A l'heure actuelle, l'activité de l'Hadopi se cantonne au P2P. Grâce au système de la riposte graduée, la haute autorité est en mesure de contrôler une partie des échanges effectués sur ces réseaux pour des œuvres communiquées par les ayants droit. En effet, la riposte graduée se déroule en trois temps. Après un avertissement par e-mail puis par courrier, l'autorité peut adresser un troisième courrier. Dans ce cas, elle peut transmettre un dossier à la justice qui peut alors décider de couper la connexion Internet d'un abonné.
Pour le streaming, le chemin à prendre sera obligatoirement différent. La plupart de ces plateformes n'étant pas hébergées sur le territoire français, l'une des solutions serait donc de bloquer purement ce type de service. Un choix qui aurait le désavantage de pénaliser les sites qui proposent non seulement des contenus illégaux mais également légaux. De même, l'Etat ne viserait donc plus le simple utilisateur mais directement les plateformes.
Installer la MàJ par une nouvelle loi ?
Sur ce point, l'Hadopi est claire. Elle a toujours expliqué que la loi actuellement formulée ne la limite « à aucun moyen de technique, et n'exclut donc pas le streaming ». Par contre, le système mis en place entre ayants-droit et l'autorité (repérage des IP puis transmission) ne vise que le P2P. Pour que l'activité de l'Hadopi évolue, il faudra donc un nouveau texte de loi, au visées bien plus larges... à l'image du projet de loi SOPA actuellement en discussion aux Etats-Unis, qui suggère le recours au filtrage.
Le Bullshit bingo des chiffres
Dans son discours, Nicolas Sarkozy a mis en avant un chiffre plutôt étonnant. Le chef de l'Etat annonce que « grâce à l'Hadopi, le piratage par le peer-to-peer a reculé de 35 %. C'est donc que la bataille n'était pas perdue ». Vu que la source de ce chiffre n'a pas été communiquée et en l'absence d'études indépendantes sur le sujet et quantifiant correctement le téléchargement illégal, ce chiffre ne semble pas avoir de réel fondement.
Si on peut pardonner une certaine méconnaissance des chiffres exacts, leur utilisation à des fins strictement politiques n'est pas nouvelle. Lors des premiers débats portant création de l'Hadopi, la ministre de la Culture d'alors, Christine Albanel, avait souhaité réduire de 70 % le piratage... A vue de nez, les objectifs de l'ex-ministre auraient donc été remplis. Heureux hasard de circonstance...
De la difficulté de financer la lutte contre le téléchargement et la création
Là encore, le chef de l'Etat a donné quelques pistes sur la manière de trouver des fonds destinés à soutenir la Culture. Nicolas Sarkozy a défendu la mise en place d'un organe chargé de soutenir la production musicale en France. Le Conseil national de la Musique (CNM) pourrait donc être financé par les FAI.
Une position que ne partagent pas les principaux intéressés. Dans une tribune publiée dans Le Monde les dirigeants de Vivendi, Free, Orange et Bouygues Télécom (Lévy, Niel, Richard et Roussat) ont fait part de leur mécontentement face à la stratégie de taxation systématique de leurs activités. Ils expliquent que si le gouvernement poursuit dans cette voie : « les acteurs français continueront à courir avec des chaussures de plomb, de plus en plus lourdes à chaque nouvelle taxe, et les pouvoirs publics à s'interroger sur les raisons de leur faiblesse dans la compétition internationale ».
Pourtant, le gouvernement fait face à un casus belli sur le terrain de la Copie privée. La redevance rapporte 180 millions d'euros par an selon le ministre de la Culture. 25 % de cette somme est directement versée à des opérations visant à soutenir la création, à la formation aux métiers du divertissement... La manne pourrait néanmoins se tarir dans la mesure où le fonctionnement de cette redevance doit obligatoirement être revue (lire Les députés donnent rendez-vous dans un an pour réformer la Copie privée ). Reste à savoir si la création de ce CNM pourra remplacer tout ou partie des fonds recuillis au titre de la copie privée. Rien n'est moins sûr.
Toujours est-il que le discours prononcé par Nicolas Sarkozy est une amorce certaine de ce à quoi devrait ressembler le programme culturel/numérique du candidat sortant lors des prochaines élections présidentielles. Sur ce terrain, l'opposition (Gauche, Centre et extrêmes) n'est pas allé réellement au fond des choses. Toutefois, les dirigeants seront amenés à prendre des positions fortes dans les semaines à venir. L'upgrade vers l'Hadopi 3 attendra donc l'issue des prochaines joutes politiques.