Bonjour, David Charles. Commençons ce bilan de l'année écoulée par un événement pour la téléphonie mobile : l'arrivée de Free et la chute des prix qui a suivi. Comment l'avez-vous vécue ?
On avait anticipé cette arrivée, et elle a ouvert une formidable opportunité commerciale. Free Mobile a dynamisé le marché car beaucoup de gens connaissaient le sans-engagement sur Internet, mais la communication autour de ce nouvel entrant a bénéficié à des acteurs comme nous - même si des MVNO au positionnement différent ont disparu ont sont en difficulté. Pour se faire une idée, en 2011, 650 000 lignes de ce type ont été ouvertes en France, contre 6,5 millions en 2012. En 2013, le marché du low-cost devrait encore grossir de 7 millions d'abonnés. Sur 1,2 million de migrations par mois, 40% se dirigent vers le bas prix. (lire Le marché mobile atteint un sommet grâce aux offres low-cost)
Dans cette croissance que vous décrivez, est-ce que Prixtel a réussi à s'inscrire dans cette dynamique et à recruter des clients ?
Si le marché devient plus gros, le potentiel également. L'année devait être compliquée, mais finalement, on a bénéficié d'une formidable progression. Aujourd'hui, nous avons un parc de 170 000 abonnés avec une croissance de 70% comparé à l'année précédente. En 2013, nous comptons doubler notre parc cet accélérer le marché. D'ailleurs, l'année commence bien puisque nous avons déjà observé une croissance de 100% sur le début 2013.
L'impact de Free Mobile est remarquable à tous les niveaux. Merci Free ! Cela a créé une remise en question. Les gros opérateurs qui surfent sur des marges hallucinantes ne tiendront pas dans le marché. Concernant notre chiffre d'affaires (NDLR : il était de 40 millions d'euros en 2011, en croissance de 410% sur trois ans), on clôturera en mars mais forcément, comme les prix ont chuté - malgré le nombre de recrutements en hausse - les recettes ont du mal à grossir.
Face aux initiatives des opérateurs d'investir le segment du libre d'engagement sur Internet, quelle est la place de Prixtel ? Et quels sont les arguments que vous faites peser pour vous différencier ?
Prixtel est un concurrent direct de Sosh, B&You, Free Mobile et Red. Mais quand Sosh propose par exemple des tarifs situés entre 10 et 25 euros, Prixtel garantit de ne jamais dépasser les 20 euros. Avec notre offre Modulo, le forfait s'adapte automatiquement à la consommation : de 2 euros pour 1 heure et 60 SMS à 20 euros pour de l'illimité, SMS et MMS illimités et 3 Go de data.
On note que 95% de nos clients ne payent jamais 20 euros ! Seulement 0,2% utilisent en fait plus d'un giga de data, même si cela a augmenté en 2012. En fait, qui regarde vraiment des vidéos en 3G dans le bus ? La plupart du temps, on le fait chez soi ou au bureau, et en Wi-Fi, sans consommer de data. C'est pour cela que notre produit est le meilleur du marché, il mieux adapté à ces besoins.
Prixtel propose aussi une hotline gratuite et localisée en France, et édite même des factures papier, contrairement aux autres opérateurs. On essaie vraiment de garder le meilleur des gros opérateurs, mais en low-cost. D'ailleurs ce terme n'est pas le bon car on y associe souvent une moins bonne qualité. Or, en télécoms, une minute de communication est la même partout, un électron qui passe dans une antenne n'est pas différent d'un autre. Je préfère utiliser le terme low-price.
Au coeur de la bataille entre opérateurs qui se livrent une guerre des prix, et où les gros acteurs dépensent d'énormes budgets pour promouvoir leurs offres, quelles difficultés rencontrez-vous ?
Plus on est petit, et plus le niveau d'attente des clients est important. À l'inverse d'Orange, SFR ou Bouygues qui peuvent se permettre d'avoir une panne sans que leurs clients ne leur en tiennent spécialement rigueur, nous, on n'a pas le droit à l'erreur. On ne peut pas se permettre de ne pas être au rendez-vous sur une activation de ligne par exemple. Mais si notre parc continue à grossir, c'est que les clients sont satisfaits.
Je ne comprends pas non plus pourquoi on ne cite jamais les MVNO. Dans un reportage d'Envoyé spécial, les journalistes ont évoqué les quatre gros opérateurs sans citer aucun opérateur virtuel, pourquoi ? C'est eux qui ont inventé le marché du low-cost ! Par exemple, Virgin a investi 50 millions sur plusieurs années, et on n'en parle pas ? Et Fleur Pellerin, ministre de l'Économie numérique et des PME, il y a quelques jours, ne veut pas nous rencontrer (NDLR : en raison de « contraintes de son emploi du temps »). On n'est rien ?
Ensuite je trouve que la guerre commerciale n'a pas de sens car finalement, tout le monde a la même offre, mais c'est celui qui parle le plus fort qui sera entendu et qui gagnera. B&You a un investissement média colossal, c'est une énorme machine financière. Prixtel n'a pas les moyens de rivaliser sur ce front. Nous, on compte sur les réseaux sociaux et le bouche à oreille. Ça n'est pas pertinent de faire de la pub à la TV.
Une nouvelle publicité est justement apparue à la télévision récemment, celle d'un acteur dont vous n'avez pas parlé : Joe Mobile (SFR). Leur position est proche de la vôtre, avec un forfait évolutif.
Je n'en ai pas parlé car Joe Mobile est un non-événement ! Pourquoi donne-t-on la parole à un acteur qui ne compte que 2 000 lignes ? Concernant le forfait évolutif, Prixtel propose dix fois mieux, et le fait automatiquement.
Jeudi 16 janvier, on apprenait que Free était débouté dans l'affaire l'opposant à SFR (auquel Prixtel emprunte le réseau). Partagez-vous le point de vue de Xavier Niel sur la subvention des mobiles ?
Pour moi, la vente liée a un avenir, on ne peut pas l'interdire. Sinon, on prive toute une frange de la population qui veut s'offrir le dernier smartphone à la mode et qui n'a pas les moyens de le payer en une fois. Seulement, il faut absolument que ces opérateurs identifient, pour chaque forfait, quel est le prix du téléphone et celui du forfait : par exemple, sur 49 euros, 26 euros pour le téléphone et 23 pour l'abonnement.
C'est fondamental car au terme d'une durée d'engagement de 24 mois, le téléphone est payé, et l'abonné n'a plus besoin de financer la subvention. Orange est quand même la première entreprise de microcrédit de France et fait payer ses clients au-delà de la durée du prêt. C'est du vol ! Si on connaissait la part dédiée à cet emprunt, au bout de 24 mois et un jour, on ne paierait plus.