et Game la proposent entre forfaits prépayés et programmes TV.
- 25 novembre 2011 : Le ministre de la Culture affiche sa déception quant au nombre de ventes de la carte. 50 000 cartes musique vendues en ligne au lieu du million par an annoncé à l'Europe, le constat est amer. « C'est plutôt décevant. Nous avions surtout un handicap de fond. Nous devions faire admettre à des gens qui font les choses gratuitement qu'il faut les payer » concède Frédéric Mitterrand.
- 28 novembre 2011 : Le Sénat publie un rapport accablant dans lequel il épingle le coup de pouce donné à l'offre légale. Ce rapport baptisé « Médias, livre et industries culturelles », critique le dispositif et précise que « de surcroît, la carte musique n'aura pas d'effet sur le dynamisme de la création française, dans la mesure où elle bénéficie à toutes les œuvres, françaises comme étrangères ».
- 25 octobre 2012 : Comme le décret et les mentions légales figurant sur le site le précisent, le dispositif prend fin. Selon PcInpact, seulement 70 615 cartes ont été vendues dont 8 216 physiques.
Quel avenir pour la promotion des usages légaux ?
Le dossier de la promotion de l'offre légale n'est pas abandonné. C'est même une des missions primaires de la Hadopi. L'autorité mène ainsi des travaux afin de déterminer par quels moyens les offres en lignes peuvent être mises en avant. Outre le label PUR, l'organisme précise dans son dernier rapport qu'elle a été saisie de deux demandes de subvention de la part de deux plateformes proposant des contenus musicaux.
Pour autant, la Hadopi précise qu'elle n'a pas de « compétence expresse en matière d'aides économique, les textes fondateurs ne prévoyant, ni n'organisant ouvertement et directement la possibilité de soutenir financièrement des projets ou des acteurs dans ces domaines d'intervention ». En conséquence elle explique qu'elle a écarté « la mise en œuvre d'une politique de financement de projets concourant au développement de l'offre légale ».
Reste la mission Lescure lancée à la rentrée 2012. L'objectif de cette commission dirigée par l'ex-patron de Canal+ est notamment de : « former des propositions de dispositifs d'action publique permettant de favoriser le développement des œuvres et des pratiques culturelles numériques ». Des propositions concrètes afin d'encourager les usages légaux (et les plateformes françaises ?) sont attendues par le gouvernement. Le rapport devrait être rendu le 31 mars prochain.