Amazon se développe à vitesse grand V en France, faisant fi des enjeux écologiques, pour renforcer son hégémonie sur le territoire et le e-commerce.
Dans le sillage d'Amazon, de son annonce du début de semaine de l'embauche à venir de 1 900 nouveaux collaborateurs en France et du franchissement du cap des 9 000 salariés sur le territoire, le journal de l'écologie, Reporterre, publie la première partie de son excellente enquête consacrée au géant du e-commerce. Celle-ci n'est évidemment pas très flatteuse et fait état d'une firme qui bâtit de nombreux entrepôts, centres de tri, et sollicite toujours plus de polluants camions, pour acheminer encore plus vite ses colis dans l'hexagone.
500 000 m² d'entrepôts Amazon en France
Pour nourrir la France de colis Amazon, la firme de Jeff Bezos ne lésine pas sur les moyens et en récolte les fruits, avec un chiffre d'affaires de quelques 6,5 milliards d'euros dans le pays l'année dernière.Depuis l'inauguration de son tout premier entrepôt, un beau bébé de 70 000 m² situé à Saran, à quelques petits kilomètres d'Orléans, Amazon a fait du chemin. Aujourd'hui, ses plateformes inondent le pays et ses véhicules de livraison avalent les kilomètres par milliers. Et les surfaces de stockage du groupe atteignent 500 000 m² en France. Autant vous dire qu'on ne fait pas mieux.
Les entrepôts bâtis par Amazon sont de plus en plus grands. En 2017 s'ouvrait une plateforme logistique de 107 000 m² dans la Somme, à Boves. Mais cela reste encore modeste par rapport à l'entrepôt que la société est en train d'ériger du côté de Brétigny-sur-Orge, à quelques encablures de Paris. Ce dernier, de 142 000 m², devrait être opérationnel à la fin de l'année. Pour information, la surface moyenne d'une plateforme logistique atteint généralement les 17 500 m² en France.
Amazon se donne les moyens de ses ambitions, avançant parfois masquée
Amazon veut être capable de livrer tous les Français, où qu'ils se trouvent, en un jour (sous réserve de disposer de l'abonnement Prime, évidemment). Si l'aspect pratique est exceptionnel, la logistique et l'infrastructure nécessaires le sont aussi. Car pour diminuer le temps entre la commande et la livraison, le géant doit s'étendre, encore et encore.La firme grandit tellement que certains de ses entrepôts ne sont pas « officiels », comme le révèle Reporterre. Si l'entrepôt logistique de Senlis (dans l'Oise, 55 000 m²) porte les couleurs d'Amazon, la société n'a encore rien officialisé. Ce secret est notamment tenu par les élus locaux, comme le prouve la clause de confidentialité signée par la mairie de Senlis. En somme, Amazon est là sans être là.
Amazon bâtirait ainsi dans le plus grand secret (ou presque) de nouveaux entrepôts, en sous-traitant à d'autres le dépôt du permis de construire ou l'achat du foncier. Des sociétés immobilières lui serviraient de vrai cheval de Troie et permettraient à la société américaine d'avancer masquée, peut-être pour brouiller les pistes et éviter de s'attirer les foudres de la population locale.
Les sacrifices des élus locaux, contraints de faire les yeux doux
L'implantation d'Amazon en France ne se fait pas au hasard. « Elle cible d'abord des régions paupérisées, abandonnées par l'industrie où elle peut facilement faire du chantage à l'emploi, négocier des avantages fiscaux », rapporte le porte-parole de l'association Attac, Raphaël Pradeau. L'entreprise profiterait donc des difficultés subies par les collectivités territoriales, privées de subventions diverses, pour les faire plier. « Il est certain que si ça ne se fait pas chez nous, ça se fera ailleurs, et le territoire perdra les emplois et les recettes fiscales » clame, fataliste, Didier Vignolle, élu à la municipalité d'Aramon, dans le Gard.Les collectivités font même souvent des sacrifices pour accueillir Amazon. Du côté de Boves toujours, les élus locaux ont déboursé trois millions d'euros pour rénover les routes et construire un rond-point destiné à fluidifier le passage incessant des camions au sourire jaune. Senlis a dépensé 100 000 euros pour améliorer l'accès au site de la firme.
Emmanuel Macron lui-même adoube cette stratégie d'Amazon, qui arrive à convaincre en multipliant les recrutements et en étant un catalyseur pour l'économie. Le chef de l'État avait inauguré en personne la plateforme de Boves, en 2017. La signature d'un blanc-seing irréversible ?
Source : Reporterre