En mai 2005, trois anciens employés de PayPal mettaient en ligne la version beta de YouTube. La plateforme de vidéos, rachetée un an plus tard par Google pour 1,65 milliard de dollars, totalise aujourd'hui plus d'1 milliard d'utilisateurs dans le monde et des centaines de millions d'heures de vidéos visionnées chaque jour.
Malgré sa domination incontestable, YouTube se trouve aujourd'hui confronté à plusieurs défis. Certes, les programmes phares des « Youtubeurs stars », qui comptent des millions d'abonnés à leur chaîne, tirent les audiences à la hausse et lui permettent d'engranger de confortables revenus publicitaires, même si on ne connait pas sa contribution exacte aux 18 milliards de dollars de recettes publicitaires engrangées par Google au premier trimestre 2016.
Et pourtant... Malgré son incroyable succès, YouTube ne génère toujours aucun profit, selon le Wall Street Journal. Car il faut payer les serveurs, investir dans la technique, et reverser l'argent aux droits d'auteur (plus d'un milliard de dollars de royalties ont ainsi été reversés aux titulaires depuis octobre 2014). Enfin, il faut bien avouer qu'en dehors des stars, la plupart des contenus postés sont de piètre qualité, alternant vidéos d'ados filmant leurs exploits dans leur chambre ou des recettes de cuisine ratées. Une image « cheap » qui dévalorise son image et tire les tarifs publicitaires vers le bas.
L'offensive de charme envers les annonceurs
Depuis un an, YouTube a donc lancé des initiatives tous azimuts pour répondre à ces défis. Sur le front publicitaire, d'abord : en mai, le site a lancé de nouveaux formats publicitaires spécialement adaptés aux smartphones, avec un format court (6 secondes) mais impossible à bloquer ou à fermer. De multiples offres sur mesure ont été lancées pour séduire les annonceurs, et cela semble fonctionner puisque YouTube assure que les revenus des partenaires ont augmenté de 50 % en un an. Lors de son gala annuel à destination des annonceurs le 5 mai dernier, la patronne de YouTube s'est vantée que sa plateforme « réunit en prime time plus de 18-49 ans que les 10 premières chaînes de télé combinées ».Mais engranger des recettes pub ne suffit pas. Comme l'a lui-même admis Spotify lors de la publication de ses résultats le 23 mai dernier, « le modèle gratuit n'est pas rentable ». La plateforme de streaming génère ainsi à peine 220 millions de chiffre d'affaires par la publicité, contre 1,96 milliard via ses abonnements payants. Le même constat peut être établi dans la presse en ligne, dont les revenus publicitaires sont loin de compenser la chute des ventes au numéro. YouTube est confronté au même casse-tête.
YouTube Red : le pari du modèle payant
C'est donc à la fois pour entrer dans cette logique et pour monter en gamme que YouTube a annoncé, le 21 octobre 2015, le lancement d'une offre payante, baptisée YouTube Red. Ce service permet pour 10 dollars par mois de visionner les vidéos sans publicité, de profiter de programmes originaux et d'un service de musique à la demande avec écoute hors connexion. YouTube Red entend également s'attaquer au marché de la SVOD. Il promet ainsi des séries originales, à l'instar de House of Cards ou Orange Is the New Black qui ont contribué au succès de Netflix.C'est d'ailleurs une ancienne collaboratrice de Netflix, Kelly Merryman, qui a été débauchée pour s'occuper de l'achat de programmes. Mais pour sa première série, Scare PewDiePie, Google ne s'est pas montré franchement aventureux en faisant appel à un YouTubeur à succès, PewDiePie, qui totalise près de 45 millions d'abonnés à ses chroniques humoristiques de jeux vidéo.
Constatant que le temps passé à regarder YouTube sur un écran de télévision avait doublé en 2015, YouTube a également décidé de lancer un service de télévision en streaming. Baptisé « Unplugged », il finaliserait ainsi une offre complète et permettrait comme Red d'engranger des revenus d'abonnements (ces derniers seraient proposés à partir de 35 dollars par mois, soit trois fois moins que les opérateurs du câble).
Enfin, avec l'annonce de YouTube Connect, un service de diffusion en direct de vidéos, YouTube entend tailler des croupières à Periscope et Facebook Live. Sa déclinaison YouTube Gaming, pour la diffusion de compétitions et d'émissions de jeux vidéo, est quant à elle une réplique directe à Twitch, racheté par Amazon en 2014... alors que Google le convoitait.
La compétition s'annonce rude
Bref, YouTube tente de passer du statut de robinet à clips gratuit à celui de diffuseur de contenu de qualité et payant. Impossible de connaître à ce jour les résultats de ces offensives, Google ne divulguant aucun chiffre précis. Sans doute un mauvais signe : YouTube Red, pour l'instant disponible dans seulement trois pays (Etats-Unis, Australie et Nouvelle-Zélande) est actuellement "soldé" à 99 cents pour trois mois d'essai. Pas évident de convertir son public jeune habitué au tout gratuit.En 2012, YouTube avait déjà payé des centaines de millions de dollars à des producteurs pour créer des « chaines » populaires et amélioré son algorithme de recommandation. La plupart de ces chaines se sont soldées par un échec, et selon le Wall Street Journal, la grande majorité des internautes de YouTube provient toujours de liens Google.
Autrement dit, YouTube n'est toujours pas un point de rendez-vous du web. De plus, il se retrouve cette fois en face de compétiteurs de taille. Netflix dispose déjà de près de 80 millions d'abonnés payants. Facebook a une base d'utilisateurs 50% plus large. Amazon a lui aussi lancé son service vidéo Prime avec de grosses ambitions dans la monétisation de contenus exclusifs. La compagnie de Jeff Bezos se paye même le luxe de venir empiéter sur le coeur de marché de YouTube avec sa nouvelle offre Amazon Video Direct, où les créateurs de contenus postent librement leurs vidéos.
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