L'Asic (Association des services Internet et communautaires) a tenu à organiser une conférence afin de décortiquer le statut d'hébergeur de contenus reconnu notamment à certaines plateformes comme Dailymotion. En quelques mots, ces dernières ont, conformément à la LCEN, l'obligation de retirer tout contenu « manifestement illicite » après notification d'un ayants droit.
Précisément, le décret n° 2011-219 dresse la liste des informations qu'un hébergeur doit recueillir. Ce dernier doit donc conserver, entre autres, des informations comme l'identifiant de la connexion, mais aussi les noms et prénoms des internautes ainsi que « le mot de passe ainsi que les données permettant de le vérifier ou de le modifier, dans leur dernière version mise à jour ».
C'est ce dernier point que conteste l'Asic et qui constituera le motif de la saisie du Conseil d'Etat. Benoît Tabaka, directeur des affaires juridiques et réglementaires de Priceminister (Rakuten) explique : « nous contestons le fait qu'il n'y a pas eu de consultation de la Commission européenne sur le sujet alors qu'il y a une possibilité d'atteinte au marché intérieur. Pour nous, l'obligation de conserver les mots de passe ne constitue pas une donnée d'identification de l'internaute ».
« To notice and stay down » : appelez-moi « surveillance »
Pascal Rogard, directeur général de la SACD confie son point de vue sur les effets de la récente décision de la Cour de cassation : « Je commencerais par citer du Racine dans Britannicus. Vous êtes encore jeunes et on peut vous instruire... Sur les nouvelles obligations, on va devoir développer des outils sophistiqués et peut-être revoir nos barèmes de rémunération. Nous soutenons les différentes plateformes communautaires mais la liberté aussi mérite d'être régulée ».
Un signal qui, visiblement, a été entendu par la classe politique puisque la député Laure de La Raudière (UMP) précise : « nous allons porter nos ambitions au niveau européen car l'obligation de surveillance (notice and stay down, ndr) des plateformes entraîne des coûts supplémentaires que d'autres pays de l'Union européenne n'ont pas. Une charte de bonne conduite devra être signée afin d'éviter toute distorsion de la concurrence ».
Pour rappel, désormais une plateforme considérée comme hébergeur peut, non seulement se voir notifier tout contenu illicite, mais doit également empêcher la réapparition de ce type de contenu. Elle opère donc une surveillance continue de ses contenus.
La notification abusive, seule limite ?
La seule limite à cette logique de notification de contenu est la notification abusive. Une procédure, pour l'instant, peu utilisée. Pour sa part, Jean Bergevin chef de l'unité Libre circulation des services, Commerce et services de l'information au sein de la Commission européenne constate : « il faut considérer la question du droit d'auteur au niveau européen mais surtout comme une question horizontale qui touche tous les domaines que ce soit le jeu en ligne, la photo, les livres numériques... ». Il critique l'absence de débat global et de précisions sur le sujet. Un point que constate également Google qui ironise en estimant que les ayants droit vont devenir des juges, des avocats, des politiciens...
Si la justice française a instauré de nouvelles responsabilités aux hébergeurs, reste donc à connaître leurs nouveaux pouvoirs.