La taxe française sur les géants du numérique, portée par Bruno Le Maire, va franchir un nouveau cap mercredi, avec le dépôt d'un projet de loi en Conseil des ministres.
Après plusieurs mois d'évocation, l'idée d'une taxation des géants du numérique continue de faire son trou en France où le ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire va déposer, ce mercredi, un projet de loi lors du Conseil des ministres dirigé par le président de la République Emmanuel Macron. Le ministre a évoqué les contours et grandes lignes de la taxe GAFA dans une interview publiée par nos confrères du Parisien ce week-end.
500 millions d'euros par an de recettes fiscales
Alors que l'on craint que l'Union européenne ne parvienne pas à définitivement valider une taxe européenne des mastodontes du numérique le 12 mars prochain, la France enclenche la vitesse supérieure pour se doter d'une taxation nationale souhaitée par Bruno Le Maire, qui milite pour l'établissement d'une justice fiscale.Le ministre a réaffirmé sa volonté de fixer la taxe à un taux unique de 3 % sur le chiffre d'affaires pour les entreprises qui génèrent un chiffre d'affaires annuel mondial de 750 millions d'euros, dont 25 millions d'euros en France. La taxe, dont l'applicabilité serait effective au 1er janvier 2019, devrait « atteindre rapidement les 500 millions d'euros » de recettes fiscales pour la France, indique Bruno Le Maire.
Critéo, seule véritable entreprise française concernée
Si les géants du numérique comme Google, Apple, Facebook, Amazon mais aussi Airbnb, Uber ou Booking.com sont concernés, plus d'une vingtaine d'autres groupes l'est également. Parmi eux, l'entreprise française Critéo, poids lourd du reciblage individualisé sur Internet, et d'autres entreprises d'origines françaises, mais rachetées depuis, vont également être impactées par le texte. Des sociétés américaines, chinoises, espagnoles et britanniques vont voir leur facture fiscale exploser dans l'hexagone.« Les géants du numérique payent 14 points d'impôts de moins que les PME européennes. Que ces entreprises paient moins d'impôts en France qu'une très grosse boulangerie ou qu'un producteur de fromages du Quercy, cela me pose un problème », affirme un Bruno Le Maire qui a tenu à livrer davantage de précisions sur le projet de loi.
La France, presque seule sur le front de la taxe GAFA
La taxe ciblera en priorité des « plateformes qui touchent une commission pour mettre en relation des clients et des entreprises ». Une entreprise comme Darty, qui vend ses propres produits sur son site Internet, n'aura par exemple pas à s'acquitter de la taxe. En revanche, Amazon, qui agit comme intermédiaire numérique entre un client et un producteur, sera taxée. La fiscalité « portera aussi sur la revente de données personnelles à des fins publicitaires ».Être la première nation (même si d'autres pays européens étudient cette possibilité) à instaurer une taxe nationale envers les géants du numérique pourrait avoir l'effet pervers de potentiellement nuire à l'attractivité de la France. À cela, le ministre de l'Économie rappelle que la taxation des GAFA est étudiée au sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et qu'un accord pourrait être trouvé en 2020. « C'est là que nous pourrons trouver un accord politique pour redéfinir la fiscalité. Dès qu'il y aura un accord au sein de l'OCDE, ces nouvelles règles fiscales internationales prendront la place de notre taxe française », soutient Bruno Le Maire, qui n'oublie pas sa rencontre avec son homologue américain Steven Mnuchin, qui lui avait indiqué ne pas être un grand fan de différentes taxations nationales en Europe.
Après le dépôt du projet de loi, le texte passera par l'Assemblée nationale et le Sénat, avant de passer par l'étape de la « navette parlementaire » puis de l'adoption par les deux assemblées. Encore plusieurs semaines, voire plusieurs mois de patience...