Alain Bosetti : "Auto-entrepreneur : le plus compliqué est d'avoir le bon produit"

Alexandre Laurent
Publié le 11 octobre 2010 à 11h46
Conférencier et spécialiste de l'entrepreneuriat, Alain Bosetti est le président de Planète micro-entreprises, la société qui organise du 12 au 14 octobre prochain le salon des micro-entreprises, qui se double cette année d'un Carrefour des auto-entrepreneurs. Pour Clubic.com, il revient sur les avantages de ce nouveau régime simplifié de création d'entreprise, ses succès et ses potentielles dérives.

Alain Bosetti, bonjour. On estime à plus de 500 000 le nombre d'entreprises créées grâce au régime de l'auto-entrepreneur depuis sa mise en place, début 2009. Quelles sont les raisons de cet engouement ?

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AB - Au début des années 90, il se créait quelque 200 000 entreprises par an en France. En 2003, les lois Dutreuil ont permis de faire passer ce total à plus de 300 000. Aujourd'hui, le statut d'auto-entrepreneur a permis de faire venir un nouveau type d'entrepreneurs à l'entreprise, puisqu'avec ce statut il n'y a pas de frais et pas de risque. 70% des auto-entrepreneurs disent d'ailleurs qu'ils ne seraient pas mis à leur compte sans ce statut. Lorsqu'on crée une entreprise, on a normalement des frais d'immatriculation notamment. En tant qu'auto-entrepreneur, il n'y aucun frais, tout se fait en quelques clics, même si vous voulez fermer votre boîte.

Autre avantage : comme la seule contrainte est un plafond déterminé au niveau du chiffre d'affaires, vous n'avez pas besoin d'un expert comptable ou d'un bilan. C'est important, car beaucoup d'entrepreneurs se sentent, à tort ou à raison, incapables de réaliser un bilan comptable, et un expert coûte cher. Enfin, l'auto-entrepreneur ne paie des charges que sur le chiffre d'affaires qu'il a réalisé. Cette facilité a amené à la création d'entreprises beaucoup de gens qui pensaient la démarche très compliquée. C'est ce qui a permis de passer de 320 à 580 000 créations d'entreprise en 2010 selon les dernières projections.

Au final, le plus compliqué n'est plus l'arbre administratif, mais d'avoir un bon produit. Quand on débute, le maquis juridique, l'administratif, etc. font peur. On se dit qu'on peut le faire, mais qu'on risque de laisser un peu de chair sur le cactus !

Est-il possible de déterminer le profil type de l'auto-entrepreneur d'aujourd'hui ?

AB - Beaucoup d'études sont faites, par plein de gens, mais il est assez difficile de le dire clairement. En France, on a 1 000 entreprises de plus de 1 0000 salariés, pour plus de 3,5 millions d'entreprises. L'immense majorité est constituée de boites avec moins de vingt salariés. On sait tout sur les grosses entreprises, mais les petites sont vues à travers des études où l'on interroge au mieux 1 000 personnes. Comment voulez-vous refléter la diversité régionale ou les différents secteurs d'activité avec de telles méthodes. On a donc des tendances sur l'âge moyen, le ratio hommes / femmes ou le secteur d'activité, mais ce sont des chiffres à prendre comme des signaux faibles.

Les profils restent toutefois très différents. 19% des auto-entrepreneurs sont des seniors par exemple. Il faut aussi distinguer ceux dont c'est l'activité principale et ceux qui en font un complément, aux côtés d'un emploi salarié par exemple, que ce soit dans le but de compléter leurs revenus ou par passion. C'est l'exemple de cet employé de la Société Générale qui a développé une activité de vente de bijoux en ligne, et qui aujourd'hui paie ses impôts de salarié avec ses revenus d'auto-entepreneur. Parmi les autres cas de figure, on a le salarié qui pense que le vent va tourner et qui veut tester quelque chose sans risque, ou les retraités qui pensent à une nouvelle vie professionnelle ou à la compléter leurs revenus.

En février, une étude OpinonWay indiquait par exemple que les auto-entrepreneurs étaient à 64% des hommes, avec 19% de 60 ans et plus, un chiffre bien plus élevé que dans la création d'entreprise traditionnelle. 23% se situent en région parisienne, contre 30% pour le sud-est, sans doute grâce aux services à la personne. 30% sont salariés en parallèle, alors qu'un tiers en a fait son activité principale. 22% sont retraités, 2% sont étudiants.

Parmi cette foule d'auto-entrepreneurs, combien transforment vraiment l'essai ?

AB - Cela reste assez faible. Cet été, on estimait qu'un auto-entrepreneur sur deux environ avait facturé, avec un chiffre d'affaires mensuel moyen qui se situe aux alentours de 800 ou 900 euros par mois. On peut voir ça comme un verre à moitié vide, ou comme un verre à moitié plein. Certains disent que ça n'est pas beaucoup, mais quand on pense aux minima sociaux, c'est déjà énorme.

