Jean-Luc Leleu, Cellfony : bientôt un Square à la française ?

Alexandre Laurent
Publié le 23 mars 2012 à 17h13
Alors que Square se taille un joli succès sur le marché américain des paiements par carte bancaire réalisés à partir d'un smartphone et doit désormais compter avec l'arrivée annoncée de Paypal, le français Cellfony ambitionne de lancer une solution concurrente, spécifiquement conçue pour les marchés français et européens. Entretien avec son CEO, Jean-Luc Leleu.

Jean-Luc Leleu, bonjour. Pouvez-vous nous résumer rapidement l'objectif de Cellfony ?

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Le projet consiste à proposer une solution d'encaissement par carte bancaire sur smartphone. Nous allons ainsi permettre à n'importe qui de se faire payer à partir de son téléphone et d'un petit lecteur dédié, qu'on fournira - a priori - gratuitement.

Cellfony entre donc en concurrence frontale avec l'américain Square ?

Avec une différence de taille : nous adressons les contraintes de l'écosystème européen. Aux Etats-Unis, les systèmes de paiement de ce type sont basés sur la lecture de la bande magnétique de la carte et la validation se fait avec une signature. En Europe, la plupart des acteurs du paiement font appel à une solution qui repose sur l'utilisation d'une puce et sur la saisie d'un code PIN.

Les solutions de type EMV - Europay Mastercard Visa, définies par ces acteurs ainsi que par les banques qui émettent les cartes - reposent sur des standards si contraignants qu'il est impossible aujourd'hui d'obtenir le niveau de sécurité suffisant sur un smartphone pour autoriser la saisie du code PIN. Nous avons donc dû développer une technologie qui réponde à ce besoin.

Comment y êtes vous parvenu ?

Il est difficile de rentrer dans les détails, qui sont d'ailleurs protégés par brevets. Pour faire simple, nous allons générer sur l'écran du téléphone un clavier virtuel permettant de saisir le PIN, tout en garantissant que ce dernier ne puisse être volé par un logiciel malveillant. Cela nous permet d'obtenir le même niveau de sécurité qu'avec un terminal de paiement dédié. Notre technologie nous permet d'obtenir le niveau de sécurité requis pour les deux niveaux de la certification EMV ainsi que pour le PCI PTS (Payment Card Industry PIN Transaction Service).

Quelle est selon vous la cible idéale pour un produit de ce type ?

L'idée, c'est de dire qu'on va permettre à n'importe qui d'encaisser un paiement par carte, avec tous les avantages que comporte ce dernier : garantie du paiement et gestion simplifiée des transactions. Le premier public serait donc celui des très petits marchands ou des auto-entrepreneurs. Aujourd'hui, si vous voulez faire un encaissement par carte, vous êtes obligés d'aller voir votre banque, d'ouvrir un compte professionnel, puis de louer ou d'acheter un terminal de type Ingenico ou autre.

La baby-sitter pourrait être un bonne illustration, en entrant dans la catégorie des prosumers : elle n'est pas vraiment une professionnelle, mais elle a besoin d'encaisser ses prestations. La banque lui refuserait l'ouverture d'un compte marchand , et de toute façon ce ne serait pas justifié pour elle.

Là, elle s'inscrit sur le site, elle donne le RIB sur lequel elle veut être créditée, elle reçoit son lecteur, le branche sur son smartphone et peut directement encaisser. Les médecins itinérants, les infirmières à domicile pourraient faire partie de la cible, tout comme les chaînes de magasin où il y a beaucoup d'attente, puisque cela permettrait aux vendeurs d'encaisser directement.

Reste tout de même à se satisfaire de l'inévitable commission prise sur les paiements ?

Il y aura effectivement une commission sur les transactions. On ne peut pas encore annoncer le pourcentage précis, mais il devrait se révéler significativement inférieur à celui qui est pratiqué par Square ou par Izettle (Square facture aujourd'hui 2,75% de commission, ndlr). Il faut comprendre que le modèle économique de Square ne tient que parce que le lecteur coûte suffisamment peu cher pour qu'on puisse le fournir gratuitement au client.

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Où en est-on du projet sur le plan financier et notamment de la levée de fonds participative amorcée fin 2011 ?

Le projet a débuté en 2008. A l'époque, nous voulions proposer des solutions de porte-monnaie électronique aux opérateurs. On a d'ailleurs fait un pilote réussi chez SFR mais, pour des raisons stratégiques, les trois opérateurs se sont regroupés au sein de Buyster et se sont concentrés sur cette approche là. Nous nous sommes donc repositionné sur une techno de type Square.Aujourd'hui, la structure est différente de celle des débuts. Nous allons notamment profiter de l'accompagnement de Nomen, puisqu'on a gagné leur concours Esprit d'Entreprise, ce qui sera intéressant pour pousser notre solution auprès du grand public.

Pour ce qui est de la levée de fonds participative, c'est finalement assez compliqué de vraiment financer un projet avec ce type d'approche. Nous sommes donc en discussion avec un certain nombre d'acteurs, notamment industriels, autour du projet. Le domaine du paiement est un écosystème compliqué, mais notre solution a le mérite de bénéficier à l'ensemble de la chaîne de valeur : les banques qui prennent leurs commissions comme les émetteurs de carte qui voient leur marché s'élargir, ce qui fait qu'on n'est en frontal ni avec les uns, ni avec les autres.

N'y a-t-il pas un brin d'appréhension à voir les très nombreux projets qui tournent autour du porte-monnaie électronique ou du paiement sans contact (NFC) ?

Contrairement aux solutions de ce type, nous ne sommes pas confrontés à un problème de poule et d'oeuf : tout le monde a déjà une carte de paiement. Si vous voulez faire du porte-monnaie électronique, il faut convaincre le marchand, mais pour cela vous avez besoin de suffisamment de clients. Or pour convaincre les clients, vous avez besoin qu'il y ait suffisamment de marchands. Paypal devrait de son côté essayer de tirer profit de sa base de clients installés, l'objectif final étant vraisemblablement de permettre aux clients Paypal de payer chez les commerçants dans un environnement physique. Nous représentons finalement une solution complémentaire, qui constitue d'ailleurs un bon vecteur pour pousser le porte-monnaie électronique. Le NFC pose quant à lui le problème du modèle économique, puisqu'il faut mettre à jour les terminaux chez les marchands, trouver une vraie valeur ajoutée, etc. On parle beaucoup de paiement mobile, mais c'est un marché très difficile à pénétrer. C'est justement là la beauté du modèle Square.

Une date de lancement à communiquer ?

Nous communiquerons dans un premier temps sur la sortie d'une bêta relativement fermée qui permettra de tester le service sur iPhone. Ensuite, nous procéderons au lancement commercial, mais il est impossible de donner une date : elle dépendra des délais d'obtention des certifications de la part de la Banque de France, du GIE Cartes Bancaires, etc. Notre solution est certifiable, mais pas encore certifiée !
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