« Nous n'allons pas signer quelque chose qui dit que nous avons fait quelque chose que nous n'avons pas fait. Alors nous allons nous battre » a déclaré mardi dernier Tim Cock, PDG d'Apple, au sujet de l'affaire opposant l'entreprise au Departement of Justice américain dans le cadre d'une entente présumée sur les prix des livres électronique. Et le combat pour Apple commence véritablement aujourd'hui, puisque c'est le jour de l'ouverture du procès aux USA.
Un modèle d'agence particulier
L'affaire débute en avril 2012, lorsque le DoJ lance une procédure visant Apple et 5 éditeurs, Hachette, HarperCollins, Macmillan, Penguin et Simon & Schuster. Les 6 entreprises sont soupçonnées d'entente sur les prix des livres électroniques, précisément en favorisant le modèle de vente qui leur est alors imposé par Apple.
La firme de Cupertino demande en effet aux éditeurs qui vendent leurs ouvrages numériques sur l'iBookstore d'accepter un contrat très particulier : les éditeurs peuvent fixer eux-mêmes le prix de leurs livres électroniques sur la plateforme, mais les prix pratiqués chez Apple ne peuvent pas être supérieurs à ceux pratiqués sur les autres plateformes de ventes. De fait, pour fixer le prix qu'ils désirent sur l'iBookStore, les éditeurs doivent s'assurer que les autres commerçants proposent au minimum le même. C'est ainsi que les éditeurs ont mis la main sur un moyen de pression vis-à-vis de la concurrence : soit les sites adverses s'alignaient sur les prix, soit les éditeurs les empêchaient de vendre leurs ouvrages.
Un modèle favorable aux éditeurs, mais également à Apple, qui touche 30% des revenus des ventes. Les autres commerçants, eux, ont dû suivre le mouvement pour ne pas être évincés : Amazon, réputé pour casser les prix, a notamment été l'un des premiers à saluer la démarche du DoJ. De son côté, Apple a, dès le départ, nié avec virulence les accusations de la justice américaine, expliquant que « Le lancement de l'iBookStore en 2010 a favorisé l'innovation et la concurrence, en cassant le monopole d'Amazon sur le secteur de l'édition. »
Et il n'en resta qu'un
Il est intéressant de noter que plusieurs mois auparavant, en décembre 2011, l'Europe se penchait déjà sur la question du modèle d'agence proposé par Apple. Mais contrairement à l'affaire américaine, le conflit européen a fini par se régler totalement à l'amiable en décembre 2012. Apple et les éditeurs ont, à ce titre, fait une proposition à l'UE, incluant le gel du modèle d'Apple pendant les 5 prochaines années, et permettant aux commerçants de fixer leurs prix et pratiquer des offres promotionnelles s'ils le souhaitent.
Aux Etats-Unis, la situation est plus compliquée, car le DoJ ne veut pas le gel du modèle, mais sa suppression pure et simple. Apple s'oppose à cette demande, tandis que les éditeurs, de leurs côtés, cherchent à calmer le jeu. C'est ainsi que 3 d'entre eux - Simon & Shuster, HarperCollins et Hachette Livre - trouvent un arrangement avec le DoJ début 2012, échappant à un éventuel procès. Penguin Group finit par jeter l'éponge en décembre de la même année, tandis que MacMillan aura lutté jusqu'en février 2013. Mais le groupe finit par estimer « les pénalités potentielles trop élevé pour prendre des risques, malgré la possibilités d'une issue favorable. » En tout, les 5 éditeurs ont dû verser 164 millions de dollars au profit des consommateurs dans le cadre d'actions collectives, mais également en règlement des frais de justice.
Et c'est ainsi qu'Apple s'est retrouvé seul face à la justice américaine.
« Définir les règles du commerce électronique »
Si le procès qui débute lundi est attendu, c'est parce qu'il devrait, selon l'ancien responsable de la Commission fédérale du commerce (FTC) David Balto, « permettre de définir les règles du commerce électronique ». Selon Reuters, l'objectif des autorités américaines est plus de barrer le barrage à Apple pour des ententes futures que de demander réparation dans ce contexte précis. Néanmoins, la firme de Cupertino pourrait devoir verser beaucoup d'argent si elle s'avérait condamnée, notamment pour indemniser les consommateurs à l'origine de class actions.
La défense d'Apple devrait quant à elle être difficile. « Je pense que le gouvernement sera en mesure d'apporter dans ce procès la preuve directe qu'Apple a participé en toute connaissance de cause à un complot et l'a facilité pour augmenter les prix des livres numériques » estime la juge Denise Cote, qui s'est chargée du dossier avant l'ouverture du procès. La conclusion de ce dernier devrait intervenir à la fin du mois de juin, puisqu'il devrait durer environ 3 semaines.