Entrepreneurs, politiques ou commentateurs - forcément éclairés - n'ont pas manqué de gloser ces derniers jours sur l'intervention d'Arnaud Montebourg dans la tentative de rachat de Dailymotion par Yahoo!. Une voix manquait toutefois au tableau : celle de Fleur Pellerin, ministre déléguée à l'économie numérique, concernée au premier chef par l'avenir du portail vidéo français. L'intéressée est finalement sortie de son silence le 5 mai, à l'occasion d'une interview publiée par le Journal du Dimanche.
« L'Etat était légitime à faire connaître sa position dans le dossier, parce qu'il est l'actionnaire de référence d'Orange. L'accord avec Yahoo! n'était pas suffisamment équilibré. Il aurait pu conduire à une absorption totale et à une disparition de Dailymotion », défend-elle d'entrée de jeu.
Tout en retenue, elle affirme ensuite que le gouvernement « a accordé, à juste titre, la préférence au développement industriel plutôt qu'à une plus-value et un gain de cash rapide », tout en regrettant que l'intervention de son ministre de tutelle, Arnaud Montebourg, ne soit pas restée « dans le secret des négociations commerciales ».
Le portail vidéo et Orange affirmaient au contraire que l'accord était favorable au portail, notamment parce qu'il « consistait à faire de Dailymotion la plateforme vidéo du groupe américain au niveau mondial », selon Cédric Tournay, son p-dg.
Un couac qui n'entachera pas l'attractivité de la France
Fleur Pellerin récuse par ailleurs les accusations d'antiaméricanisme proférées par certains médias de la presse anglo-saxonne. « L'économie numérique n'est pas un village gaulois », défend la ministre, sans manquer de rappeler que certaines des mesures prononcées en clôture des Assises de l'entreprenariat visent justement à attirer, en France, les talents étrangers.
En attendant que soit tranché le sort de Dailymotion, déjà à la recherche de nouveaux investisseurs, le colbertisme à la Montebourg laisse le sentiment d'un couac gouvernemental, renforcé par le fait que Pierre Moscovici, ministre de l'Economie, s'est rapidement dissocié de l'intervention de son voisin du Redressement productif. « La communication n'était pas exactement alignée comme il aurait fallu qu'elle le soit », euphémise Fleur Pellerin.