Invendus consommables : Amazon dans le viseur du gouvernement, qui compte légiférer

Alexandre Boero
Par Alexandre Boero, Journaliste-reporter, responsable de l'actu.
Publié le 15 janvier 2019 à 15h52
Amazon entrepôt
Getty Images

Le géant mondial du e-commerce détruirait environ 3 millions de produits invendus chaque année en France. Pour lutter contre cette pratique choquante, l'État va proposer une loi au Parlement.

Depuis plusieurs années, des dizaines de millions de Français sont devenus clients d'Amazon, le géant mondial du e-commerce. Dimanche 13 janvier, M6 diffusait un nouveau numéro de Capital consacré en partie à la firme de Jeff Bezos. Et le constat des équipes du magazine est accablant : chaque année, Amazon détruirait plus de 3 millions de produits invendus rien qu'en France. Invitée à réagir en plateau, Brune Poirson, Secrétaire d'État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, a promis de proposer une loi au Parlement dans les prochains mois, pour lutter contre le gaspillage.

« 70 à 80 % des produits jetés encore vendables »

Pour rassembler les éléments nécessaires à l'enquête, les équipes de Capital ont pu observer et décortiquer les process d'Amazon pendant plusieurs mois, en infiltrant l'entreprise et en recueillant les témoignages d'anciens employés de la firme. Celui de Julie, ex-Responsable d'équipe Amazon, est assez triste : l'entreprise de commerce en ligne se débarrasse des produits qui ne trouvent pas preneur : « Vous avez des produits neufs parmi ceux jetés », indique-t-elle en précisant que « 70 à 80 % » des produits jetés sont encore vendables.

Sur la politique de destruction des invendus, les cinq entrepôts français sont concernés. À Saran, dans le Loiret, ce sont des livres, des couches, des boites de Lego, de Playmobil ou parfois des téléviseurs qui passent à la trappe. À Chalon-sur-Saône, en Saône-et-Loire, l'un des plus petits sites en France de l'entreprise américaine, 293 000 produits ont été envoyés à la casse, presque tous neufs, en seulement neuf mois. Si l'on reporte ce chiffre à l'ensemble de la France, on estime que plus de 3 millions de produits auraient été détruits dans les entrepôts français d'Amazon.

Amazon se propose de détruire les stocks via un système incitatif

Dans les faits, si des produits proposés sur l'immense marketplace d'Amazon (là où les nombreux revendeurs proposent leurs stocks) ne se vendent pas, la firme de Seattle se propose de les retourner à l'entreprise vendeuse, moyennant une somme d'argent, ou bien de les détruire, moyennant une très faible somme d'argent.

En Chine par exemple, une entreprise localisée à Shenzhen qui a bien voulu témoigner dans le magazine, indique qu'Amazon lui impose des frais de stockage colossaux pour conserver ses produits aux États-Unis ou en Europe : 26 € par mètre cube et par mois, puis 500 € lorsque le stockage dépasse les 6 mois, et enfin 1 000 € lorsque celui-ci dépasse les 12 mois. Pour éviter ces lourds frais, Amazon propose alors à son vendeur une solution radicale et nettement moins coûteuse : la destruction, pour seulement 0,15 centimes d'euro par produit. Une technique bien incitative et efficace pour la société.

Amazon se défend et indique ne détruire qu'une « petite fraction des produits invendus »

Au jeu de la responsabilité, Amazon la renvoie à ses vendeurs, prétextant que les stocks détruits ne lui appartiennent pas. En revanche, concernant ses propres produits, l'entreprise américaine envoie une partie de son stock chez des soldeurs ou à des œuvres sociales comme Emmaüs.

À ce propos, Amazon a répondu, au lendemain de la diffusion du magazine, que « seulement une petite fraction des produits invendus est détruite », et rappelé que « la grande majorité est recyclée, revendue, retournée ou donnée. Par exemple, nous faisons régulièrement des donations pour des associations. [...] Nous nous efforçons de réduire le nombre de produits pour lesquels nous n'avons d'autre choix que la destruction, notamment en portant le sujet auprès des autorités compétentes ».



Une loi pour lutter contre le gaspillage étudiée par le Parlement d'ici cet été

Questionnée par Julien Courbet, Brune Poirson promet que « dans les mois à venir, d'ici l'été, il y a une loi qui va passer au Parlement ». La secrétaire d'État a fait part de son intention d' « interdire ce type de pratique. Des marketplaces comme Amazon ne pourront plus jeter des produits qui sont encore consommables. Elles ne pourront pas non plus rendre impropres à la consommation des produits qui pourraient être utilisés ».