L'auto-entreprise contribue-t-elle à l'économie française, et finit-elle par donner naissance à de vraies PME ?

On remarque que le nombre de créations d'entreprise a baissé fin 2008, ce qui prouve bien que beaucoup attendaient ce nouveau statut, particulièrement intéressant fiscalement lorsqu'on débute. Après, seuls quelques pourcents franchissent les seuils plafonnés. Ce qu'il faut voir, c'est qu'avec l'auto-entreprise, vous élargissez la base. C'est comme le gazon : vous en mettez beaucoup, les oiseaux en mangeront un peu, etc, mais vous finissez tout de même par obtenir une pelouse. On aura sans doute en 2011 ou 2012 de vraies success stories, avec des gens parties de l'auto-entreprise qui dirigeront des boites de 40 ou 50 personnes.

L'important, c'est que plein de gens qui ne se seraient pas lancés dans la création d'entreprise le font ou vont le faire. En élargissant la base, on sert les intérêts macro-économiques du pays. A deux, trois ou quatre ans, on aura plus d'entreprises individuelles, mais aussi plus de TPE et finalement plus de PME.

Si le bilan parait des plus positifs, ces régimes simplifiés ne sont-ils pas également sources d'abus ?

On n'a pas de chiffres précis à ce sujet mais oui, il y a des abus, comme des employeurs qui les utilisent pour du travail déguisé, etc. Le travail au noir en France par exemple représenterait de 4,5 à 5 milliards d'euros rapporté au PIB. C'est tout de même quelque chose, et ça existait avant l'auto-entrepreneuriat. De la même façon, est-ce que tous les chômeurs méritent leur chômage ? Non, on sait qu'il y'en a qui trichent, comme pour les prestations sociales ou l'assurance maladie. La nature humaine est ainsi faite : quand on propose des facilités, certains vont franchir la ligne, on aura donc des patrons qui vont proposer à leurs salariés de les passer en auto-entrepreneur par exemple. Un contrat commercial à la place d'un contrat de travail, ça n'est pas nouveau, il y a déjà eu de beaux procès à ce sujet par le passé. Donc il y a parfois des abus, oui, mais il y a aussi un cadre juridique qui permet de les punir.

Admettons que je souhaite démarrer une nouvelle activité. Que trouverai-je au salon Micro-entreprise ?

Nous avons d'un côté le salon des micro-entreprises, qui existe depuis douze ans, puis de l'autre, un nouvel événement, le carrefour des auto-entrepreneurs. Les gens pourront circuler librement de l'un à l'autre. Pour ce qui est de créer son activité, il faut voir ces deux événements comme une boussole. On trouve déjà des ressources sur le sujet. Il y a un ouvrage chez Dalloz par exemple, très complet, 650 pages, on pourrait presque tuer quelqu'un avec !

Il faut bien voir que créer son entreprise, c'est un peu comme la grammaire française : très simple au premier abord, mais truffé d'exceptions selon que vous êtes chômeur, marié, etc. Le salon permet de trouver toutes les réponses aux questions qui découlent des exceptions, au même endroit. Urssaf, banques, assurances, fournisseurs de solutions technologiques, tout est là. Les visiteurs pourront donc non seulement obtenir des réponses à leurs questions, mais aussi confronter des réponses provenant de structures ou d'administrations différentes.

Parmi les autres enjeux, il y a le fait d'accompagner les entrepreneurs et de les aider à se créer une vraie sources de revenus. On s'est rendu compte par exemple que pour 75% de nos visiteurs, la principale préoccupation était de trouver des clients puis de vendre. Nous avons donc placé cette édition 2010 sous l'angle de la performance commerciale. Pour cela, nous avons organisé un cycle de plus de deux cents conférences, tournées sous un angle très pratique : pas de trucs encyclopédiques ou trop théoriques, mais du concret, des how to.

Une autre bonne raison de venir, c'est la bonne ambiance qui y règne. C'est bourré d'énergie, avec des créateurs de boites qui sont dynamiques parce qu'ils se disent : « je conduis ma boite comme j'en ai envie et pas comme on me dit de le faire ». On a donc un salon très pro, mais avec une ambiance chaleureuse et beaucoup de partage.

Alexandre Laurent
Par Alexandre Laurent

Alex, responsable des rédactions. Venu au hardware par goût pour les composants qui fument quand on les maltraite, passé depuis par tout ce qu'on peut de près ou de loin ranger dans la case high-tech, que ça concerne le grand public, l'entreprise, l'informatique ou Internet. Milite pour la réhabilitation de Après que + indicatif à l'écrit comme à l'oral, grand amateur de loutres devant l'éternel, littéraire pour cause de vocation scientifique contrariée, fan de RTS qui le lui rendent bien mal.

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