Interview W3C : retour sur les enjeux de WebRTC

Guillaume Belfiore
Par Guillaume Belfiore, Rédacteur en chef adjoint.
Publié le 05 mars 2013 à 10h40
Le consortium du W3C planche actuellement sur le développement de WebRTC, un standard qui devrait chambouler la manière dont nous effectuerons les communications sur Internet mais également en ouvrant de nouvelles possibilités pour les opérateurs téléphoniques. Dominique Hazaël-Massieux, responsable du groupe Mobile Web Initiative au W3C, revient sur les enjeux de ces travaux.

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Depuis plusieurs années, le W3C développe des interfaces de programmation pour le mobile, ces dernières sont-elles finalisées ?

Dominique Hazaël-Massieux : La vraie question c'est : "est-ce que le web sera jamais fini? " La réponse est : non.

Bien mais alors Mozilla arrive avec Firefox OS faisant usage de ces interfaces et pourtant ces dernières ne sont pas achevées... Parallèlement, le W3C met en garde les développeurs adoptant des technologies non finalisées...

DHM : Certaines sont finalisées et d'autres ne le sont pas. Pour ce qui est de la géo-localisation, on la trouve partout, que ce soit sur le mobile ou sur desktop. L'accès à la caméra est tout récent, on commence à le voir sur les ordinateurs de bureau.

Quels sont les éléments pour lesquels le W3C ne disposent pas encore d'interfaces de programmation ?

DHM : On a accès à la partie localisation, à la boussole ou l'accéléromètre, on a les specs pour la caméra, la batterie, la température, pour l'accès au niveau d'humidité, aux détecteurs de proximité. En revanche l'accès à la partie NFC est aujourd'hui expérimental tout comme le bluetooth.

On entend de plus en plus parler de la technologie WebRTC. Où en est ce protocole aujourd'hui ?

DHM : D'un point de vue développement on est encore tôt dans la phase de standardisation ; il y a encore des évolutions assez larges qui sont possibles.

C'est un espace qui est immense d'un point de vue technologique. En gros on parle de faire Skype dans le navigateur. Donc il y a quand même une fondation technologique qui est assez forte à mettre en place. On le fait en collaboration avec l'IETF pour tout ce qui concerne les protocoles.

Nous avons déjà des premières implémentations avec Firefox et Chrome. Dans les mois qui viennent nous aurons de plus en plus de présentations mettant en scène les interopérabilités, lesquelles permettront de faire de plus en plus de choses.

Ca a l'air d'être un projet relativement lourd à mettre en place....

DHM : WebRTC n'est pas un projet sur le court terme. Aujourd'hui nous essayons de nous concentrer sur la fonctionnalité de base qui a été récemment démontrée par Firefox et Chrome.

Cependant derrière il faut quand même voir ce que l'on ouvre : la communication en temps réel audio et vidéo et le transfert de données en pair-à-pair entre utilisateurs. Il y a un potentiel qui est tellement énorme et tellement impressionnant que nous allons plancher la dessus pendant des années. Et je vais avoir du mal à dire quand WebRTC sera achevé. Mais je pense que d'ici à la fin de l'année on va commencer à voir apparaître des choses plus stables.

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Mozilla a annoncé avoir lancé une expérimentation avec Ericsson et AT&T. Comment greffe-t-on une plateforme téléphonique la-dessus ?

DHM : L'idée c'est que WebRTC permet à un navigateur de rentrer en contact avec un autre navigateur par l'intermédiaire d'une page web et d'établir une relation en direct une fois la connexion établie.

Quand il s'agit de deux navigateurs, il est à peu près possible d'imaginer comment cela se passe. Quand il n'y a qu'un seul navigateur, il va y avoir une passerelle entre l'appareil de départ (c'est-à-dire soit un téléphone, soit un client SIP par exemple...) et celle-ci jouera le rôle d'un navigateur. Concrètement la passerelle communiquera sur le bon protocole du côté navigateur puis sur le bon protocole du côté du téléphone ou SIP.