Comment le gouvernement compte-t-il s'y prendre ? Brune Poirson considère que les entreprises comme Amazon doivent trouver elles-mêmes les moyens nécessaires, comme « le don aux associations », suggère-t-elle. Et si les géants du e-commerce ne se mettent pas au diapason, des sanctions financières seront prises et des sanctions pénales, comme des peines de prison, pourraient même être prononcées.

Alexandre Boero
Journaliste-reporter, responsable de l'actu
Vous êtes un utilisateur de Google Actualités ou de WhatsApp ?
Suivez-nous pour ne rien rater de l'actu tech !
Commentaires (0)
Rejoignez la communauté Clubic
Rejoignez la communauté des passionnés de nouvelles technologies. Venez partager votre passion et débattre de l’actualité avec nos membres qui s’entraident et partagent leur expertise quotidiennement.
Commentaires (10)
lordypakna

Les gros méchants d’amazon, et darty, fnac etc, il recycle l’obsolescence programmée?

PsykotropyK

Il est normal qu’Amazon en tant que market place cherche à faire tourner les stock des vendeurs pour lesquels ils assurent la logistique. Ainsi la hausse des coûts de stockage dans le temps n’a rien de surprenante.
.
Pourtant, si ils arrivent à trouver des solutions alternatives à leurs produits pourquoi ne le proposent-ils pas à ceux de leur vendeurs? Une vente en destockage, un don, etc.

ultrabill

Amazon peut se permettre de tirer au sort des clients, qui pourront alors se servir gratuitement dans les produits initialement voués à la destruction, en limitant le nombre et la valeur totale. Seuls les frais de port resteraient à la charge du client (business is business :wink: )

Les vendeurs auraient donc le choix de payer le rapatriement des produits (très cher), de les faire détruire (cher) ou les passer en dons aux clients (pas chers).

Les vendeurs sont incités à donner plutôt qu’à détruire. Et Amazon fait le vide dans ses stocks de façon plus morale, plus utile, plus propre, sans perte.

jaceneliot

Quand on voit les cons qui foncent à BlackFriday, pas besoin de donner, 50 % de réduc tout part.

ultrabill

Je crois que d’un point de vue réglementaire c’est plus facile de donner des produits (une sorte de jeu sans obligation d’achat) que de justifier des promos à -50%

Rumpelstiltskin

C’est limite incompréhensible de mettre Amazon fautif

1 ces produits ne leur appartient pas

2 les stocks se renouvellent , il faut de la place

Sa paraît logique de vouloir renouveller la place …

Rumpelstiltskin

Darty Fnac , hormis Darty qui est limité utile pour l’électroménager , comparer à Amazon…

Rumpelstiltskin

Y a pas un truc qui interdit la vente à perte

C’est l’hôpital qui se fou de la charité…

claudemc

en passant à 1000€ le Mètre cube, c’est amazon qui incite à la destruction,
la vente à perte est interdite, mais pas entre commerçants, il suffirait alors de donner un autre choix, celui de la vente à un marchand, amazon ne le fait pas car elle a peur de retrouver ce stock loué au prix normal (26€ par mois au lieu de 1000),
un tas de produits disparaissent ainsi de chez amazon, non pas parce que ce sont de mauvais produits, mais parce qu’lls ne partent pas assez vite,
une solution simple: toute destruction devrait être soumise à déclaration, voire taxée si l’impact environnemental est grand (produit non recyclable ou cher pour la planète à fabriquer)…
Amazon refléchira autrement si ces chiffres deviennent publics.

mcbenny

Stocker 1m3 pendant 1 mois : 26EUR, et magiquement, le 7ème mois coûte 526EUR. Etrange.
C’est surtout que si Amazon ne pousse pas les produits vers la sortie, ils restent au catalogue, et Amazon se retrouve à vendre des produits anciens, voir dépassés. Après tout, ils gèrent le catalogue global.
Quant aux prix de renvois, destruction etc, ce ne sont pas des prix en fonction de coûts réels mais bien en fonction d’un objectif : s’il est intéressant pour le vendeur initial de récupérer ses produits, il va le faire et chercher à continuer à vendre sa marchandise quelque part, sûrement à un prix inférieur, pour accélérer la vente tout de même, résultat Amazon se retrouve avec un catalogue de neuf plein tarif face à des concurrents vendant des produits plus anciens mais moins cher, vers lesquels de nombreux clients vont aller faute de moyens suffisants.
Donc ils ne veulent plus de ces anciens produits chez eux, mais il ne faut surtout pas qu’ils soient disponible ailleurs non plus !
CQFD

Abonnez-vous à notre newsletter !

Recevez un résumé quotidien de l'actu technologique.

Désinscrivez-vous via le lien de désinscription présent sur nos newsletters ou écrivez à : [email protected]. en savoir plus sur le traitement de données personnelles