Et de quelle manière puis-je composer un numéro de téléphone à partir du navigateur ?

DHM : En gros le numéro de téléphone se comporte comme un identifiant, comme il existe des identifiants Facebook ou Twitter. Et c'est cet identifiant qui sera utilisé pour trouver la personne que l'on souhaite contacter. Dans mon navigateur web je vais rentrer ce numéro de téléphone, et celui-ci va être identifié comme étant chez AT&T ou chez Orange et il va ensuite trouver cette passerelle pour établir la communication.

Donc si quelqu'un m'appelle depuis un téléphone sur mon navigateur, il composera un numéro qui se comportera également comme un identifiant ?

DHM : Tout à fait. Par contre le numéro de téléphone est un identifiant mais la promesse de WebRTC ce n'est pas l'identifiant. Aujourd'hui on a un numéro de téléphone et c'est cela que l'on va utiliser pour nous contacter. Mais on va aussi nous envoyer des mails, des tweets, des messages de Facebook et tout ça ce sont des identifiants et donc des clés potentielles pour établir des connexions.

Il faut aussi comprendre que WebRTC, ce n'est pas simplement les géants que sont Google, Facebook, Orange, Twitter qui rendent ses services possibles. Moi dans ma maison, j'ai créé mon système WebRTC où nous sommes 4 personnes et où l'on communique simplement en cliquant sur des icônes. Nous voulons offrir la possibilité de créer ce système de communication à n'importe quelle échelle.

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A terme peut-on imaginer que Skype sera compatible avec WebRTC ?

DHM : Microsoft a rejoint le groupe au mois de juillet et ils sont très actifs. Après je n'ai pas d'informations sur ce qu'ils vont réaliser. Mais pour moi il n'y a aucun doute que Skype va être dans le navigateur et va utiliser WebRTC. De manière pragmatique cela signifie qu'ils veulent pouvoir faire tourner Skype n'importe où sans passer par les applications dédiées. Chez Skype, ils ont un avantage formidable, à savoir une base d'utilisateurs ainsi qu'une marque.

Si Skype, Google ou encore Yahoo planchent sur WebRTC, comment cela se passe-t-il en terme d'interopérabilité ?

DHM : Il y a d'une part ce que le standard va définir, avec bien sûr une interopérabilité au niveau du navigateur. Si je ne peux appeler que des internautes disposant d'Internet Explorer ça n'a pas trop d'intérêt et la situation n'a pas vraiment évolué par rapport à ce que propose Skype aujourd'hui. Et puis il y a l'interopérabilité en terme de services. Par exemple je suis chez Skype et je veux appeler mon ami qui est chez Yahoo! et qui n'a pas de compte chez Skype. C'est ce que les opérateurs téléphoniques ont mis en place il y a une centaine d'années. Ce sont des questions purement de l'ordre du business. Le standard ne peut obliger à l'interopérabilité même si celle-ci est devenue triviale à mettre en place.

On peut imaginer que Microsoft souhaite faire de l'argent en réservant l'accès au service téléphonique, Skype Out, à ses membres. A l'inverse, la société va peut-être devoir envisager des interopérabilités avec de gros réseaux sociaux comme Facebook.

Que pensent les opérateurs français de tout cela ?

DHM : Orange est l'un des opérateurs prenant part aux travaux du groupe. C'est d'ailleurs le seul opérateur français présent au W3C. De manière globale je sais que les opérateurs téléphoniques suivent de très près ces travaux. La plupart me disent que c'est à la fois une opportunité et une menace, donc la manière dont ils vont gérer cette technologie sera très importante sur leur développement économique dans les années qui viennent. AT&T est à la pointe en la matière. Pour un opérateur, ne pas prendre en compte WebRTC, c'est un peu se voiler la face.

Je vous remercie.
Guillaume Belfiore
Rédacteur en chef adjoint
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